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était impossible. Enfin, à Hernani, on nous dit si positivement que le pont de la Bidassoa était brûlé , que Junot prit le parti d'y envoyer un exprès pour s'assurer du fait. Il revint au bout de quelques heures, précédant un régiment de dragons qui venait d'entrer en Espagne, et dont le colonel donna à Junot tous les renseignemens dont nous avions besoin. Le pont avait été attaqué en effet par la troupe d'Espoz y Mina; mais les Français l'avaient forcé à la retraite. Cependant les Espagnols avaient eu le temps de jeter des fascines et des matières combustibles sur le pont, qui, étant en bois, avait déjà commencé à céder au feu. On l'éteignit toutefois à temps, et les solives rouges du pont furent seulement noircies par la fumée.

Nous le passâmes enfin deux jours après, et nous quittâmes l'Espagne.

-Dieu veuille, dit Junot, lorsque nous fûmes de l'autre côté du pont', et en jetant un dernier regard sur Irun, Dieu veuille que nous soyons plus heureux que dans les années qui viennent de s'écouler!

Hélas! il quittait les orages du Midi ler chercher les tempêtes du Nord!

pour

J'avais voulu passer le pont de la Bidassoa à pied.

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J'ai parlé tout à l'heure d'un homme bien remarquable dans la guerre d'Espagne; d'un homme qui fut mal connu, et mal jugé par beaucoup de Français; comme il lui était indifférent que cette opinion changeât, il ne fit rien pour la détruire, et il passa long-temps pour ce qu'il ne fut jamais : cet homme, c'est Espoz y Mina, oncle et successeur du jeune Mina l'étudiant.

Avant de donner un aperçu de son caractère, il me faut parler de ces guerillas, ainsi qu'on

les a d'abord nommés en France et que nous avons continué à appeler ainsi.

L'armée espagnole fut toujours au-dessous des forces qui étaient dénoncées dans les journaux des différens partis. L'Espagne, et c'était avec raison, les faisait monter à un numéro qui était presque le double de la vérité. La France, pour avoir plus de mérite à vaincre dans les batailles de l'Aragon et de la Catalogne, plaçait dans ses bulletins vingt mille hommes là où il n'y en avait pas dix mille. L'Angleterre mentait également par la même raison que l'Espagne. Le fait est que l'Espagne, au temps où elle était vraiment forte, n'a jamais pu mettre en campagne au-delà de cent mille hommes d'infanterie, et peut-être dix mille hommes de cavalerie'. Tout cela avait pour chefs, Blake, le duc del Parque, Ballesteros, la Romana, Venegas, Caro, frère de la Romana, enfin pour commander tous ces hommes-là, dont le plus faible valait mieux que lui, ce malheureux Cuesta, qui perdit les affaires à la bataille de Talaveyra.

et

'J'ai déjà dit que, ne me mêlant pas d'expliquer les affaires militaires, je n'offrais que l'avis de ceux qui pouvaient le donner, et, à cet égard, mes renseignemens viennent d'un lieu qui ne me permet pas de douter de leur exactitude.

Blake ne fit pas mieux que lui à Belchitte', où le général Suchet le battit si complètement, que le pauvre Blake s'en allait demandant son armée à tous venans. De toutes ces défaites, de toutes ces prises de villes et de garnisons, il s'ensuivit une dépopulation de soldats, mais non pas de combattans. La nation avait été défiée tout entière, la nation tout entière releva le gant, et cela devait être pour ceux qui connaissaient l'Espagne. Les rangs des régimens s'éclaircirent à la vérité; mais tout auprès s'éleva aussitôt une force redoutable pour l'Espagne ellemême, ce furent les partidas.

Il est bon de dire également un mot sur l'état moral de l'Espagne insurgée, à cette époque.

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La présence de l'empereur y avait produit l'effet presque surnaturel que cet homme surnaturel lui-même amenait avec lui, pour l'im

A Belchitte... six lieues de Saragosse... le 18 juin 1809. Le 15, le général Blake avait été déjà battu devant Sarragosse même... J'eus cette nouvelle aux eaux de Cauterets, où j'étais alors, sans qu'elle vînt de Paris, par mon médecin, qui avait des relations constantes avec les contrebandiers français et espagnols, et avait des nouvelles très sûres et très fraîches presque tous les matins. Ce médecin était M. Labbat, médecin des eaux de Cauterets.

poser là où il paraissait. Mais une fois la première stupeur dissipée, et lorsque les revers de Baylen, d'Oporto, de Séville, eurent relevé le courage des Espagnols, ils prirent une confiance dans leur position qui les perdit. Ils s'abusèrent presque volontairement sur nos ressources, crurent, parce qu'ils le voulaient bien, que notre armée était réduite à rien, tandis que nous avions encore deux cent mille hommes d'infanterie en Espagne; et sans vouloir juger des véritables causes de la nonchalance de nos troupes, ils l'attribuèrent, Dieu me pardonne de le dire, je crois, à de la peur, et cette pensée leur troubla le cerveau. Ils se crurent à leur tour invincibles... De là, toutes les mille sottises, non seulement des chefs espagnols dans leur conduite avec l'Angleterre, comme je l'ai dit plus haut en citant une lettre de lord Wellesley; mais les deux juntes enchérirent sur les généraux, et ce fut dès lors le plus beau des tumultes, et une confusion qui fait pâlir celle du camp d'Agramant'. La Romana, le seul homme que la Pé

1 Quand on pense qu'à cette époque ils avaient en leur pouvoir toutes les forteresses et les places du sud et du midi, et par conséquent toutes les fortes et les importantes, Girone, Cadix, Carthagène, Lérida, Taragoné, Tortose, Valence, Badajoz, la Corogne, le Ferrol, etc., etc., c'est inconcevable.

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