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de ce que j'ai fait arrêter l'abbé Fournier?... Mais, messieurs, pouvais-je ne le pas faire ?... Comment voulez-vous qu'on laisse prêcher l'insurrection aux portes des Tuileries, sans mettre ordre à de pareils abus?... Vous vous plaignez encore qu'il soit à Charenton?... Aimeriez-vous mieux qu'il passât à une cour d'assises?... mais à l'heure qu'il est, il serait déjà jugé, condamné (parce qu'il est coupable), et fusillé, ce qui, pour un abbé, vous en conviendrez, n'est pas une belle ni une convenable mort. Monsieur, répondit un ecclésiastique de beaucoup de talens, mais très exalté dans sa manière de voir... monsieur l'abbé Fournier serait mort pour son Dieu et pour son roi!... il serait mort martyr, et pour de si grandes causes tous les trépas sont beaux.

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Parfaitement dit, monsieur l'abbé, répondit le comte Dubois en clignant un peu l'œil gauche... merveilleusement répondu... Mais croyezvous donc que l'abbé Fournier ne sera pas très joyeux en apprenant qu'il en est quitte pour avoir la réputation d'un fou? Nous le tiendrons là en lieu sûr, seulement pour lui imposer pendant quelques mois un régime calmant; et puis nous lui ouvrirons les portes. Ne pensez-vous pas qu'alors il sera sage?

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La députation s'en alla comme elle était venue, et M. l'abbé Fournier demeura plusieurs mois à Charenton (je crois même à Bicêtre); pendant ce temps l'empereur était continuellement tourmenté pour lui donner sa liberté. Comme il ne voulait pas le laisser sortir de prison, il le fit partir pour Mantoue, où il fut recommandé au père gardien d'un couvent de capucins pour être sous sa surveillance immédiate et sous sa responsabilité... Quelques années plus tard le cardinal Fesch, allant à Rome, demanda à l'empereur de lui accorder une légère grâce : l'empereur sourit en pensant que c'était probablement quelque tableau du palais Quirinal ou de la villa Borghese... mais pas du tout, tout, c'é

tait la liberté de l'abbé Fournier.

.

Ah çà! dit l'empereur, qu'est-ce que c'est donc que cet abbé Fournier? en vérité il fait à lui seul plus de bruit que l'élection de dix députés. Mais que voulez-vous en faire? demanda. Napoléon à son oncle.

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Mon Dieu! dit le bon cardinal, je veux seulement lui faire revoir le ciel et les champs, au pauvre jeune homme!... Quant au mal qu'il peut faire, j'en réponds, sire. L'abbé Fournier ne quittera pas ma maison; et vous me connaissez assez pour être certain que ce n'est pas de chez

moi que sortira le vent qui fera venir la tempête autour de vous.

A cette condition, je lui donne sa liberté, dit l'empereur; j'espère qu'il vous en aura de la reconnaissance.

Le cardinal, en arrivant à Mantoue, s'en fut aussitôt au couvent des capucins, et délivra le pauvre prisonnier en lui disant à quelles conditions il avait obtenu sa liberté,

-Je me suis engagé en votre nom, monsieur l'abbé, lui dit-il, et il faut me confirmer dans la persuasion où je suis, que vous êtes résolu à vous bien conduire. Cette condition est de ri

gueur, comme vous pouvez le penser, dès que vous faites partie de la grande-aumônerie; mais aussi, cette condition fidèlement observée, vous pouvez compter que vous n'aurez jamais de plus chaud protecteur que moi.

L'abbé Fournier est tout à la fois un homme de cœur, d'esprit, et d'une grande piété : il comprit tout ce que lui dit le cardinal, et le comprit bien, parce qu'il l'entendit avec sa raison et avec son âme. Il partit pour Rome avec le cardinal Fesch, devint son secrétaire intime, et plus tard M. l'abbé Fournier fut nommé aumônier de l'empereur. C'était, je le répète, un homme non seulement de beaucoup d'esprit, mais d'un es

prit remarquable; il sortait de la ligne dans laquelle on trouvait à cette époque tant de prêtres intolérans, apportant eux-mêmes un obstacle puissant au maintien de la religion catholique en France, parce qu'ils y rapportaient, après quinze ans d'une entière liberté dans l'exercice de la religion, un despotisme intolérant, preuve d'un esprit étroit, et malheureusement commun parmi le clergé qui se répandait alors en France. Plusieurs ecclésiastiques oubliaient que Napoléon avait rouvert les églises, rappelé les prêtres, fait un nouveau traité d'alliance avec la cour de Rome, et qu'enfin tout ce qui était chrétien en France lui devait reconnaissance. Mais les hommes habiles le comprirent: M. l'abbé de Boulogne fut même un peu trop loin dans prédications; le cardinal Maury, M. de Frayssinous, M. Feutrier, et M. l'abbé Guillon, une foule d'autres enfin que je pourrais nommer, se groupèrent autour de l'empereur et l'appelèrent de tous les noms que les livres saints. donnent au Cyrus qui fut bon pour le peuple de Dieu; M. de Boulogne, M. Bernier, jadis le soldat le plus déterminé de la sainte milice de la royale Vendée, l'abbé Bernier, nommé à l'évêché d'Orléans, avait bien compris la position DE TOUS, avec l'esprit et à l'avantage de chacun. Peut. être

ses

même lui comme beaucoup d'autres ont ils été trop loin, M. l'abbé de Boulogne disait alors EN CHAIRE:

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Toute puissance vient de Dieu... Quiconque résiste à la puissance, résiste donc à Dieu même!..»

Plusieurs prédicateurs célèbres n'ont-ils pas donné à l'empereur les noms de Théodose-leGrand... de Charlemagne !... de Marcien!... et ceux qui parlaient ainsi étaient les plus habiles. Je ne parle pas du cardinal Maury, parce que l'on pourrait m'objecter que sa conscience politique ayant cédé, il pouvait aussi bien sacrifier ses opinions religieuses. Quoi qu'il en soit, à l'époque dont je parle, les ecclésiastiques avaient pris la route qui leur avait été ouverte et frayée par Napoléon. Il voulait des prêtres, mais il ne voulait pas de clergé. Il ne voulait pas que prêtres prétendissent exercer sur les peuples une tutelle ecclésiastique; bien plus, il n'entendait nullement que des sermons renfermassent comme exemples des erreurs aussi absurdes que celles que M. de Boulogne avait introduites dans son sermon, et que j'ai citées. plus haut, bien qu'elles fussent en apparence à l'avantage de la puissance.

les

J'ai entendu souvent l'empereur se plaindre de ce que jamais le clergé de France ( comme au reste celui de tous les pays) ne voulait abandon

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