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duché de France, dont Paris étoit la capitale, P'Orléanois des domaines assez étendus en Champagne et en Picardie et quelques forteresses dans d'autres provinces où les rois tâchoient toujours de prendre des positions, et d'où leurs grands vassaux les repoussoient sans cesse. Sa puissance à la vérité se rehaussoit de sa suzeraineté sur les nombreux hommagés de la couronne; mais ce droit étoit plus ou moins reconnu, plus ou moins contesté, suivant les circonstances, et c'étoit au talent de faire valoir cette dernière ressource laissée à l'autorité royale, que tenoit son rétablissement en France, ou la consommation de son anéantissement. Noblesse. Les grands vassaux devoient au monarque le service militaire, c'est-à-dire, des troupes quand ils en étoient requis; ils les entretenoient et menoient à l'armée eux-mêmes. Feudataires de la couronne, ils avoient aussi des feudataires ou vassaux, tenus, à leur égard, aux mêmes obligations qu'ils contractoient par serment avec le monarque: c'est-àdire, fidélité, aide et secours; ne pas souffrir qu'il fut fait tort à leur seigneur dans ses biens et sa personne, le défendre, payer sa rançon s'il étoit fait prisonnier; contribuer par des rétribu

tions, redevances et présens à l'éclat de sa cour et à l'établissement de ses enfans. Ces feudataires sont, à ce qu'il paroît, l'origine de la noblesse. Elle formoit autour du suzerain comme une famille; mais elle n'a pu former un corps dans le royaume, parce qu'à mesure que les grands vassaux se sont détruits, ceux d'une province n'ont pas pu se joindre à ceux d'une autre, avec lesquels ils n'avoient pas de lien

commun.

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Il en étoit autrement du clergé. Il y Clergé, avoit entre les clercs des possesseurs de grands fiefs, et comme chez les laïcs des sous-inféodations; mais ce n'étoit pas le noeud féodal qui les unissoit. Une hiérarchie bien graduée, une communauté de devoirs, de fonctions, de lois, de priviléges, d'intérêts, jusqu'à l'habillement qui les distinguoit des laïcs, tout concouroit à faire du clergé un corps très-puissant dans l'état. Aussi l'étoit-il dans les Gaules mêmes avant Clovis, sous les Romains. Mais dans le temps présent son autorité venoit principalement du respect pour la religion, dont ses membres étoient les ministres. Grands et petits, tous à l'envi les comblèrent de biens. Leur crédit sur le peuple se composa alors de ces

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Démarches

Lorraine.

richesses et de l'influence que les lois de mœurs, publiées dans les assemblées générales et sanctionnées par les rois, donnoient aux clercs sur toutes les actions de la vie, même les plus secrètes. Les monarques eux-mêmes fléchirent quelquefois sous ces lois : soit crainte réelle des foudres qui les menaçoient; soit politique, et afin d'engager les peuples par leur exemple à redouter les peines éternelles s'ils s'abandonnoient dans cette vie à des passions injustes, licentieuses ou féroces. Ainsi les rois de la troisième race, qui tenoient leur sceptre de l'élection, moyen qui pouvoit le faire passer dans les mains des grands vassaux, secondés du peuple, avoient intérêt de s'attacher le clergé qu'on pouvoit regarder comme le régulateur de la volonté générale.

Hugues Capet sentit ce besoin et de Charles de l'utilité d'avoir pour lui le clergé, lorsque Charles se mit en devoir de réclamer la couronne qui lui avoit été enlevée. Le Lorrain s'adressa à Adalbéron, archevêque de Reims, et lui demanda conseil sur les mesures qu'il devoit prendre pour s'assurer la succession de son neveu. Peut-être vouloit-il engager le prélat à le sacrer; cérémonie qui mettoit alors un grand poids dans

l'opinion publique. Quoiqu'attaché à la famille de Lothaire, auquel il devoit son archevêché, le prélat, qui venoit de couronner Hugues Capet, répondit à Charles ces paroles tirées d'une de ces lettres Rappelez-vous ce que je vous ai dit, quand vous m'avez consulté ; c'étoit alors qu'il falloit gagner la faveur des grands du royaume : car pouvois.je seul vous faire roi? C'est ici une affaire publique, et qui ne dépend pas d'un particulier. Vous m'accusez d'être ennemi du sang royal. J'atteste mon Rédempteur que je ne vous hais pas. Vous me demandez ce que vous devez faire, je ne le sais pas, et quand je le saurois, je n'oserois vous le dire.

L'affaire étoit décidée : Hugues Capet avoit pris les devants, non-seulement pour lui-même; mais il se hâta encore de prendre la même précaution pour Robert, son fils, âgé de quinze ans. Six mois après avoir été reconnu roi, il obtint des prélats et seigneurs assemblés à Orléans, que ce jeune prince lui seroit associé, et il le fit couronner dans cette ville.

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Sacre de

Robert.

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On ne peut guère douter que la for- Formule mule employée alors n'ait été celle qui du sacre. s'est perpétuée jusqu'à nos jours. Si

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elle ne marque pas une élection formelle, elle exprime du moins un consentement, d'où paroissoit découler le droit du prince et sa puissance sur les sujets qui se soumettoient volontairement à son autorité. L'archevêque le présentoit aux grands et au peuple réunis dans l'église, et leur disoit : << Le voulez-vous pour votre roi »? Vultis hunc regem? L'assemblée répondoit par acclamation: « Nous le « voulons, il nous plaît, qu'il soit <«< notre roi »>! Laudamus, volumus, fiat.

Il étoit difficile qu'une autorité si dépendante dans son principe, fût d'abord bien réglée; aussi se passa-t-il beaucoup de temps avant que les rois de la troisième race obtinssent de leurs vassaux une entière obéissance. Dès le règne de Hugues Capet, un Audibert, vicomte de Périgord, donna l'exemple de la résistance. Il faisoit le siège de Tours contre la volonté des deux rois, le père et le fils: dans les lettres qu'ils lui écrivirent pour l'engager à le lever, ils se permirent un reproche qui le taxoit d'ingratitude. Qui vous a fait comte? lui disoient-ils. Et vous, leur répondit fièrement Audibert; qui vous a fait rois ?

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