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dans sa maison qui avait sa confiance plus qu'aucune autre; peut-être c'était SAVERIA, cette femme qu'elle avait amenée avec elle de Corse, et qui avait élevé tous ses enfans dans leur première enfance... Savéria avait non pas de l'attachement pour tout ce qui était Bonaparte, mais un culte, une idolâtrie; c'était une femme extraordinaire. Je n'oublierai jamais l'expression de sensibilité sauvage qui l'anima un jour à Pont; j'étais dans une vieille galerie abandonnée où se trouvait une épinette plutôt qu'un piano, sur laquelle mademoiselle de Launay et moi nous nous amusions quelquefois pour tromper le temps; un jour, je chantais à demi-voix, tandis que Madame faisait son reversi; et dans cette maison, où tout me rappelait la Corse bien plus que chez moi, il me revint en mémoire une chanson de chevrier, un chant montagnard, qué ma mère m'avait appris en me le chantant, non seulement dans mon enfance, mais plus tard, pour qu'à mon tour je le disse auprès de son lit, pour endormir ses douleurs... Je le chantais, et je chantais doucement. Cependant Savéria m'entendit'; sa chambre n'était pas éloignée, et elle s'approcha doucement de moi, tandis que j'étais au piano... puis j'entendis des sons étouffés, des sanglots... c'était Savéria qui elle aussi voulait

chanter le chant de ses montagnes, et que les larmes de la patrie suffoquaient et empêchaient de parler... elle me fit une impression vive, cette femme!... Elle n'avait guère de bonté que pour ceux qu'elle aimait,et une expression douce semblait étrangère à ses traits... du reste, je ne pouvais me plaindre, car elle m'aimait.

MADAME avait pris une excellente attitude avec Marie-Louise; celle-ci crut dans les premiers mois de son mariage qu'il n'y avait dans la nombreuse famille de l'empereur que LUI dont elle dût s'occuper, et la reine de Naples, qui avait été au-devant d'elle jusqu'au-delà des frontières. Madame, dont l'excellent esprit lui faisait toujours voir l'inconvénient de mettre le trouble par des plaintes inutiles d'ailleurs, ne s'en rapporta qu'à elle-même pour se faire respecter de sa jeune belle-fille; et un jour, Marie-Louise ayant été chez elle, pendant une absence de l'empereur, et lui ayant dit :

Madame, je viens vous demander à dîner... mais ne vous dérangez pas... je ne viens pas comme l'impératrice... je viens tout simplement chez vous...

Mon Dieu, lui dit Madame en l'interrompant et l'attirant à elle en la baisant sur le front, je ne ferai non plus aucune façon... je vous

recevrai comme ma fille... et la femme de l'empereur aura le dîner de la mère de l'empereur...

L'impératrice Joséphine avait été beaucoup moins soigneuse pour Madame, que Marie-Louise, et elle avait été mal conseillée... L'empereur ne rendait pas à sa mère autant de soins extérieurs que lui-même aurait voulu le faire, mais il était vivement blessé quand il apprenait qu'on avait eu des torts avec elle... Un homme, qui cependant était son favori, manqua avoir une vive semonce, dans une circonstance relative à une personne aujourd'hui bien fameuse dans le monde littéraire : c'est M. d'Arlincourt.

M. d'Arlincourt était à cette époque fort jeune homme, et très amoureux de madame d'Arlincourt, qui alors s'appelait mademoiselle Chollet, et dont le père était sénateur. Le mariage de M. d'Arlincourt dépendait d'une place dans la maison de l'une des princesses: on le nomma chez Madame sans réfléchir que son âge était un empêchement réel. Madame fut très irritée d'abord de cette nomination sans qu'elle eût été consultée. M. d'Arlincourt n'était pas alors une de nos gloires littéraires et le Solitaire n'avait pas fait son entrée dans le monde.

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CHAPITRE X.

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Je n'aime pas le

grec.

Haute-Combe. Talma. Comparaisons. Bobèche et Desbureaux. M. de Forbin. Bonnes façons. Recette pour ne pas crotter ses souliers. La reine d'Espagne. - Empire de la mode.

-

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cardinal de Retz.

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La borne de cuivre de la place Ven

La colonne Vendôme. Colbert.

tombée du ciel.

d'Etat.

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Flamme

- M. de T....................... n'est pas un homme Les vingt sermens. — Opinion de l'empereur à ce sujet. Madame de Mesgrigny, sous-gouvernante du

roi de Rome.

Je partis donc pour Aix en Savoie, le 25 de juin 1812, avec madame la baronne Lallemant, mon amie la plus intime, mon beau-frère, et mon fils aîné, qui avait alors trois ans. Mon logement avait été retenu d'avance, et cela avec raison, car la foule était immense cette année à Aix, et les buveurs d'eau et les baigneurs étaient en si grand nombre, qu'en vérité il était à craindre qu'on ne fût obligé d'aller se loger à

Haute-Combe' ou bien à la Dent-du-chat". Non seulement il se trouvait à Aix beaucoup de personnes de la famille impériale, mais toutes celles qu'elles amenaient à leur suite encombraient toutes les maisons, d'ailleurs fort petites, de la bourgade appelée Aix en Savoie. Quant à moi, j'avais le bonheur d'être fort bien logée. J'étais chez M. Dommanget3, dans une jolie maison située sur la place, et mes hôtes étaient ce que j'espère qu'ils sont toujours, de bonnes et d'excellentes gens. La reine d'Espagne logeait en face de moi, et n'était pas, à beaucoup près, aussi bien.

J'ai déjà dit que nous nous étions donné rendez-vous à peu près une vingtaine de personnes pour nous trouver en masse dans ce lieu presque toujours amusant, mais qui, cette année, nous menaçait d'un ennui tout quintessencié, en raison des princesses et des reines qui s'y trouvaient en si grand nombre, qu'on ne savait comment

• Ancienne abbaye maintenant en ruines, où l'on enterrait les ducs de Savoie. C'est de l'autre côté du lac du Bourget. On n'y peut aller que par eau, surtout d'Aix.

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Montagne assez élevée immédiatement derrière HauteCombe.

5 C'est sous tous les rapports le meilleur logement particulier qu'on puisse prendre à Aix... Je l'ai revu beaucoup plus tard, il est toujours aussi bien.

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