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-N'allez pas faire une chose pareille, s'écriat-il... je ne vous le pardonnerais jamais.

Il n'importe. Alors, faites ce que je veux. -Je ne le puis. Cela ne me regarde pas seul. Allons donc! c'est une défaite.

-Non, sur mon honneur!...

- C'est une grande assertion... Mais puisque j'ai votre secret et que je le garderai, je puis aussi garder celui d'un autre. Pour une femme, deux secrets ne sont pas plus lourds à porter qu'un seul... une fois l'effort de discrétion fait, on n'y pense plus.

Il s'en fut en riant, mais je lui tins parole... Chaque fois que nous nous rencontrions, je lui disais un mot, je lui faisais un signe qui lui rappelait Maria da Gracia; ce fut à le rendre fou. Enfin, je me rappelle qu'un jour il me cria merci; mais je fus impitoyable, et l'obsession continua...

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Mon Dieu, me dit-il enfin, que vous êtes peu charitable... Que vous ai-je donc fait, pour me pourchasser comme un remords?... Mais... mais, mon Dieu, sa sœur ne vous a-t-elle donc pas demandé des nouvelles de l'empereur?...

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Ah! ah!... je comprends.

Je crois que cette année de 1811 fut fertile

en évènemens de cette nature. Il y avait à Salamanque un certain couvent d'augustines dont le mirador 'a vu donner et recevoir bien des signes d'intelligence, ainsi qu'un autre à Valladolid sur le Campogrande... J'indique le lieu de celui-ci parce qu'il n'existe plus... Maintenant parlons de choses plus sérieuses...

Nous voici arrivés à une époque remarquable dans les annales de la France: ses destinées pâlissent; ses armes ne sont plus victorieuses comme aux jours où son seul aspect faisait reculer des nations tout entières... maintenant c'est elle qui se retirera devant l'ennemi, elle ! la France!...

Et ce même homme qui fait sa retraite devant les Anglais, c'est le même qui vainquit à Essling... à Rivoli... à Gênes!... c'est-à-dire, c'est le même nom... mais ce n'est plus le même homme.

On trouvera peut-être que je parle peu de Napoléon dans ce volume, mais c'est beaucoup s'occuper de lui que de mettre à jour bien des points obscurs de l'histoire d'Espagne de cette époque... Bientôt les intérêts de tous vont se trouver groupés autour de sa tête, et il sera

• On appelle ainsi une galerie bâtie tout au haut de la maison, et dans laquelle on prend le frais la nuit. Les religieuses y sont à l'abri de presque tous les regards, mais quand elles le veulent...

l'unique point de mire de tout ce qui respire en France et même en Europe.

Ce fut le 14 novembre que l'armée française commença sa retraite sous la protection du maréchal Ney et de Junot. Ney fut sublime, à ce que me dit mon mari, dans cette retraite; mais ce n'en était pas une à bien dire, jusqu'au moment où Masséna se détermina à rentrer en Espagne... il le fit au moment de l'arrivée du 9° corps; mais ce n'est pas là le reproche qu'il mérite, il n'y avait plus de vivres... depuis longtemps les soldats n'avaient pour subsister que ce que la maraude leur procurait. On avait été obligé de la tolérer, et c'est la première fois, certes, qu'on a vu mettre dans un ordre du jour :

Tel bataillon sera de maraude!...»

L'arrivée du 9° corps n'était donc qu'un malheur de plus... Ce fut le 27 décembre que la division Conroux joignit l'armée de Portugal', et le 29 que le comte d'Erlon arriva lui-même à Torres-Novas... On prit quelque temps position, mais enfin la pénurie des vivres devint telle, que le prince d'Essling résolut enfin d'effectuer toutà-fait sa retraite. Il convoqua une sorte de conseil, si je puis appeler ainsi la conférence qui

A Castel Branco.

eut lieu à Gollegao, quartier général de Masséna. Je possède une pièce curieuse qui est relative à cet objet c'est la conférence de Gollegao, qui fut remise, écrite comme elle est, à chaque chef de corps d'armée, avec l'invitation de mettre au bas son avis. L'exemplaire que je possède est celui qui fut remis au duc d'Abrantès, et au bas duquel est apposée une apostille de sa main : c'est une pièce pour l'histoire. Le maréchal Ney doit en posséder une semblable.

Résumé de la conférence de Gollegao.

. On y fait d'abord l'examen de la situation actuelle de l'armée. On y annonce que toutes les denrées sont consommées, et que pour aller chercher des vivres les troupes en ramènent à peine pour le nombre de jours qu'elles mettent à faire leur route'. Le 6° et le 9° corps peuvent en

⚫ Elles occupaient alors Portodemoz, Alcaubete, Leyria, Santarem, Punhete, Pernès ** Pombal, Thomar *** et Martinhel. Elle envoyait chercher ses vivres jusqu'à Alcobaça et sur les bords du Mondego.

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Quartier-général du 2o corps; général commandant en chef, le général Reigner.

*4 Quartier-général du 8 corps; duc d'Abrantès.

*** Quartier-général du 6o corps; maréchal Ney.

core tenir quelque temps, mais le 8° et le 2 ne le peuvent pas. Le 8° ne reçoit que les trois quarts ou même les sept neuvièmes de ses rations, et le 2 corps n'en reçoit que les sept douzièmes, ou à peu près la moitié...

» Les chevaux d'artillerie, tous ceux de la cavalerie, y est-il dit plus loin, ne peuvent plus trouver de fourrages, et en sont réduits à brouter un peu de mauvaise herbe ; ils meurent journellement en grand nombre, et ceux de l'artillerie deviennent chaque jour moins capables de traîner les pièces et les fourgons. L'armée ne peut donc rester dans la position où elle est... il faut prendre promptement un parti: quel sera-t-il?

Différens partis proposés.

aller'pren

• 1° Quitter les bords du Tage pour aller 'prendre position sur le Mondego... rétablir les communications avec Almeida.

2° Forcer le passage du Tage à Punhete pour aller dans l'Alemtéjo, et rétablir les communications avec Madrid et le 5o corps, par Badajoz 1.

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3° Réunir à Santarem deux corps d'armée pour occuper l'armée ennemie, tandis que le

L'évènement a fait voir qu'il est malheureux que cet avis n'ait pas prévalu, et beaucoup plus tôt.

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