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ninsule ait pu avoir à la tête de ses affaires, et qui les eût bien menées, était haï et redouté de la junte suprême autant qu'il l'avait été de l'ancienne junte de Séville. Cuesta était également dans une complète dissidence avec la junte ; et toujours en querelle avec Venégas, que la junte n'avait nommé que pour opposer un rival à Cuesta, ce qui n'était pas difficile pour la belle besognequ'il faisait. Les juntes provinciales n'étaient pas plus unies avec le pouvoir militaire, qui pourtant était le seul qui pût sauver la patrie. Ce n'étaient pas ici des raisons métaphysiques qu'il fallait opposer aux malheurs de l'Espagne, c'était une ferme volonté et du canon.

Il y avait alors un agent de l'Angleterre près de la junte, qui s'appelait, je crois, M. Frère. C'est à cet homme que l'Espagne doit non seulement en partie ses malheurs passés, mais à qui elle peut reprocher tous ceux qui la menacent aujourd'hui....Mais il faut finir maintenant l'origine des guérillas.

Ce M. Frère était fort lié avec le duc d'Albuquerque, et encore plus, disait-on, avec une personne que le duc aimait avec passion. Cette femme, dont l'esprit était fort remarquable, donnait de l'ombrage à la junte parce qu'elle protégeait la France, d'après les accusations du

comité de salut public que la junte avait établi, et qui ressemblait comme deux gouttes de sang à celui que nous avions à l'époque anodine de 95; et puis cette femme, jugeant des moyens et de la capacité du duc d'Albuquerque, qui en avait de réels, le poussa à faire des démarches pour obtenir des troupes de Cuesta et de Venegas. Ceux-ci, furieux de la crainte de perdre un seul homme des troupes qu'ils employaient du reste si bien, s'unirent entre eux et avec la junte, bien que Cuesta fût son ennemi, pour s'opposer à Albuquerque': alors ce fut une confusion plus complète que jamais, et l'on ne s'entendit plus: l'incapacité ne fut même plus la seule chose dont l'Angleterre eût à se plaindre, et la corruption s'introduisit dans les séances de la junte. La Romana le dit lui-même en termes très amers à une personne de mes. amis qui me l'a répété.

Ce fut donc alors, quand l'armée fut débandée et presque sans chef, lorsque la junte, qui ne s'entendait en rien en administration, ou qui ne voulait pas s'y entendre, fit des réquisitions absurdes et hors de propos, des démarches contraires au bien du pays, ce fut alors que les parti

A cette époque il fut très près de faire sa soumission au roi Joseph,

das commencèrent la guerilla ou petite guerre. Les bandes qui formèrent les premières troupes se composèrent de mauvais sujets, de moines ennuyés de leur couvent, de forçats libérés et de déserteurs fuyant la discipline militaire; les contrebandiers en formèrent d'autres plus redoutables par leur nombre et par leur ensemble. On appelait ces troupes-là quadrillas. Ce furent eux et ceux que j'ai nommés plus haut qui formèrent la masse des partidas. Il y eut ensuite d'autres troupes, comme celles de quelques chefs dont les noms sont fameux, même parmi nous. C'est toute autre chose. Dans le cœur des chefs de quelques corps de partisans il y a eu de nobles et grandes passions pour véhicules : la vengeance, l'amour de la patrie et l'esprit ambitieux d'entreprise.

Les plus remarquables de ces chefs sont : Longa et le Marquisetto (Parfies)', les deux Mina, Renovales', Don Julian (Sanchez) 3, l'Emprecinado (Juan-Martinez), el Medico (Juan-Pala ́dea) ', El Principe, Juan Abril '.

J'ai été long-temps, je puis le dire, la voisine de don Julian, et, à part la terreur qu'inspi

3

Les Asturies et la Biscaye. • Navarre et Aragon.

3 Sierra de Gata, Salamanque, Toro et Burgos. 4 Madrid.

5 Tolède, Ocana et Aranjuez. 6 Castilla - Viéja. govie et Castilla-Nueva.

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raient ses hommes, terreur qui n'était même fondée sur aucun récit effrayant, je n'en ai autre chose à dire sur lui, si ce n'est qu'il avait une grande réputation de bravoure et même de probité. Il avait de l'ambition; et quel est après tout l'homme qui n'en a pas ? Mais c'était même un honnête homme; je n'ai eu qu'à m'en louer; car il pouvait exécuter son projet de me prendre en sacrifiant plusieurs personnes de mon escorte, et je lui sais gré de ne l'avoir pas tenté'.

pas

Renovales était officier dans l'armée : il n'eut de bonheur dans ce genre de guerre, étant probablement trop habitué à une attaque plus régulière: il fut bientôt battu, et il quitta le commandement de sa guerillas. Le jeune Mina, étudiant au moment de l'insurrection, avait, diton, des talens et du mérite; mais il est un homme qui devait faire pâlir toutes ces réputations d'hommes de guerre des montagnes... et cet homme, c'est Espoz y Mina, oncle de l'étudiant, et qui lui succéda.

Mina est un homme qui rappelle tout ce que l'antiquité nous raconte de beau, de sublime

J'ai su depuis que j'avais l'obligation de cette courtoisie au duc de Wellington: Songez, lui avait-il dit, que nous ne faisons pas la guerre aux femmes... Je n'en ai pas moins une grande reconnaissance à don Julian.

même, lorsqu'elle parle de ces patriotes servant leur pays pour le pays lui-même, versant leur sang parce que ce sang doit cimenter ses libertés... c'est l'homme du pays, l'homme du sol, le martyre de la patrie. Sans nul doute Mina fut souvent cruel... féroce même dans sa conduite; mais, d'après les nombreux renseignemens que j'ai eus sur son compte, son caractère était grand et généreux, Naturellement ignorant, il ne connaissait pas la façon de faire la guerre: mais il était brave, avait un jugement prompt et lucide, et une persévérance à l'épreuve de tout ce qui peut abattre les plus forts.

Il était paysan, comme on le sait sans doute. Şoit que sa naissance lui eût donné de l'aversion pour la noblesse, il ne voulut jamais admettre un grand seigneur, ni même un noble dans sa troupe. Il se tint presque toujours dans les provinces voisines de l'Ebre. Ce fut en 1809 qu'il créa sa troupe, c'est à-dire qu'il la prit après son nevey; et en 1812 il avait une armée complète, puisqu'on la portait à près de douze mille hommes, qu'il payait régulièrement. Voici un fait remarquable de cet homme que nous avons ap, pelé brigand bien libéralement. Il ne voulut pas. avoir recours à l'Angleterre pour le paiement de sa troupe; il ne voulait avoir affaire qu'à lui, et

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