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fait assez de cas, parce qu'il est d'un homme très capable d'abord, et puis d'un homme

qu vu, et qui surtout a pu tout voir: c'est le colonel Boutourlin, aide-de-camp de Sa Majesté 'empereur Alexandre. On m'avait beaucoup parlé de cet ouvrage, et j'ai voulu le lire; e l'ai acheté il n'y a pas deux heures. En venant chez vous, j'en ai coupé et lu plusieurs pages. J'ai trouvé dans la préface surtout quelques lignes qui sont bien contradictoires avec ce que vous venez de me dire : vous en pourrez juger: l'ouvrage est dans votre salon où je l'ai déposé avant d'entrer chez vous.

Le général Pe..t fut prendre l'ouvrage du colonel Boutourlin, et l'apportant au duc de Vicence, il chercha le passage qui l'avait frappé, et le lui donna à lire... Après avoir parlé de la campagne d'Iéna, des batailles d'Eylau, de Friedland, il arrivait enfin au traité de Tilsitt, et il disait :

« Nous comprîmes parfaitement, après ce traité si humiliant, que nous n'avions d'autre parti à prendre que celui de demeurer dans un repos apparent et dans une activité cachée. Il fallait se défendre enfin. Nous donnâmes des ordres aux troupes qui étaient sur le Pruth, et même à celles qui pouvaient nous être utiles sur des frontières ennemies... Tout fut habilement con

duit, et au mois DE FÉVRIER 1812 nous avions quatre-vingt mille hommes sous les armes prêts à repousser une première agression; et puis les esprits étaient travaillés par le clergé russe, qui est, comme on le sait, tout-à-fait missionnaire pour répandre la parole sainte. »

Enfin, l'ouvrage était tout entier dans cet esprit. A l'heure qui sonnait alors, tout ce qu'on avait fait dans l'ombre réclamait un beau soleil pour se faire admirer: autant la parole astucieuse avait cherché l'obscurité, autant la parole bravante chercha-t-elle le grand jour. M. Boutourlin avait parfaitement compris les deux positions, et, en homme d'esprit, il en avait profité. Son ouvrage n'était pas agréable à lire alors pour un Français; mais pour peu qu'on soit impartial, et pour peu que quelques années aient adouci l'amertume de certains souvenirs, le livre du colonel Boutourlin est remarquable et intéressant. M. le général Pe..t en fit l'observation à M. de Vicence.

Mais celui-ci ne comprit rien à ce que lui dit le général... La plus funeste lumière lui apparaissait pour éclairer la vérité... et quelle était POUR LUI Cette vérité!!... Le malheureux fut atterré sous le poids d'une telle infortune!... C'était trop aussi pour lui!!... Avec un cœur loyal, avec

une noble pensée, quel rôle lui avait fait jouer sa destinée!... et pourtant, je le répète, M. de Caulincourt avait en lui tout ce qui fait l'homme essentiellement comme il faut, le vrai gentilhomme... l'honnête homme... et c'était seulement au bout de douze ans qu'il voyait qu'il avait été trompé!... qu'il avait trompé surtout!... et qui avait-il trompé!...

Lorsque le général Pe..t le quitta, après cette fatale communication, il était plongé dans une apathie apparente; mais combien il devait souffrir!

CHAPITRE VIII,

reur.

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Nuit de Noël. Sermon. L'abbé Fournier à Charenton. -Députations envoyées à l'empereur. Il serait mort martyr. Nouveau régime calmant. Couvent des Capucins. L'abbé Fournier nommé aumônier de l'empeCaractère. M. de Boulogne. L'abbé Ber nier. L'empereur Napoléon surnommé Théodore-leGrand, Charlemagne, etc. Par qui. Son opinion sur le clergé en général. L'évêque de Montpellier chez le préfet de police.-L'oubli des principes. - Christophe, roi d'Haïti. L'oint d'huile de cacao. Duc de Marmelade, etc. Dessalines. Parodie. Retour aux affaires

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de l'Europe. Lettre du duc de Bassano à M. de Krutsmarck. Traité entre la France et la Frusse. Junot reçoit de l'empereur la direction des troupes d'Italie. Traité entre la Suède et la Russie. La Norwége. - Bernadotte. Suchet, duc d'Albufera. Nouveaux combats en Espagne. - Prochain départ de Napoléon. Douces émotions. - Jeux et sommeil du royal enfant. Refutation d'une calomnie. - Dénombrement. - Etat des corps d'armée qui pénétrèrent en Russie. — Autre état de la cavalerie. Mes relations avec la Russie. - Cérémonie religieuse à Moscow. Image miraculeuse (de saint Serge. - Le czar. Réunion aux eaux d'Aix en Savoie.

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Ce que j'ai dit dans les chapitres précédens du comte Dubois me rappelle une histoire assez drôle, dont le commencement remonte plus haut dans le passé, mais dont le dénouement a précisément eu lieu à l'époque où nous sommes. On fit un jour un rapport au préfet de police

sur un fait qui avait eu lieu à Saint-Germainl'Auxerrois, un jour ou plutôt une nuit de Noël. C'était un discours prononcé en chaire par un jeune prêtre rempli de talens, et ce discours, ou ce sermon, comme on voudra l'appeler, avait produit une vive sensation. L'empereur n'aimait pas cette sorte de bruit; il fut irrité, et ordonna les peines les plus sévères. Le discours était des plus vifs, et ne concluait à rien moins qu'à la révolte. Le préfet de police, qui connaissait les têtes auxquelles il avait affaire, prit le parti d'agir avec une vigueur dont la nuance était assez originale. L'abbé Fournier, c'était le nom du jeune prêtre, fut arrêté dans le jour même, et mis en prison... Mais où croyez-vous qu'il fut conduit? A Charenton !... Il avait été arrêté comme fou!...

A peine l'arrestation fut-elle connue, que toutes les personnes qui s'intéressaient à l'abbé Fournier, et elles étaient nombreuses, formèrent un choeur de plaintes capables de rendre sourd Dieu lui-même. L'empereur fut assailli de demandes de toutes parts, et par tout le monde : enfin, l'abbé Fournier produisait à lui seul plus de scandale que tout le clergé persécuté n'en aurait certainement amené... Une députation fut trouver le préfet.

- De quoi vous plaignez-vous? répondit-il...

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