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peuvent avoir un nom de chacune des brillantes qualités dont il était orné 1.

Je l'ai entendu souvent parler du cardinal de Retz. Le cardinal Maury qui avait aussi porté la soutane en même temps qu'il armait un pistolet et daguait le bon peuple, tout en paraissant le servir, le cardinal Maury prétendait qué le cardinal de Retz était le plus habile de

tous les hommes d'Etat.

C'était un brouillon que votre cardinal de Retz, disait l'empereur; il avait de l'esprit et

I

Depuis la chute de l'empire, j'ai vu et entendu bien des médiocrités donner le coup de pied de l'âne au colosse abattu... Mais rien de plus burlesque ne s'était encore montré qu'un mauvais roman à peine écrit en français, qui vient de paraître il y a trois semaines. C'est le sublime Duroque jappant de toute la faiblesse de voix piaillarde... Ce sont des injures pour des injures... C'est un homme croyant qu'on lira son livre parce qu'il dit du mal de l'empereur... Mon Dieu!... C'est grande pitié!... Et à quel propos s'en vient-il parler de la borne de cuivre de la place Vendôme?... le malheureux!... Il y a plus de gloire dans l'une des feuilles cuivrées de ce monument immortel, qu'il y en a même en espérance dans toute l'encre destinée par lui à noircir du papier... La gloire de l'empire!... Eh quoi! quand elle est chantée par des voix comme Victor Hugo, Lamartine, Chateaubriand, Casimir Delavigne, toutes nos sommités littéraires, une voix s'en viendrait murmurer au bas des aigles triomphans de la colonne !... Ah! silence!" silence !...

aucun sens. Sans doute il faut de l'esprit pour faire un bon ministre, mais il ne faut pas que cela. Un homme qui n'aurait que du génie même, serait un détestable ministre. Descartes, par exemple, Newton, Lavoisier, Racine, qui s'en croyait pourtant bien capable, eh bien! tout cela ferait de mauvais ministres. Votre cardinal de Retz donne dans ses Mémoires, que je suis loin d'admirer comme vous, des maximes politiques avec lesquelles on ne gouvernerait pas l'empire des souris; ensuite, je conviens que le même ouvrage en contient aussi de vraiment grandes et belles. Et comment cela n'eût-il pas été, vivant comme il l'a fait au milieu de troubles tous les jours renaissans. Les circonstances font les hommes, et souvent ne font que les développer; c'est l'affaire de M. de Gondy, qui, du reste, a lui-même aussi provoqué les circonstances dans lesquelles il s'est trouvé. Mais je conviens qu'il a écrit souvent des maximes fort belles, profondes de conception, d'étendue, et, ce que j'estime fort, susceptibles de servir en quelque lieu du monde que ce soit; mais ce sont des lueurs passagères, et le moyen alors de compter comme un grand ministre l'homme qui se couche habile homme et se réveillera un brouillon, un

véritable enfant fou: non, non, j'aime mieux M. de Colbert...

A cela le cardinal Maury disait que M. de Colbert n'était qu'un intendant, qu'un homme d'affaires'.

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Je m'en arrangerais parbleu bien ! disait l'empereur. Je ne veux pas de ministres beaux parleurs, ni faiseurs de projets, ni entrepreneurs de changemens d'empire. Nous avons vu que des hommes admirables à la tribune, devenaient pitoyables au ministère. Je n'admets qu'un ministère dont le chef soit plus en dehors de ce qu'on appelle les affaires, c'est celui des relations extérieures.....

Et il s'arrêtait alors... souriait, se prenait le menton et ajoutait :

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Je suis sûre qu'il pensait alors à la finesse de M. de Talleyrand, dont certes il n'avait guère à se louer, et pourtant à cette époque, je parle de 1809.

Un jour l'empereur disait que le grand Condé avait raison de dire en voyant jouer Sertorius: Il faudrait à cet homme un parterre

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Ce que je rapporte ici est le résultat de peut-être trente conversations entendues comme cela en différentes occasions, et puis celles que le cardinal Maury me rapportait.

composé de ministres, pour qu'ils y vinssent à l'école.

Corneille, disait-il un jour au cardinal qui voulait toujours lui opposer Racine, Corneille, voyez-vous, monsieur le cardinal, avait appris dans sa tête l'art de la guerre, car où l'aurait-il connu, et pourtant il le savait. Ses maximes d'Etat sont toutes d'une immense portée et aucune n'est de son époque. Ce ne sont pas les ruses de Mazarin, ce ne sont pas les cruautés de Richelieu, c'est la grandeur antique.... Où avait-il encore pris tout cela? dans lui-même dans son âme.... Eh bien! savez-vous comment cela se nomme, monsieur le cardinal? c'est du génie !... et le génie, voyez-vous c'est une flamme tombée du ciel, mais qui trouve rarement une tête là toute prête à la recevoir.

Le cardinal avait dîné à Saint-Cloud le jour où il eut cette conversation avec l'empereur, et il me dit :

- En rentrant chez moi je vais écrire ce que m'a dit l'empereur et ce que je lui ai répondu... Lorsqu'il m'eut dit le dernier mot que je viens de vous répéter, et cela avec la naïveté d'un enfant :

Sire, lui dis-je, tout le monde ne

fait pas

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son portrait aussi ressemblant d'après nature que Votre Majesté vient de le faire !

Il me regarda, poursuivit le cardinal, et pendant quelques secondes il ne me comprit pas; puis il me sourit avec ce charme qu'il met à tout ce qu'il fait de caressant..... Cet homme-là, madame, est un homme qui soulèverait le monde bien mieux qu'Archimède avec son levier, en n'employant simplement que la séduction qu'il peut donner... elle est immense! et celle de la femme la plus coquette ou plutôt la plus aimante pâlit auprès seulement de son

sourire.

C'était vrai.

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Bien qu'en apparence je me sois éloignée de mon point de départ, je suis toujours dans le même cercle, et mon sujet est toujours le même. J'ai voul montrer l'empereur administrant lui-même les hommes qu'il choisissait

M. de T..... par exemple... voilà un homme qué l'empereur ne pouvait pas regarder comme un homme d'Etat. De la finesse, de l'esprit, de la ruse, ne sont pas des qualités suffisantes pour un grand ministre... Que de fois j'ai entendu l'empereur parler de lui, en disant : La postérité ne lui donnera pas d'autre place dans l'histoire que celle exigée par le nombre de lignes qu'il faudra pour dire qu'il a été ministre sous tous les gouvernemens, qu'il a prêté vingt sérmens, et que j'ai été assez sot pour m'y laisser prendre. Et dans le fait,

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