Images de page
PDF
ePub

BAILLER, archaïsme, donner :

Un sergent baillera de faux exploits, sur quoi vous serez condamné sans que vous le sachiez. (Scapin. II. 8.) Bailler un exploit était le térme consacré en style d'huissier; Molière n'avait garde de changer le mot technique.

BAISSEMENT DE TÊTE :

Quelque baissement de tête, un soupir mortifié, deux roulements d'yeux, rajustent dans le monde tout ce qu'ils (les scélérats) peuvent faire.

BALANCER QUELQUE CHOSE:

(D. Juan. V. 2.)

Un homme qui..... et ne balance aucune chose.
Qui ne pèse rien.

(Mal. im. III. 3.)

[ocr errors]

BALLE, RIMEUR DE BALLE :

Allez, rimeur de balle, opprobre du métier.

(Fem. sav. III. 5.)

‹ Balle, en termes d'agriculture, est une petite paille, capsule ou gousse, qui sert d'enveloppe au grain dans l'épi.»>

(TRÉVOUX.)

Si balle est ici dans ce sens, rimeur de balle serait une métaphore prise d'un objet qui, devant être rembourré de plume ou de crin, ne l'est que de balle, et ainsi d'une valeur réelle très-inférieure à l'apparence; mais cela paraît forcé.

Trévoux explique rimeur de balle, par allusion à la balle des marchands forains : « On appelle rimeur de balle un poëte dont les vers sont si mauvais, qu'ils ne servent qu'à envelopper des marchandises. » C'est ainsi qu'on dit poëte des halles.

BARBARISMES DE BON GOUT, en matière de bon goût :

Des incongruités de bonne chère et des barbarismes de bon goût. (B. gent. IV. 1.)

(Voyez SOLÉCISMEs en conduite.)

BARGUIGNER:

A quoi bon tant barguigner et tant tourner autour du pot? (Pourc. I. 7.) Barguigner signifie marchander en vieux français; racine bragain, que les Anglais nous ont pris et conservent encore.

[ocr errors]

Estagiers de Paris puent barguignier et achater bled ou marchié de « Paris. »

(Livre des mestiers. p. 17.)

Le sire de Coucy, déguisé en mercier ambulant, ouvre sa balle; toute la maison y accourt, et la châtelaine de Fayel elle-même :

« Iluec trouverent le mercier,
« E lor dame qui remuoit
« Les joiaus, et les bargignoit.
« Aulcuns aussy de la mesnie
<< Ont mainte chose bargignie....
« Et quant rien plus ne bargigna,
«Sa marchandise appareilla,

« Et prist son fardel à trousser.....

« La dame dist à son valet :

« Faites demourer sans long plait

« Ce povre home, marchand estrague.
« Cilz respont, sans faire bargagne :

« Gentilz dame, Dieus le vous mire. »

Elle marchandait les joyaux ;

(Roman de Coucy.)

(Ibid.)

et quand on ne marchanda

plus rien...; il répond sans marchander. Barguigner n'a plus aujourd'hui que le sens figuré de marchander.

BASTE, de l'italien basta, suffit:

Baste! songez à vous dans ce nouveau dessein.

Baste! laissons là ce chapitre.

BATIR SUR DES ATTRAITS...

(L'Et. IV. 1.)

(Méd. m. lui. I. 1.)

:

Mon cœur aura báti sur ses attraits naissants. (Éc. des fem. IV. 1.)

C'est l'abrégé d'une expression métaphorique : bâtir, fonder un espoir sur.

.....

BATTEUR:

Oui, je te ferai voir, batteur que Dieu confonde,

Que ce n'est pas pour rien qu'il faut rouer le monde. (L'Et. II. 9.) BEAU, au sens métaphorique de pur :

SGANARELLE.

Vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice !

(D. Juan. III. 1.)

BEAUCOUP devant un adjectif ou un partic. passé :

Je vous suis beaucoup obligé.

(Pourc. III. 9.)

Leur savoir à la France est beaucoup nécessaire! (Fem. sav. IV.3.)

BÉCARRE; DU BÉCARRE, terme technique, aujour

d'hui inusité:

Ah! monsieur, c'est du beau bécarre!

(Le Sicilien. 2.)

Et là-dessus vient un berger, berger joyeux, avec un bécarre admirable, qui se moque de leur foiblesse.

(Ibid.)

Cela veut dire que la musique passe du mode mineur au majeur.

BÉCASSE BRIDÉE :

Ma foi, monsieur, la bécasse est bridée; et vous avez cru faire un jeu qui demeure une vérité. (Am. méd. III. 9.)

[ocr errors]

Cela se dit figurément, à cause d'une chasse que les paysans font aux bécasses avec des lacets et collets qu'ils tendent, où elles se brident ellesmêmes. »

BEC CORNU, ou mieux BECQUE CORNU:

(TRÉVOUX.)

Et sans doute il faut bien qu'à ce becque cornu Du trait qu'elle a joué quelque jour soit venu. (Ec. des fem. IV. 6.) Que maudit soit le bec cornu de notaire qui m'a fait signer ma ruine! (Med. m. lui. I. 2.)

Becque est formé de l'italien becco, un bouc, mot qui reçoit deux sens métaphoriques, injurieux l'un et l'autre. Becco est un lourdaud, ou un homme que déshonore l'inconduite de sa femme ou de sa soeur (Trésor des trois langues). L'épithète cornu s'explique d'elle-même.

BÉJAUNE, erreur grossière :

C'est fort bien fait d'apprendre à vivre aux gens, et de leur montrer leur béjaune. (Am. méd. II. 3.) Monsieur, souffrez que je lui montre son béjaune, et le tire d'erreur. (Mal. im. III. 16.)

Les jeunes oiseaux ont le bec garni d'une sorte de frange jaune. Ainsi, par métaphore, avoir le bec jaune, c'est manquer d'expérience, être dupe. Molière a écrit aussi bec jaune; conformément à l'étymologie:

Oui, Mathurine, je veux que monsieur vous montre votre bec jaune. (D. Juan. II. 5.)

« Ce sont six aulnes.... ne sont mie?

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Dans l'origine, les consonnes finales étant muettes lorsque suivait une consonne, on prononçait pour bec, mer, fer, bé, mé, fé.

(Des variations du langage français, p. 44.)

BESOIN, FAIRE BESOIN, être nécessaire :
Aussi bien nous fera-t-il ici besoin pour apprêter le souper,

BIAIS, dissyllabe:

Nous n'aurions pas besoin maintenant de rêver
A chercher les biais que nous devons trouver.

Des biais qu'on doit prendre à terminer vos feux.
Il faut voir maintenant quel biais je prendrai.
Pour tâcher de trouver un biais salutaire.
Et du biais qu'il faut vous prenez cette affaire,
Le pousser est encor grande imprudence à vous,
Et vous deviez chercher quelque biais plus doux.

Monosyllabe:

J'ai donc cherché longtemps un biais de vous donner

(L'Av. III. 5.)

(L'Et. I. 2.)

(Ibid. IV. 1.)

(Ibid. IV. 8.)

(Ibid. V. 12.)

(Sgan, 21.)

(Tart. V. I.)

La beauté que les ans ne peuvent moissonner. (Fem. sav. III. 6.)

SAVOIR LE BIAIS DE FAIRE QUELQUE CHOSE

Mais, encore une fois, madame, je ne sais point le biais de faire entrer ici des vérités si éclatantes. (Ep. dédic. de la Critique de l'Ec. des fem.)

BICÈTRE, voyez BISSÊTRE.

BIEN ; AVOIR LE BIEN DE... le plaisir, l'avantage de... :

J'ai le bien d'être de vos voisins.

Il s'est dit grand chasseur, et nous a prié tous
Qu'il put avoir le bien de courir avec nous.

BIEN ET BEAU:

Cependant arrivé, vous sortez bien et beau,
Sans prendre de repos ni manger un morceau.

(Ec. des mar. I. 5.)

(Fácheux. II. 7.)

(Sgan. 7.)

Remarquez beau, employé comme adverbe. C'était originairement le privilége de tous les adjectifs. Il nous en reste encore de nombreux exemples: voir clair, frapper ferme, parler

haut, partir soudain, parler net, etc., etc., pour clairement, fermement, hautement, soudainement, nettement.

« Le fermier vient, le prend, l'encage bien et beau,

« Le donne à ses enfants pour servir d'amusette. »

(LA FONTAINE. Le Corbeau voulant imiter l'Aigle.)

BIENSÉANCE; ÊTRE EN LA BIENSÉANCE DE QUELQU'UN, c'est-à-dire, à sa disposition:

Cette maison meublée est en ma bienséance;
Je puis en disposer avec grande licence.

(L'Et, V, 2.)

BISSÊTRE ; malheur résultant d'une fatalité. FAIRE

UN BISSÊTRE :

Eh bien! ne voilà pas mon enragé de maître?

(L'Et. V. 7.)

Il nous va faire encor quelque nouveau bissétre. L'orthographe est bissétre, et non bicétre; le mot primitif est bissexte. Du Cange, au mot Bissextus, l'explique infortunium, malum superveniens. La mauvaise influence de l'an et du jour bissextile était proverbiale au moyen âge :

[ocr errors]

« Cette année-là étoit bissextile, et le bissexte tomba de fait sur les traistres. » (Orderic Vital. lib. XIII. p. 882.) - « Cette tumultueuse année fut bissextile.... et le bissexte tomba sur « le roi et sur son peuple, tant en Angleterre qu'en Normandie.

[ocr errors]

(Id. lib. XIII. p. 905.)

C'était une locution populaire : le bissexte est tombé sur telle affaire, pour dire qu'elle avait mal tourné. Nous voyons déjà paraître la forme corrompue bissextre dans Molinet:

се

Pour ce que bissextre eschiet,

« L'an en sera tout desbauchiet. »

(Le Calendrier.)

L'x s'éteignait dans la prononciation, et laissait prévaloir le t, par la règle des consonnes consécutives. On prononçait donc bisséte, et, par l'intercalation euphonique de l'r, bissétre.

La superstition du jour bissextile remontait aux Romains. Voyez là-dessus le témoignage de Macrobe, au livre Ier, chapitre 13, des Saturnales.

Molière rappelle donc ici, par l'emploi du mot bicétre, une expression et une superstition du moyen âge.

Le vice d'orthographe tendrait à confondre le bissétre avec

« PrécédentContinuer »