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phis memorabilibus nobilis viri domini Simonis comitis de Monteforti. Ce titre, que Molinier cite d'après M. Paul Meyer (1), ne se trouve pas dans les deux plus anciens manuscrits, ceux du XIIe siècle, que possède notre Bibliothèque nationale (latins 2601(2) et 18334), où on lit simplement << Incipit hystoria Albigensis » (3). On ne le rencontre que dans l'explicit de deux manuscrits du Vatican, dont l'un (fonds de la reine Christine, lat. 490) est simplement la copie de l'autre écrit au xive siècle (fonds du Vatican, lat. 5712). Encore l'incipit de ce dernier manuscrit est-il tout différent : « Gesta nobilis viri domini Symonis comitis de Monteforti descripta per fratrem Petrum monachum Vallium Sarnay Cisterciensis ordinis. »

III. Le quatrième volume, consacré aux Valois et daté de 1904, se recommande par la même recherche de précision exacte, la même sûreté d'information et le même souci d'accommoder la science historiographique aux données essentielles de l'histoire. Mais il ne laisse pas dans l'esprit une impression aussi satisfaisante. Il est peut-être moins utile que les trois précédents, précisément parce qu'il est moins complet. Ajoutons de suite qu'il ne pouvait pas l'être au même degré, et pour une raison bien simple c'est qu'au xiv° siècle les textes historiques de tout ordre deviennent tellement nombreux (et en particulier les documents d'archives), que l'auteur d'une bibliographie de l'histoire de France ne peut les enregistrer tous; il se voit contraint de faire un choix. Or, avec cette nécessité d'une sélection toujours plus ou moins arbitraire, la méthode, le caractère et la portée de l'ouvrage sont changés.

Dans la Notice préliminaire, Molinier explique d'ailleurs pourquoi l'historiographie de cette époque diffère de celle des périodes antérieures. Il n'y a presque plus d'annales ecclésiastiques. L'histoire commence à se laïciser et les grandes chroniques prennent un caractère de personnalité plus marquée. D'autre part, l'affaiblissement de la centralisation monar

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chique, due aux désordres de la guerre de Cent ans, redonne une importance momentanée aux histoires locales. Les documents administratifs et économiques abondent et jettent une vive lumière sur l'état de la société; il faut donc plus que jamais en tenir compte. Une place plus importante doit être faite aussi aux textes littéraires proprement dits, parce qu'à partir du siècle des Valois ils fournissent plus de renseignements à l'histoire politique. Enfin les relations diplomatiques entre la France et les États limitrophes ont maintenant une fréquence et une complexité telles que l'historiographie étrangère se mêle ici intimement à la française, et qu'à la difficulté d'être pleinement au courant de cette dernière s'ajoute celle d'être instruit au même degré des publications de tous nos voisins.

Il résulte de ces faits que le chercheur qui veut connaître les sources de l'histoire du règne de Charles VI ou de Charles VII sera beaucoup moins abondamment renseigné par les notices de ce quatrième volume que ne le sera, pour la période du moyen âge proprement dit, le lecteur des volumes précédents. Mais cette infériorité tient, nous le répétons, en très grande partie, à la nature même des choses, au développement, devenu tout à coup énorme, de la matière historique. Molinier, ayant consacré un fascicule entier aux Capétiens du xш° siècle, a cru devoir renfermer aussi dans un seul fascicule (un peu plus fort, il est vrai) toute l'historiographie de l'époque des Valois jusqu'au milieu du xvo. Cette répartition ne correspond pas exactement à la disproportion évidente des éléments historiques.

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Mais, d'ailleurs, le livre qui traite des Valois contient tout ce qu'il y a d'essentiel à savoir sur les sources de cette période du moyen âge. Les 1569 notices dont il se compose sont distribuées sous les rubriques suivantes les deux grandes chroniques de Jean Le Bel et de Froissart; les petites chroniques du même temps (1); les textes d'intérêt local; l'histoire des règnes de Philippe VI, de Jean le Bon et de Charles V; les chroniques étrangères; le règne de Charles VI dans ses généralités, puis dans ses détails; le Grand Schisme; les chroniques étrangères qui ont trait à l'histoire de Charles VI et de Charles VII; le règne de Charles VII, et enfin Jeanne d'Arc. Parmi les morceaux les plus intéressants et les plus complets, il faut citer la notice consacrée à Froissart, les pages qui ont trait aux chroniqueurs de l'école de Bourgogne, et surtout le chapitre relatif

(1) Nous ne savons pourquoi l'auteur a inséré dans le chapitre consacré à ces petites chroniques, p. 19, le recueil de

Cosneau sur les Grands traités de la guerre de Cent ans; Collect. de textes pour servir à l'étude de l'histoire.

à Jeanne d'Arc. Molinier explique avec une parfaite clarté pourquoi jusqu'à ces derniers temps l'histoire s'est faite bourguignonne; mais peut-être force-t-il la note en traitant de « grands écrivains » (1) des narrateurs pittoresques mais diffus, comme Chastellain, Olivier de la Marche, Pierre de Fenin et Lefèvre de Saint-Remy. Quant à Jeanne d'Arc, l'aperçu préliminaire qui précède l'indication des sources s'impose à l'attention de tous ceux qui s'intéressent à l'héroïne et à l'histoire de la France monarchique. Les diverses et délicates questions que soulève ce sujet toujours litigieux y sont posées, définies et parfois résolues avec une précision rare; on ne saurait mieux dire ni dire plus en si peu de mots.

Pour le fond des choses, Molinier s'en tient aux opinions de Quicherat, qui, sur le caractère des visions de Jeanne, avait gardé une sage réserve.

Rationaliste déterminé, il ne pouvait admettre l'origine divine de ces visions, mais il se refusait à voir dans Jeanne une fille malade, attaquée d'une maladie nerveuse. Cette réserve de bon goût paraît, en somme, nécessaire. On ne possède sur la constitution physique de la Pucelle que des renseignements très vagues : l'explication miraculeuse de sa mission ne saurait être acceptée que des croyants; le miracle, s'il a eu lieu, est d'ailleurs resté incomplet; enfin les visions de Jeanne n'ont rien de bien extraordinaire pour le temps, car on sait combien les visionnaires ont pullulé durant toute la première moitié du xv° siècle.

En tout cas, l'auteur des Sources de l'Histoire de France, s'il n'approuve pas les assertions des croyants et les efforts des néo-catholiques qui « travaillent à faire de la Pucelle une sainte et à lui préparer des autels », ne se range pas non plus du côté de ceux qui voient en elle une sorte de vierge laïque et révolutionnaire ». Il estime que, des deux parts, ces tentatives sont regrettables; que Jeanne d'Arc a tout à perdre à ce qu'on fasse d'elle une sainte ou un libre esprit et que «ces admirateurs indiscrets seraient bien mieux inspirés en ne faisant pas intervenir le nom de l'admirable fille dans nos querelles journalières ».

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A dire vrai, le cinquième volume ou fascicule, qui a paru l'année dernière, n'est dans sa seconde partie que la suite immédiate et comme une annexe du précédent. Il y est question des sources du règne de Louis XI et de celles du règne de Charles VIII jusqu'au moment des guerres d'Italie. L'appréciation générale que nous avons donnée du fascicule précédent s'applique à plus forte raison à celui-ci. Généralités et sources françaises, documents de provenance étrangère, textes relatifs aux différents épisodes ou détails du règne rangés dans l'ordre chrono

(1) Page 187.

logique telle est la triple répartition des notices pour l'époque de Louis XI comme pour celle de son fils. On y distinguera particulièrement l'important chapitre consacré à Commines, aux manuscrits et aux éditions de son Histoire. Là se trouve, on peut le dire, le dernier mot sur la question.

Le fascicule V a été publié après la mort de Molinier, par les soins d'un ami; quelques fautes d'impression s'y sont glissées (1). La première moitié se compose d'une Introduction générale entièrement rédigée par l'auteur lui-même et achevée le 16 mars 1904, deux mois avant sa

mort.

Son intention était évidemment de nous donner, dans ce morceau qui compte 187 pages, une sorte de philosophie ou de synthèse de la science des sources de l'histoire de France pendant la période médiévale. Il pouvait être très intéressant, en effet, de suivre l'évolution de l'historiographie française au cours des dix siècles du moyen âge, d'en marquer avec précision les directions principales, d'en découvrir et d'en formuler les lois, en un mot, d'en expliquer par l'histoire même les modalités diverses. On comprend que Molinier, qui n'était pas seulement bibliographe mais historien, ait été tenté par cette perspective de généralisation brillante. Mais justement, pour atteindre son but, il lui aurait fallu se tenir dans la sphère élevée des considérations synthétiques, et ne pas reproduire, en parlant des hommes et des œuvres, les détails précis qu'il avait déjà donnés dans les notices préliminaires des quatre fascicules précédents. Sans doute cette Introduction générale développe sur quelques points les aperçus déjà exposés, ou même en apporte de nouveaux, qui sont, d'ordinaire, aussi intéressants que judicieux; mais, pour la plupart des œuvres signalées, il y a répétition, double emploi, et souvent dans les mêmes termes (2). On peut même noter, dans l'Introduction générale, des phrases littéralement reproduites, indice d'une rédaction un peu confuse et précipitée (3).

L'utilité de beaucoup de ces pages est donc contestable, sans compter que certaines assertions ou certains jugements appelleraient aisément la

(1) P.XLIX, an 602 pour 802; p. LXXXIX, Ix siècle pour x1: p. 22, Psychologie médicale pour mentale; p. 193, médéviale pour médiévale.

(2) Que l'on compare, par exemple, ce qui est dit du Journal d'un bourgeois de Paris dans l'Introduction générale (P. CXLIII) avec la notice 4149 du fascicule IV; ou ce qui y est dit de la Chro

SAVANTS.

nique scandaleuse (p. CLIII) avec la notice 4666 du fascicule V; ou encore ce qui y est dit de Commines (p. CLIII-CLV) avec la notice 4663.

(3) Par exemple, dans l'Introduction générale, pages XV et LV, les mêmes passages sur Paschase Ratbert et sur les biographies d'Alcuin et de Walafrid Strabon.

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IMPRIMERIE NATIONALE.

controverse. Qu'importe que Richer, par exemple, ait été « un témoin oculaire bien informé des événements de 987) s'il déforme, comme il l'a fait plus d'une fois, la vérité? Nous n'acceptons pas non plus sans réserve l'appréciation de l'auteur sur la Vita Ludovici Grossi de Suger, et ne dirons pas comme lui « que le fond en est excellent de tous points »(2). Ce panégyrique ou cette chrestomathie des actes de Louis le Gros est remplie, on doit l'accorder, de détails importants et authentiques; mais la somme des réticences ou des omissions commises sciemment par l'abbé de Saint-Denis est telle que l'expression d'une satisfaction aussi complète est vraiment peu justifiée.

L'Introduction générale contient d'ailleurs, dans sa dernière partie, tout autre chose qu'une exposition des lois ou des modes de l'historiographie médiévale. Molinier l'a terminée par des considérations personnelles sur la critique historique et les grandes entreprises de travaux érudits à l'époque moderne et même contemporaine, ce qui nous éloigne tout à fait de l'objet de la publication. A la fin vient une glorification assurément très légitime de l'Ecole des Chartes et de l'Ecole des Hautes Etudes; mais peut-être eût-il été bon de dire aussi quelques mots de la renaissance des études d'érudition historique à l'Ecole normale, à la Sorbonne et dans nos grandes universités.

Quoi qu'il en soit, l'importance pratique d'un répertoire comme celui dont nous venons de rendre compte, l'effrayant labeur qu'il suppose, et la grandeur du service rendu à la science resteront des faits hors de discussion, tout à l'honneur de Molinier.

Il est clair pourtant que l'utilité de cette œuvre ne sera entière que lorsque le sixième volume, contenant l'Index général des noms d'auteurs et des matières, aura paru. Cet index est, dès à présent, indispensable (3); il peut seul permettre au chercheur de ne pas s'égarer dans cette masse énorme de notices disposées par ordre de matière ou par groupements géographiques. Il est bien à désirer que l'éditeur ne le fasse pas attendre. Quand l'ouvrage aura, avec ce complément, sa valeur intégrale, on pourra pleinement souscrire au jugement que l'auteur a porté lui-même sur son œuvre (4):

Il est bon de dresser de temps à autre le bilan de la science, d'enregistrer les résultats acquis, de marquer les points à éclairer. Nul travail plus délicat, plus minutieux et aussi plus ingrat. Les ouvrages de bibliographie sont de ceux dont on use

(1) Introd., p. LXVIII.

(2) Ibid.,

p. XCIV.

(3) Cela est si vrai qu'on s'est cru

obligé d'ajouter un Index provisoire
et incomplet aux fascicules IV et V.
(4) T. V, Introduction générale.

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