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Par suite de ces conditions économiques, Sainte-Hélène fut fréquentée à partir du xvr® siècle et surtout au xvii, quand, les Compagnies hollandaise et anglaise des Indes Orientales ayant été fondées, des navires parcoururent les flots jusqu'alors déserts de l'Atlantique méridional.

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Ce rôle d'escale a échappé à M. Jackson, et pourtant il est manifeste. Le Peppercorn, revenant de Bantam, et le Solomon touchent respectivement à Sainte-Hélène le 14 et le 29 mai 1613 ). L'Elizabeth s'y arrête le 1 avril 1624 (2), Le Charles, venant de Surat, y mouille du 14 dé cembre 1630 au 30 janvier 1631, et l'Exchange, venant de Bantam, du 6 au 19 mai 1634 (3). Les Hollandais n'usaient pas moins que les Anglais

(1) Calendar of State papers. Colonial series. East Indies, 1513-1616, in-4°, Londres, 1862, p. 242. Les éditeurs des Calendar of State papers ont publié les dates telles qu'elles figurent sur les documents anglais originaux. Nous avons uniformément traduit en nouveau style les dates données en vieux style.

Pour l'époque qui nous occupe, la différence entre les deux styles est de dix jours.

(2) Colonial series. East Indies, 16221624, in-4°, Londres, 1878, p. 291292.

(3) L. cit., 1630-1634, in-4°, Londres, 1892, p. 142, 565.

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de cette place de rafraîchissement », pour employer l'expression alors courante. Le gouverneur général Jan Pieterszoon Coen s'arrête à SainteHélène le 12 juin 1623), en revenant aux Pays-Bas, après les mémorables campagnes qui établirent définitivement la puissance de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales dans les îles de la Sonde. Une flotte de douze navires, commandée par Wollebrant Geleynsen, y mouille en 1648 (2); une autre, de sept navires, commandée par Pieter Kemp, y séjourne du 18 avril à la fin de mai 1654 (3); une autre encore, commandée par Gaspar van den Boogaerden, s'y arrête à la fin d'avril 1656). Il serait facile de multiplier ces exemples.

II. Malgré son importance économique, Sainte-Hélène ne fut jusqu'en 1659 occupée par aucune puissance européenne; c'était une terra nullius. Aussi les marins qui y débarquaient pour quelques jours ou pour quelques semaines usaient-ils sans ménagement de ses ressources. Dans un mémoire présenté le 26 juillet 1649 à la Chambre d'Amsterdam de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales, deux officiers, Leendert Janz et Nicolas Proot, blâment « la négligence des officiers et les mauvais instincts des matelots, qui, appartenant à toutes les nations, se pourvoient largement, mais se moquent bien de ceux qui passeront ensuite ». « Souvent, ajoutent Janz et Proot, vous les entendez dire : « Pourquoi « me gêner? il y a cent chances contre une pour que de ma vie je ne « revienne pas ici. » Aussi gâtent-ils tout ce qu'ils touchent (5). »

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Tandis que les Portugais étaient les maîtres de Mozambique et de SaintPaul de Loanda, et les Hollandais du Cap, la Compagnie anglaise des Indes Orientales ne possédait dans les mers australes aucun point de relâche; aussi en 1659 résolut-elle de prendre possession de Sainte-Hélène. Le capitaine John Dutton y arriva comme gouverneur. Au mois de juin, il érigea une forteresse dans Chappel Valley, ainsi qu'en témoigne un texte qui figure sur une pierre encastrée maintenant encore dans la muraille du château de Jamestown :

CAPT 1OHN DUTTON || GOVERNOR OF This isle FIRST ERECTED THIS FORTIFICATION || FOR THE ENGLISH EAST || INDIA COMPY IUNE YE AN DOM. 1659 || OPERA TESTANTUR DE ME (6).

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Le nom du maître maçon, artisan obscur de la grandeur britannique, qui éleva cette forteresse nous a été conservé. Il s'appelait Thomas Coleman. On lit en effet sur une autre pierre :

THO COLEMAN WORKMAN IN CHIEF OF THIS FORTIFICA || TIOn for the use of THE ENGLISH EAST INDIA COMPY || I CAME ON THE MARMIDUCK MAN OF WARE || MAY YE 5 1659 (1).

Le 3 avril 1661 la Compagnie des Indes reçut de Charles II une charte stipulant ses droits à Sainte-Hélène. Elle était autorisée « à y bâtir des châteaux, des fortifications et des forts», à y introduire des soldats et des colons libres en tel nombre qu'elle jugerait opportun, à y exercer la justice et à y entreprendre des cultures. Enfin elle était dispensée du payement de toute taxe pour les tissus, vivres, munitions de guerre et objets mobiliers qu'elle y transporterait (2).

Sur les quatorze premières années de l'occupation les sources anglaises ne nous renseignent pas. D'une part, il n'y a pas dans les archives de Sainte-Hélène de document antérieur à 1673, et d'une autre, dans la section East Indies de la Colonial series des Calendar of State papers, les textes publiés actuellement ne dépassent pas 1634. Mais à cette indigence d'autres documents remédient partiellement.

Souchu de Rennefort, revenant de Madagascar dans la Vierge de BonPort, toucha à Sainte-Hélène du 31 mars au 7 avril 1666, et il a donné une description succincte, mais précise de l'établissement anglais à ses débuts (3)

H y avait un petit fort triangulaire dont deux bastions portaient sept pièces de gros canon de fer pointées sur l'eau, et le troisième bastion derrière, armé de quatre semblables pièces, pouvait servir de nouveau fort, si la place avait été forcée au côté des deux premiers étaient deux redoutes, avec chacune deux canons qui rasaient la mer, et empêchaient l'abord de l'ile. »

En débarquant S. de Rennefort reçut un bienveillant accueil du gouverneur Robert Stringer, qui l'introduisit dans sa maison :

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On y montait par un balcon de six marches qui donnait dans une grande salle d'armes bien entretenue. Les quatre coins de la salle ouvraient quatre appartements de trois chambres chacun, tendus et meublés d'étoffes des Indes et de tapis de Perse, de lits et de sièges d'ébène grise et noire, tournés et semés de boutons dorés. »

(1) 15 mai (nouveau style), Jackson, p. 157.

(2) Un extrait de cette charte est donné dans T. H. Brooke, A history of

S' Helena, p. 319-320, et reproduit dans Jackson, p. 12.

(3) Histoire des Indes Orientales, p. 138 et suiv.

Dans la chambre du gouverneur, S. de Rennefort remarqua deux portraits l'un représentait Charles II, et il «paraissait à l'endroit le plus en vue », l'autre Cromwell, mais il avait été retourné « le visage sur la tapisserie

».

Le gouverneur présenta S. de Rennefort à sa femme, qui « conservait des marques d'avoir été fort agréable», ainsi qu'à deux de ses filles :

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Il donna ensuite à dîner fort proprement, les viandes apprêtées moitié à la française, moitié à l'anglaise. Les dames à la mode de leur pays ne faisant aucune cérémonie, tous burent dans le même gobelet les santés de leurs deux rois ».

Un autre jour Robert Stringer fit visiter aux Français son cabinet de curiosités, où étaient conservés le squelette d'un lamantin, celui d'un poisson volant, de l'ambre gris, de la civette et en général les « étoffes et curiosités qui se rapportent des Indes ».

La population se composait de cinquante hommes, vingt femmes et six esclaves malgaches. Les hommes pour « la plupart avaient des habitations en l'île et venaient à leur tour faire guet et garde au fort ».

De la description de S. de Rennefort il faut rapprocher, bien qu'il soit pas daté, un document manuscrit anonyme conservé à Paris, dans les archives du Service hydrographique de la Marine, et intitulé: Plan de la rade, forteresse et bourg de l'isle de Sainte-Hélène. Le fort triangulaire, avec ses trois bastions et la maison du gouverneur, y est nettement figuré, resserré dans la vallée entre les deux falaises que S. de Rennefort qualifie « d'épouvantables voisins ». Ce plan représente en outre: 1° une longue batterie sur le rivage, destinée à fermer l'accès de la vallée; 2o derrière le fort deux rangées d'habitations, au-dessous desquelles on lit cette légende : « Où les Anglois mettent une sentinelle pour empêcher les étrangers d'avancer dans l'île. »

III. La prise de possession de Sainte-Hélène par la Compagnie anglaise constituait un échec pour la Compagnie hollandaise des Indes Orientales, sa rivale. Ce fait «sera très nuisible à notre flotte de retour, qui s'y serait pourvue de bons vivres, porcs et eau douce », écrivait de Batavia, le 17 janvier 1660, le gouverneur général des Indes néerlandaises, Jean Maetsuyker, qui déplorait encore dans une lettre postérieure que la Compagnie dût « renoncer à la belle île de Sainte-Hélène » (2).

Non pas cependant que le mouillage en fût interdit par les Anglais aux Hollandais; la flotte de Jan van der Laan y toucha, par exemple, du 3 au

(1) Portefeuille 121, division 5, piece 8.

(2) Letters received, 1649-1662, II, p. 134 et 167.

6 mai 1662(); seulement, au lieu d'y pouvoir débarquer à leur gré, comme ils le faisaient jadis, il leur fallut désormais en solliciter l'autorisation.

Les directeurs de la Compagnie hollandaise concurent alors le projet d'établir une escale dans une autre île de l'Atlantique méridional, « au cas où les navires de retour seraient portés au delà du Cap, par le souffle de la tempête ». L'occupation de Sainte-Hélène par les Anglais a donc eu indirectement sur les explorations maritimes des conséquences qui ont, croyons-nous, échappé jusqu'à présent aux historiens de la géographie.

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On admettait qu'il existait entre Sainte-Hélène et la côte d'Angola une ile qu'on appelait «Nouvelle-Sainte-Hélène » (carte 2). Elle figure sur toutes les cartes marines du milieu du xvI° siècle. Les dires d'un maître charpentier nommé Lodewijk Claassen, qui résidait à Batavia vers 1660 et qui prétendait y être allé deux fois, contribuèrent à accréditer l'opinion courante. Les Portugais passaient pour en être les maîtres.

Bien que déjà en 1657, du 20 novembre au 6 décembre, le navire Maria l'eût infructueusement cherchée (2), les directeurs de la Compagnie des Indes Orientales envoyèrent au commandeur du Cap des ordres pour

(1) Leibbrandt, Precis of the Archives of the Cape of Good Hope, Journal 1662-1670, p. 4-5.

(2) Riebeeck's Journal, II, p. 102. Un voyage d'exploration a même peutêtre précédé celui de 1657.

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