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DEVERS, préposition comme vers:

LUCAS.

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Tourne un peu ton visage devers moi.

(G. D. II. 1.) C'est un paysan qui parle, à qui Molière prête des locutions surannées.

Devers et envers ont été jadis employés pour vers, comme on en voit un exemple dans une vieille chanson introduite par Beaumarchais dans le Mariage de Figaro :

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« Enfin la Rancune l'ayant tourné dans sa chaise devers le feu dont l'on avoit chauffé les draps, il ouvrit les yeux.»

(SCARRON. Rom. com. Ire p., ch. x1.)

Mais Molière a mis aussi devers dans la bouche des personnages qui s'expriment avec le plus d'élégance et de correction:

ÉRASTE.

Il a poussé sa chance,

Et s'est devers la fin levé longtemps d'avance.

(Fach. I. I.)

« C'est ainsi devers Caen que tout Normand raisonne.» (BOILEAU.) J'ai des cavales en Égypte, qui conçoivent au hennissement des che« vaux qui sont devers Babylone. (LA FONTAINE, Vie d'Esope.)

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Devers et envers sont des formes variées de vers. Vers a été la première forme usitée :

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Si hom peche vers altre, a Deu se purrad acorder; e s'il peche vers

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Pur ço que la guerre vers les ennemis Deu mantenist. » Beaumanoir n'emploie que vers :

(Rois. p. 8.)

(Ibid. p. 71.)

« Li baillis qui est debonaires vers les malfesans... qui vers toz est fel et cruels...

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(T. 1er. p. 18, 19.) Cependant la version des Rois, qui paraît de la fin du x1a siècle, connaît déjà envers et devers.

« Ore t'aparceif que felenie n'ad en mei ne crimne envers tei.» (P. 95.) <«< E pis que nuls ki devant lui out ested devers Nostre Seignur uverad. » (P. 309.)

(Voyez DEDANS, DESSOUS, DEVANT.)

DEVOIR ; NE DEVOIR QU'A, avec l'ellipse de rien :
Hors d'ici je ne dois plus qu'à mon honneur.

(D. Juan. III. 5.)

DÉVORER DU COEUR, figur., recevoir avidement : Et vous devez du cœur dévorer ces leçons. (Ec. des fem. III. 2.)

DÉVOTS DE PLACE:

Que ces francs charlatans, que ces dévots de place. (Tart. I. 6.) Comme les valets de place, qui se tiennent en vue sur les places publiques.

DE VRAI : véritablement, de vero :

Je ne sais pas, de vrai, quel homme il peut être.
Nous verrons, de vrai, nous verrons!

(D. Juan. I. 1.)

(Ibid. V. 3.)

Ma foi, c'est promptement, de vrai, que j'achèverai. (Am.magn. V. 1.) Cette locution était jadis très-usitée; les exemples en sont fréquents. On disait aussi au vrai :

Je ne sais pas au vrai si vous les lui devez;

« Mais il me les a, lui, mille fois demandés. »

(REGNARD. Le Légataire. V. 7.)

DEXTÉRITÉS, au pluriel, adresse:

Oui, vos dextérités veulent me détourner

D'un éclaircissement qui vous doit condamner. (D. Garcie. IV. 8.)

Je sais les tours rusés et les subtiles trames

Dont pour nous en planter savent user les femmes;

Et comme on est dupé par leurs dextérités,

Contre cet accident j'ai pris mes sûretés.

D'HOMME D'HONNEUR; ellipse d'honneur:

(Ec. des fem. I. 1.)

foi d'homme

D'homme d'honneur, il est ainsi que je le dis. (Dép. am. III. 8.)

DIABLE; DIABLE EMPORTE SI...:

Diable emporte si je le suis! (médecin.)

Diable emporte si j'entends rien en médecine!

(Méd. mal. lui. I. 6.)

(Ibid. III. 1.)

C'est une sorte d'atténuation du blasphème complet : Que le diable m'emporte si... On en retranche le pronom personnel, pour moins d'horreur.

EN DIABLE; COMME TOUS LES DIABLES:

La justice, en ce pays-ci, est rigoureuse en diable contre cette sorte de crime. (Pourc. II. 12.)

Elle est sévère comme tous les diables, particulièrement sur ces sortes

de crimes.

(Voyez QUE DIABLE!)

(Pourc. III. 2.)

DIANTRE, modification de diable; DIANTRE SOIT : Diantre soit la coquine !

(B. gent. III. 3.)

-DIANTRE, adjectif; comme diable, diablesse :

Qu'on est aisément amadoué par ces diantres d'animaux-là!

DIANTRE SOIT DE...:

(Ibid. III. 10.)

Diantre soit de la folle, avec ses visions!

(Fem. sav. I. 5.)

(Tart. II. 4.)

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Encore! diantre soit fait de vous! Si... je le veux.

DIE, dise:

Veux-tu que je te die? une atteinte secrète

Ne laisse point mon âme en une bonne assiette. (Dép. am. I. 1.)
Ah! souffrez que je die,

Valère, que le cœur qui vous est engagé.....

(Ibid. V. 9.)

Die n'est pas une forme suggérée par le besoin de la rime; elle est aussi fréquente que dise chez les vieux prosateurs. Malherbe, dans ses lettres, n'en emploie pas d'autre.

Voulez-vous que je vous die?

(Impromptu de Versailles. 3.)

Ainsi cette forme était encore usuelle dans la conversation en 1663.

Cependant, neuf ans après, en 1672, dans les Femmes savantes, Molière tourne en ridicule le quoi qu'on die de Trissotin :

Faites-la sortir, quoi qu'on die,

De votre riche appartement.

Cette forme alors était donc déjà surannée.

« Il faut toujours, en prose, écrire et prononcer dise et jamais die, ni avec quoi que, ni dans aucune autre phrase. » C'est la décision de Trévoux, d'après Th. Corneille.

DIFFAMER :

MORON.

Je vous croyois la bête

Dont à me diffamer j'ai vu la gueule prête.

(Pr. d'El. I. 2.)

L'emploi de diffamer pour dévorer, déchirer, en parlant d'un sanglier, pourrait sembler une bouffonnerie de ce fou de cour; mais Furetière nous apprend que « diffamer signifie aussi salir, gáter, défigurer. Il a renversé cette sauce sur mon habit il l'a tout diffamé. Il lui a donné du taillant de son épée, et lui a tout diffamé le visage. En ce sens il est bas. >> Ainsi Moron parle sérieusement et correctement. Diffamer, aujourd'hui, ne se prend plus qu'au sens moral.

On observera que diffamer, au sens moral, n'emporte pas nécessairement l'idée de calomnie, ni même aucune idée de blâme, puisque Boileau a dit, en parlant des précieuses :

« Reste de ces esprits jadis si renommés,

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Que d'un coup de son art Molière a diffamés. »

C'est-a-dire, tout simplement : a perdus de réputation. Fame (fama) a été français dans l'origine :

« E vint la fame a tuz ces de Israel, que desconfiz furent li Philistien. »>

Héli dit à ses fils :

« Votre fame n'est mie saine. :

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Vous n'avez pas bonne réputation.

DIGNE, en mauvaise part:

Et toutes les hauteurs de sa folle fierté

Sont dignes tout au moins de ma sincérité.

(Rois. p. 42.)

(Ibid. p. 8.)

(Fem. say. I 3.

‹Mais il (Vasquez) n'est pas digne de ce reproche. » (PASCAL, 11o Prov.)

DINER; AVOIR DINÉ, métaphoriquement :

Mme JOURDAIN. — Il me semble que j'ai diné quand je le vois!

(B. gent. III. 3.) On dirait, par la même métaphore: Je suis rassasiée de le voir.

DIRE, actif avec un complément direct, désirer; TROUVER QUELQU'UN A DIRE :

Mettez-vous donc bien en tête..... que je vous trouve à dire plus que je ne voudrois dans toutes les parties où l'on m'entraîne. (Mis. V. 4.)

Ce verbe dire vient, par une suite de syncopes, non pas de dicere, mais de desiderare, dont on ne retient que les syllabes

extrêmes, desiderare, desirare (d'où l'on a fait à la seconde époque désirer), et dere, dont le premier e se change en i, par la règle accoutumée. (V. Des Var. du langage fr., p. 208).

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Ce verbe dire était très-usité au xvi° siècle : Montaigne, la reine de Navarre, et les autres, en font constamment usage : Que sait-on, si...... plusieurs effects des animaux qui excedent nostre capacité sont produits par la faculté de quelque sens que nous ayons à ་་ dire?» (MONTAIGNE. II. 12.)

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A désirer, à regretter; qui nous manque.

Si nous avions à dire l'intelligence des sons de l'harmonie et de la voix, cela apporteroit une confusion inimaginable à tout le reste de nostre «< science. »

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(ID. Ibid.)

« Ce desfault (une taille trop petite) n'a pas seulement de la laideur,

mais encores de l'incommodité, à ceulx mesmement qui ont des comman

<< dements et des charges; car l'auctorité que donne une belle presence et majesté corporelle en est à dire.

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(ID. II. 17.) L'autorité, par suite de ce défaut, se fait désirer, ne s'obtient

pas.

La reine de Navarre écrit à chaque instant dans ses lettres : Le roi et madame vous trouvent bien à dire; nous vous trouvons bien à dire. C'est dans ce sens que l'employait encore Célimène en 1666.

Ce mot a disparu, peut-être banni pour laisser régner, sans équivoque possible, dire, venu de dicere.

DIRE de quelque chose TOUS LES MAUX DU MONDE : Tous les autres comédiens..... en ont dit tous les maux du monde. (Crit, de l'Éc. des fem. 7.)

(Voyez ON DIRAit de.)

DIRE pour redire :

Ayant eu la bonté de déclarer qu'elle (Votre Majesté) ne trouvoit rien à dire dans cette comédie, qu'elle me défendoit de produire en public. (1er Placet au roi.)

DIRE construit avec en et à; EN DIRE A, pour être favorable à :

Si le sort nous en dit, tout sera bien réglé.
Si le sort nous est propice, nous seconde.

(L'Ét. V, 2.)

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