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L'impératrice Joséphine aurait bien pu certifier de la vérité de ce que je viens de dire là. Toute sa destinée brisée, sa vie détruite, c'était pour servir l'empereur!...

Lorsque je revis l'impératrice Joséphine, ce fut assez long-temps après mon retour d'Espagne; elle était à Navarre lorsque j'arrivai à Paris, et n'en revint que dans l'automne, lorsque l'humidité l'eut chassée de Navarre, où les eaux, les ombrages, les prairies, causent des inconvéniens qui ne sont balancés que pendant deux mois de la plus belle saison, c'est-à-dire de fin de juin jusqu'à fin d'août : l'impératrice en avait déjà beaucoup souffert.

Je la trouvai fort engraissée; cela lui allait bien et mal; cela lui allait bien pour son visage, parce qu'une fois qu'une femme a passé quarante ans, il faut qu'elle engraisse pour que sa figure ait encore une illusion de jeunesse... cela lui allait mal, parce que sa tournure si ravissante avait presque disparu, et que c'était presque toute sa beauté; elle était devenue fort grasse, et sa taille avait pris cette apparence de matrone qu'on trouve dans toutes les statues d'Agrippine, de Cornélie, de Livie, etc., etc. Il y avait surtout une portion de sa personne qui s'était accrue d'une manière tout extraordinaire, et la façon

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dont elle s'habillait, quoique son goût fût parfait, contribuait encore à la faire paraître plus forte.

Au reste, elle avait, le jour dont je parle, une toilette ravissante, avec laquelle je la trouvais mille fois mieux que dans une grande toilette du soir. On ne voit plus maintenant de ces élégances matinales, ou du matin pour parler plus juste, et ce n'en est pas mieux. Lorsqu'il y avait du luxe, les ouvriers travaillaient, et les femmes étaient mieux mises; maintenant ce n'est pas qu'elles économisent... non... elles achètent des. magots... des vases du Japon fêlés, ébréchés, qui s'achètent des prix fous, et n'ont aucune valeur1.

La toilette de l'impératrice était admirable de bon goût et de fraîcheur; elle avait une robe de mousseline de l'Inde, de ces mousselines qu'on

J'étais il y a quelques jours chez une de mes amies qui a cette manie même au degré de la folie. Sa chambre ressemble à une arrière-boutique de bric-à-brac; mais le curieux (ce n'est rien de ce qui est là), c'est que tous les objets étalés en grande pompe sur des étagères et presque sur la cheminée, sont cassés et presque hors de service. Ce sont des Magots n'ayant qu'un bras, un Dragon sans queue... des tasses sans leur soucoupe, des théières rattachées par un lien... des pots à crème appareillés seulement pour la félure...Et que croyezvous qu'elle paie cela? des niaiseries peut-être ? non pas du tout. La moindre piece lui coûte 300 et 400 francs... et beaucoup ont été payés jusqu'à 3 et 4000 francs.

peut appeler un tissu d'air, que, cependant, malgré sa finesse, on avait brodée au plumetis d'un semis de petites étoiles dont le milieu était rempli par un point de dentelle fait à l'aiguille. La robe était montante et faite comme une redingote; tout autour était une magnifique angleterre de la hauteur des deux mains, et abondamment froncée; le tour du col et le devant de la robe en avait également; de distance en distance étaient des nœuds d'un ruban de satin bleu, si frais, si pur de nuance, bleu turquoise, que jamais on ne vit rien de si charmant; le dessous de la robe était en satin du même bleu que les rubans; sur sa tête, l'impératrice avait un bonnet dont les papillons étaient en angleterre du même dessin, mais encore plus fine que celle de la robe, et gracieusement posé et coupé par des touffes de ce ruban bleu auquel ne venait se mêler aucune fleur... Jamais on ne fera une plus charmante toilette, et surtout elle ne sera jamais mieux portée; c'est un enchantement qu'un pareil costume...' Mais si vous voulez l'imiter aujourd'hui, n'allez pas garnir votre robe avec un

'Mademoiselle Minette m'a fait une pareille robe pour un jour de Longchamp, excepté que ce qui était bleu était jaune d'or; mon chapeau avait été fait par Herbault; il était eu paille d'Italie, avec des giroflées jaunes et des jacinthes bleues.

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tulle, application d'angleterre, parce que les plis seront raides et sans grâce; n'allez pas employer de mauvaise mousseline claire, sans être fine, parce que le reflet n'est plus le même... et en tout, si l'on veut imiter une fraîche et suave toilette d'un temps où le goût marchait avec une grande richesse, il faut ne rien mettre de faux, et consentir à porter une robe toute simple... L'impératrice Joséphine avait un goût admirable pour sa parure. Je suis certaine que ce goût tout naturel, au reste, et qui lui était inhérent, a contribué à la faire paraître long - temps jeune. L'empereur, qui certes ne faisait guère attention à la manière dont les femmes étaient mises, si . ce n'est lorsqu'un habit de cour lui frappait trop souvent les yeux, s'occupait cependant souvent de l'impératrice Joséphine: on aurait dit qu'il en était fier!...

La meilleure preuve du bon goût de l'impératrice Joséphine, c'est le peu d'élégance de Marie-Louise; elle avait les mêmes ouvriers, elle avait une somme très forte pour la dépense de sa maison... Eh bien! jamais je ne lui ai vu de ces costumes de cour étourdissans par une élégance magnifique toute charmante '. Je

Je revoyais hier dans une page de mon journal de 1809 le détail d'une robe que j'ai vue à l'impératrice Joséphine. La

crois que la faute en venait d'elle. Quant à la duchesse de Montebello, qui sait très bien ce que c'est que de se bien mettre, comme elle était dámé d'honneur, et non pas dame d'atours, cela ne la regardait pas.

J'ai déjà dit que Madame était de la plus grande réserve relativement à l'impératrice MarieLouise; elle était pour la seconde de ses bellesfilles ce qu'elle avait été pour la première, c'està-dire très silencieuse, et ne cherchant en géné. ral qu'à établir de bonnes relations entre ses nombreux enfans. Je répète ici ce que j'ai dit souvent, c'est que MADAME-MERE est une des femmes les plus supérieures de l'époque; mais ce que je puis dire aussi c'est qu'elle n'aimait pas Marie-Louise.

MADAME était d'une grande réserve avec nous sur ces sortes de matières. Il y avait une femme jupe et le manteau étaient pareils; tous deux en tulle brodé en lames d'or, mais avec une délicatesse infinie. C'était un carreau pris dans un'autre, et pris par ses quatre côtés, ce qui formait, non pas un tissu d'or, mais un réseau admirablement fait. Une petite frange bordait le manteau et la robe. Puis le tour du corsage, les manches, la ceinture, tout était brodé en émeraudes entourées de diamans. Le diadème, le peigne, les boucles d'oreilles... tout en émeraudes. Une autre fois, l'impérattice mit la même robe avec la garniture complète de perles admirables. Je ne sais quelle est celle des deux parures que j'aime le mieux.

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