Images de page
PDF
ePub

moyen âge. L'amure pour l'armure, dans la chanson de Roland; quatier, mabre, paller, bone, pour quartier, marbre, parler, borne, dans le Roman de la Rose; así pour arsi (brûlé), dans les Rois; coupe pour coulpe, dans le Roman du châtelain de Coucy; mellan, huller, supellatif, etc., etc., dans des auteurs de toutes provinces et des plus anciennes époques.

<< Item, un estuy à corporaulx, tout ouvré de pelles.»

(Invent, de la Ste.-Chapelle, de 1363.)

« Les entrechamps de grosses pelles fines. »

(Voyez Du Cange, au mot Chastc.)

(Texte de 1336.)

Bouille et Dubois se trompent donc en prenant un abus contemporain pour un abus moderne. C'est une erreur, du reste, assez commune.

Cette précaution prise, voici leur témoignage :

« Je ne veux point oublier ici un autre vice de la prononciation parisienne : c'est la confusion des lettres R et S. Les exemples en sont innombrables, tant en latin qu'en vulgaire. Ils disent Jeru Masia, pour Jesu Maria; misesese, pour miserere; cosona, pour corona. Ma mèse, mon frèse, pour mère, frère; et au rebours, courin, pour cousin; de l'oreille, pour de l'oseille. Et ils ne se contentent pas de pécher de la sorte en parlant, mais c'est qu'ils écrivent comme ils prononcent; et les doctes même ont toutes les peines du monde à se préserver de cette mauvaise habitude, dont les enseignes des rues de Paris rendent témoignage à tous les passants, car on y lit: Au gril cousonné; à l'estelle (l'étoile) cousonnée, au bœuf cousonné. » (De vitiis vulg. ling., p. 36.)

J. Dubois est aussi explicite; il ajoute seulement cette remarque, que les Latins pratiquaient la même confusion, disant indifféremment: Fusius, Valesius, ou Furius, Valerius; arbos, labos, ou arbor, labor; comme les Grecs, Oappéi et bapoέw. (Isagoge in ling. gall., p. 52.)

De cathedram, la première forme française a été chayère ou kayère, d'où par resserrement chaire. Les Picards d'aujourd'hui disent encore une kayelle,

[ocr errors]

Et chaire, par le zézayement, est devenu chaise, comme hure était devenu huse.

«En la mesme feuille out mis aussi la figure de la divine infante, cou

rounée en royne de France, comme vous, vous regardants huze à huze « l'un l'autre (1). » (Sat. Menippée, p. 104, éd Charp.) Nous avons repris la forme hure, mais nous avons gardé la forme chaise, créée par un abus, tout en retenant aussi la forme primitive et légitime chaire, mais comme il est convenu qu'il ne peut y avoir dans une langue deux mots synonymes, on s'est empressé d'attacher à chacune de ces formes une nuance de valeur différente.

Combien de mots subsistent honorablement au cœur de notre langue, qui ne sont, comme le mot chaise, que des parvenus sans titres? Par exemple, fauxbourg, chambellan, qui devraient être forsbourg, chamberlan ; et bien d'autres!

(Voyez sus.)

CHALEUR DE, empressement à :

Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages,
On s'expose à jouer de mauvais personnages.
CHALEUR POUR QUELQUE CHOSE:

La chaleur qu'ils ont pour les intérêts du ciel.

CHAMAILLER et SE CHAMAILLER:

(Mis. I. 2.)

(Préf. de Tartuffe.)

Nous irons bien armés; et si quelqu'un nous gronde,

[merged small][ocr errors]

Moi, chamailler! bon Dieu, suis-je un Roland, mon maître?

(Dép. am. V. 1.)

Sur les verbes réfléchis qui prennent ou laissent le voyez ARRÊTER et PRONOM Réfléchi.

CHAMP, par métaphore pour occasion :

Et l'aigreur de la dame, à ces sortes d'outrages
Dont la plaint doucement le complaisant témoin,

pronom,

Est un champ à pousser les choses assez loin. (Ec. des mar. I. 6.) Le ressentiment fournit l'occasion de pousser les choses assez loin; l'idée est claire, mais la métaphore est incohérente une aigreur ne peut être un champ.

(1) Sur les anciennes monnaies d'Espagne, Ferdinand et Isabelle sont représentés face à face.

— ALLER AUX CHAMPS, aller à la campagne:

Votre maître de musique est allé aux champs, et voilà une personne qu'il envoie à sa place pour vous montrer.

CHAMPIONNES, féminin de champion :

(Mal. im. II. 4.)

Tous viennent sur mes pas, hors les deux championnes. (L'Et. V. 15.)

CHANGE; DONNER POUR CHANGE A,

échange de :

C'est ce qu'on peut donner pour change

Au songe dont vous me parlez.

CHANGÉ DE :

c'est-à-dire,

en

(Amph. II. 2.)

Vous me voyez bien changé de ce que j'étois ce matin. (D. Juan. IV. 9.) Quantum mutatus ab illo.

CHANGER DE NOTE:

Je te ferai changer de note, chien de philosophe enragé! (Mar. for. 8.) Changer de langage, changer de ton. La Fontaine a dit changer de note pour changer de tactique :

[ocr errors]
[ocr errors]

« Leur ennemi changea de note,

Sur la robe du dieu fit tomber une crotte:

« Le dieu, la secouant, jeta les œufs à bas.» (L'Aigle et l'Escarbot.)

CHANGER UNE CHOSE A UNE AUTRE:

Et, des rois les plus grands m'offrît-on le pouvoir,

Je n'y changerois pas le bien de vous avoir. (Mélicerte. II. 3.)

[ocr errors][ocr errors]

Cependant l'humble toit devient temple, et ses murs

Changent leur frêle enduit aux marbres les plus durs. ›

[ocr errors]

(LA FONT. Philemon et Baucis.)

"Peut-être avant la nuit l'heureuse Bérénice

«Change le nom de reine au nom d'impératrice.» (RACINE. Bér.I.3.)

CHANSONS, REPAÎTRE QUELQU'UN DE CHANSONS:

Il faut être, je le confesse,

D'un esprit bien posé, bien tranquille, bien doux,
Pour souffrir qu'un valet de chansons me repaisse.

(Amph. II. 1.)

CHANTER DES PROPOS:

Au nom de Jupiter, laissez-nous en repos,

Et ne nous chantez plus d'impertinents propos.

(L'Et. I. 8.)

CHANTER MERVEILLE, promettre monts et mer

veilles :

Nous en tenons, madame; et puis prêtons l'oreille

Aux bons chiens de pendards qui nous chantent merveille!

(Dép. am. II. 4)

CHARGER; CHARGER UN COURROUX, y donner de

nouveaux motifs :

Mon courroux n'a déjà que trop de violence,

Sans le charger encor d'une nouvelle offense.

(Sgan. 6.)

CHARGER, métaphoriquement, en bonne part:

L'honneur de cet acte héroïque

Dont mon nom est chargé par la rumeur publique. (D. Garcie.V. 5.) La figure en ce sens ne paraît pas heureuse. On dit cependant le poids d'un grand nom; et Regnard a dit aussi, ironiquement, il est vrai :

« C'est un pesant fardeau qu'avoir un gros mérite.» (Le Joueur. II, 8.)

CHARGER LE DOS à quelqu'un, le battre :

Vous n'avez pas chargé son dos avec outrance?

(L'Et. III. 4.)

CHARGER QUELQU'UN, courir sur lui pour le battre:

ALAIN.

Si quelque affamé venoit pour en manger,

[ocr errors]

Tu serois en colère et voudrois le charger. (Ec. des fem. II. 3.)
Je veux.....

Que tous deux à l'envi vous me chargiez ce traître. (Ibid. IV. 9.)

CHARGER SUR QUELQU'UN :

D'abord il a si bien chargé sur les recors...

Molière s'en est servi pareillement au sens figuré:

(L'Et. V. 1.)

Sur mon inquiétude ils viennent tous charger. (Amph. III. 1.) CHARITÉS, par antiphrase, imputations médisantes ou calomnieuses; PRÊTER DES CHARITÉS A QUELQU'UN :

Une de ces personnes qui prétent doucement des charités à tout le monde, de ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant. (Impromptu. x.)

CHARITÉ SOPHISTIQUÉE :

Ces faux monnoyeurs en dévotion, qui veulent attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistiquée.

CHAT, ACHETER CHAT EN POCHE :

(1er Placet au roi.)

Vous êtes-vous mis en tête que Léonard de Pourceaugnac soit homme à acheter chat en poche....? (Pourc. II. 7.) Acheter un chat dans la poche du marchand, acquérir un objet sans l'examiner.

[ocr errors]

Elles (les filles qui se marient) acheptent chat en sac. » (MONT. III. 5.) CHATOUILLANT (adj. verbal), au sens figuré :

Par de chatouillantes approbations vous régaler de votre travail.

CHATOUILLER UNE AME:

J'aime à te voir presser cet aveu de ma flamme:

(B. gent. I. 1.)

Combattant mes raisons, tu chatouilles mon âme. (Pr. d'El. I. 1.)

Racine a dit dans le style noble chatouiller un cœur :

>> Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

La Fontaine emploie chatouiller sans complément : «Sa sœur se croyant déjà entre les bras de l'amour, chatouillée de ce témoignage de son mérite....» (Psyché, livre II.)

CHAUDE, L'AVOIR CHAUDE, avec l'ellipse du mot alerte ou alarme :

Mon front l'a, sur mon âme, eu bien chaude pourtant. (Sgan. 22.) CHAUSSÉ D'UNE OPINION (ÈTRE) :

Chose étrange de voir comme avec passion

Un chacun est chaussé de son opinion.

CHER, précieux :

(Ec. des fem. I. 1.)

Et la plus glorieuse (estime) a des régals peu chers.
Otez-moi votre amour, et portez à quelque autre

(Mis. I.1.)

Les hommages d'un cœur aussi cher que le vôtre. (Fem. sav. V. 1.) Ce n'est pas à dire un cœur si chéri, mais de si haut prix. Comme on chérit ce qui est précieux, il est clair que, dans bien des cas, les deux nuances se confondent; mais il en est

« PrécédentContinuer »