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est aussi tout différent de celui des autres Espagnols, et dans ce moment, où cette partie de la Péninsule est en butte à une attaque plus directe des maux que produisent les partis en guerre civile, j'en vais dire quelques mots.

La Biscaye, quoiqu'elle soit Espagne, est en quelque sorte hors de ses limites morales. Les Biscayens portent l'amour de leur indépendance aussi loin que des peuples peuvent le porter. Ils lui ontsacrifié plusieurs fois leurs intérêts et même leur vie. La cour d'Espagne, même au temps de l'ancienne dynastie, ménageait leurs priviléges et avait pour eux des égards vraiment témoignages d'une sorte de déférence, si ce n'était une crainte. Ainsi, par exemple, leurs impôts ne portaient que le nom et le caractère de don gratuit. Lorsqu'il fallait des soldats, le contingent des provinces de la Biscaye ne se fournissait qu'en étant demandé à leur gouvernement, qui le répartissait également sur les communes, mais d'après leur possibilité, et non d'après la volonté d'un intendant ignorant... Le port de Bilbao, celui du Passage, Saint-Sébastien, avaient tous des franchises extraordinaires, et tout le monde sait que, avant la guerre, l'Alava, Guipuscoa et la Biscaye'

Ce sont les trois provinces appelées Vascongades.

n'avaient pas de douane... En 1718, un ministre voulut les contraindre à en recevoir. C'était un nommé Patinho... Le pays fut au moment de s'insurger... il fallut abandonner le projet. Plus tard, en 1778, lorsque Florida-Blanca voulut étendre à plusieurs ports de la mère-patrie le commerce de l'Amérique espagnole, on proposa à la Biscaye de participer aux bienfaits de cette union commerciale 1, en admettant volontairement les douanes chez elle. La Biscaye refusa. En 1804 on mit un nouvel impôt territorial en Alava. Une insurrection fut au moment d'éclater. On ne la comprima que par l'exil de plusieurs propriétaires influens et déterminés à soutenir les droits de leur constitution. C'est donc en tous points un peuple fort excellent que les Biscayens... Ils joignent à cet amour de la liberté, une volonté ferme, une industrie toute nationale et une grande sobriété.

On peut présumer, après cette esquisse, de l'impression que dut faire sur eux la conquête

Dans les derniers temps du ministère du prince de la Paix, ce bien leur fut enlevé, et le tabac et les mousselines fureut prohibés... tant la liberté est un bien précaire !....... mais il est à remarquer dans ce moment important où les yeux de l'Europe sont arrêtés sur l'Espagne, que les trois provinces vascongades sont en avance de CENT ANS sur le reste du relativement aux belles et bonnes idées,

pays,

de l'Espagne par l'empereur... Ils avaient d'abord été les plus vifs admirateurs de sa gloire ; ils devinrent ses ennemis d'autant plus déterminés, qu'ils se virent doublement menacés dans leurs fortunes et dans leurs libertés... Ils se soulevèrent dans l'intérieur du pays avec une ardeur que facilitait encore les localités... Leurs rochers escarpés, la rareté de leurs routes, la disposition de la contrée, tout les protégeait' : ils profitèrent de tout... Plusieurs chefs de bandes qui étaient naturels du pays, en connaissaient mieux les replis, si l'on peut s'exprimer ainsi, devinrent

eux-mêmes

Ils étaient tellement désireux de faire par qu'il y avait à Bergara, petite ville près de Mandragon, une école patriotique où la métallurgie était enseignée par les maîtres les plus habiles... nous avons eu un Français, M. Proust, qui a été leur donner ses lumières, et qui depuis a passé à l'école de Ségovie. Les jeunes gens de la Biscaye ont en général un grand goût pour l'étude de la chimie, et plusieurs ont été faire des voyages en Suède et en Allemagne, pour y exercer une pratique qui éclairât la théorie. Il est de fait, comme l'a observé un homme de beaucoup de talens qui a bien connu l'Espagne, que la patrie n'est pas un vain mot pour les Biscayens. Aussi, comme je le remarque ici, y a une plus grande volonté de résistance dans les trois provinces biscayennes que dans le reste de l'Espagne. Je l'ai observée, même avant la guerre de l'indépendance, cette vo lonté. L'empereur aurait tout obtenu d'eux en faisant faire le procès au prince de la Paix : ils ne demandaient que cela.

pour nous des génies malfaisans. Bientôt on ne se borna plus à de simples assassinats... à des enlèvemens de courriers... on attaqua des convois aussi forts qu'une petite armée... et Mina (celui qui était alors la terreur de l'Espagne) se leva et arbora la bannière de la plus insurrectionnelle des révoltes...

Ce fut alors que ce convoi, dont j'ai parlé tout à l'heure, se mit en route pour France. C'était par une admirable journée, le soleil brillait sur les armes des soldats de l'escorte, et longtemps après que le convoi eut quitté la ville, les habitans purent distinguer sa marche; car il paraissait comme un ruban diapré, tramé d'or et d'argent, se dessinant au travers de cette riante campagne de Vittoria; il se dirigea vers les rochers de Salinas, puis on le vit ensuite disparaître dans ces gorges profondes, où, véritable convoi mortuaire, il ne devait trouver en effet que la mort.

Les Français sont toujours aussi imprudens qu'ils sont braves, et cela, par une suite de cette même bravoure. M. d'H.... était en tête de la colonne du convoi... J'ai beaucoup entendu parler de cette terrible affaire du massacre de Salinas; le pinceau de plusieurs artistes du premier

mérite a conservé sa mémoire', et les veuves et les orphelins qu'il a faits l'ont encore plus solennellement consacré... Je n'ajouterai donc rien à ce qui fut dit sur le peu de soin que le chef du convoi eut du dépôt sacré qui lui fut confié, bien que j'aie entendu là-dessus des paroles partant de bien haut, mais cela ne conduirait à rien aujourd'hui.

Les Espagnols laissèrent engager les Français dans la gorge de Salinas... La route, fort belle du reste, comme toutes celles de ces montagnes, est cependant fort étroite. D'un côté elle est bordée par la rivière bouillonnante et peu profonde de l'Eva, et de l'autre par des rochers à pic, que l'on ne peut gravir, mais que l'on peut descendre avec une grande facilité, surtout lorsqu'on est de la race chevrière, comme les Biscayens... Mina fit donc coucher ses hommes dans les buissons, derrière les rocs qui dominent la route... puis, lorsque le dernier Français fut entré dans le piége, ils se levèrent alors!... et le massacre commença.

Les horreurs qui furent commises dans cette journée n'ont jamais été bien connues, parce que l'empereur ne voulait pas effrayer, par une

Il faut placer au premier rang le tableau du général Lejeune, dont l'admirable talent a rendu ce moment terrible avec une vérité effrayante.

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