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CROIRE, actif; CROIRE QUELQUE CHOSE, croire à quelque chose :

Un Turc, un hérétique, qui ne croit ni ciel, ni saint, ni Dieu, ni loupgarou.. (D. Juan. Ì. 1.) Mais encore faut-il croire quelque chose dans le monde. Qu'est-ce donc que vous croyez? (Ibid. II. 1.) Molière emploie croire quelque chose et croire à quelque

chose:

Un homme qui croit à ses règles plus qu'à toutes les démonstrations des mathématiques. (Mal. im. III. 3.)

CROIRE A QUELQU'UN :

Allez, ne croyez point à monsieur votre père.

A qui croire des deux ?

Et, au contraire, dans l'Étourdi:

Oh! oh! qui des deux croire?

Ce discours au premier est fort contradictoire.

CROIRE DU CRIME A QUELQUE CHOSE :

(Tart. II. 2.) (Am. med. II. 5.)

(L'Et. I. 4.)

Un homme qui croit à ses règles plus qu'à toutes les démonstrations des mathématiques, et qui croiroit du crime à les vouloir examiner.

(Mal. im. III. 3.)

Qui croiroit qu'il y a du crime. La forme elliptique de Molière est cent fois préférable.

CUL-DE-COUVENT, comme cul-de-basse-fosse, cul-dec'est-à-dire sac, fosse, et couvent sans issue par

sac,

l'extrémité opposée à l'entrée :

Vous rebutez mes vœux et me poussez à bout;
Mais un cul-de-couvent me vengera de tout!

(Ec. des fem. V. 4.)

Voltaire a beaucoup raillé cette expression, cul-de-sac : la métaphore peut manquer de noblesse (quoique, après tout, l'habitude efface le relief de ces locutions), mais elle ne manque pas de justesse, puisque le sac se tient assis sur son fond, et qu'une personne obstinée à traverser une impasse n'en viendrait non plus à bout qu'une obstinée à sortir d'un sac par le fond.

Cul-de-couvent est par analogie. Ce terme énergique est

arraché à Arnolphe par la fureur. On voit qu'il est, comme au reste il le dit lui-même, poussé à bout.

CURIOSITÉS au pluriel, dans la même acception

qu'au singulier:

On peut avoir parfois des curiosités.

La faiblesse humaine est d'avoir

Pour les nouveautés

(Ec. des mar. I. 5.)

(Amph. II. 3.)

Des curiosités d'apprendre

Ce qu'on ne voudroit pas savoir.

Molière, en ce passage, s'est rencontré avec un poëte du x siècle, Gibert de Montreuil, qui introduit Gérard de Nevers chantant, dans un couplet :

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Il a du dor à son habit tout depis le haut jusqu'en bas. (D. Juan. II. 1.) Dans l'origine du langage, tous les mots étaient armés d'une consonne finale, pour préserver la voyelle précédente du choc et de l'élision contre une voyelle initiale du mot suivant. Quelquefois cette voyelle est demeurée attachée au commencement du mot auquel elle n'appartenait pas. Ainsi le substantif or avait fait le verbe orer, comme argent, argenter; mais, par suite de quelque locution, comme c'est oré, on aura écrit c'est doré, et le mot dorer est resté.

Ma(t) ante (mea amita) est, par la même façon, devenu ma tante. (Voyez au mot D'AUCUNS).

Le d euphonique jouait un grand rôle dans l'ancienne prononciation; on le trouve écrit à chaque page du Livre des Rois, de la Chanson de Roland, des Sermons de saint Bernard, etc. « Cument Semeï ki maldist nostre seignur le rei escaperad il de « mort? >> (Rois, p. 193.)

Nous écrivons aujourd'hui entre deux tirets échappera-t-il; il est certain cependant que ce t final appartient au verbe, dont il caractérise la troisième personne.

Il y en a d'aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents. » (Mal. imag. II. 7.)

Le d appartient au verbe : il y en ad, comme dans ce vers du Roland :

« En l'oret punt i ad asez reliques. »

<«< Dans la poignée dorée de Durandal il y a beaucoup de reliques. >>

Il serait done mieux d'imprimer avec dud or..... Il y en ad

aucunes.

Mais comme le sens des traditions se perd souvent, on a cru que ce d était l'initiale du second mot, et on l'a si bien cru, que l'usage s'en est établi, et que l'Académie le ratifie en permettant de commencer une phrase par d'aucuns : d'aucuns ont dit, d'aucuns ont pensé........... d'aucuns croiront que j'en suis amoureux........... On voit ici l'origine de cette méprise. C'est justement comme si l'on disait un jour: Mes souliers sont pétroits, sous prétexte qu'on fait sonner le P dans trop

étroits.

(Voyez sur le D euphonique : Des Variations du langage français, p. 92 et 339).

D'ABORD QUE:

Je n'en ai point douté d'abord que je l'ai vue. (Ec. des fem. V. 9.) DADAIS. Voy. MALITORNE.

DAME! exclamation :

Oh! dame, interrompez-moi donc! ...

(D. Juan. III. 1.)

Dame est la traduction primitive de dominum, par syncope domnum, et, par une prononciation altérée, damne, dame, damp. Ce mot s'appliquait au masculin:

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« Respond Roland : ne place dame Deu...» (Ch. de Roland, passim.) Dam-Martin, damp-Pierre, et autres noms propres, dépo

sent encore du sens et de l'étymologie de dame.

Ainsi, cette exclamation signifie simplement Seigneur!

DANS pour à:

N'allez point pousser les choses dans les dernières violences du pouvoir paternel.

Ne l'examinons point dans la grande rigueur.

DESCENDRE DANS DES HUMILITÉS :

Non, ne descendez point dans ces humilités.

S'INTÉRESSER DANS QUELQUE CHOSE:

Et dans l'événement mon âme s'intéresse.

(L'Av. V. 4.)

(Mis. I. 1.)

(Mélicerte. I. 5.)

(Ec. des fem, III. 4.)

DANS L'ABORD, au commencement, dès l'abord:
Elle m'a dans l'abord servi de bonne sorte.

DANS LA DOUCEUR en douceur :

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(Ibid. III. 4.)

Pour moi, je ne le cèle point, je souhaite fort que les choses aillent dans la douceur.

DANS UNE HUMEUR (ÈTRE):

Vous êtes aujourd'hui dans une humeur désobligeante.

NEUR:

(D. Juan. V. 3.)

(Sicilien. 7.)

ASSASSINER QUELQU'UN dans SON BIEN, SON HON

On m'assassine dans le bien, on m'assassine dans l'honneur.

(L'Av. V. 5.)

COMPRENDRE QUelqu'un dans sES CHAGRINS:
Dans vos brusques chagrins je ne puis vous comprendre.

DATIF, de perte ou de profit:

(Mis. I. 1.)

A qui la bourse? — Ah, dieux, elle m'étoit tombée!

(L'Av. I. 7.)

Exciderat mihi.

(Psyché. I. 1.)

(Ibid. II, 1.)

Rien ne me peut chasser cette image cruelle. Je veux jusqu'au trépas incessamment pleurer Ce que tout l'univers ne peut me réparer. Me chasser, me réparer, pour chasser, réparer à moi, à mon bénéfice, ne sont pas conformes à l'usage et ne paraissent pas désirables, à cause de l'équivoque qui peut en résulter.

Vous ne voulez pas, vous, me la faire sortir? (Fem. sav. II. 6.)

DEUX PRONOMS AU DATIF placés consécutivement: Allons, monsieur, faites le dû de votre charge, et dressez-lui moi son procès comme larron et comme suborneur. (L'Av. V. 4.)

DATIF marquant la cause,

l'occasion:

Un scrupule me gêne

Aux tendres sentiments que vous me faites voir.

(Amph. I. 3.)

Dans les tendres sentiments, à l'occasion des tendres sentiments.

L'emploi du datif ou de l'ablatif, car c'est tout un, pour exprimer ce qu'on rend aujourd'hui avec la préposition dans, est un latinisme qui remonte à l'origine de la langue. Je me contenterai de deux exemples pris chez Montaigne :

« De toutes les absurdités, la plus absurde aux epicuriens est desadvouer « la force et l'effet des sens. >> (Essais. II. ch. 12.)

« C'est à l'adventure quelque sens particulier qui.... advertit les pɔulets de la qualité hostile qui est au chat contre eux.» (Ibid. II. ch. 1.)

Absurdum est epicureis;

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inest feli. Cette tournure, qui

va se perdant chaque jour, était encore en pleine vigueur du temps de Molière. (Voyez au, aux, pour dans).

DATIF REDOUBLÉ, ou non redoublé :

Non redoublé :

Il vient avec mon père achever ma ruine,

Et c'est sa fille unique à qui l'on me destine. (Ec. des fem. V. 6.)

Redoublé :

Que de son cuisinier il s'est fait un mérite,

Et que c'est à sa table à qui l'on rend visite. (Voyez A, datif redoublé surabondamment.)

(Mis. III.)

DAUBER QUELQU'UN, QUELQUE CHOSE, au figuré : Je les dauberai tant en toutes rencontres, qu'à la fin ils se rendront sages, (Crit. de l'Ec. des fem. 6.)

On m'a dit qu'on va le dauber, lui et toutes ses comédies, de la belle manière.

«< Daube au coucher du roi

(Impromptu. 3.)

« Son camarade absent.» (LA FONT. Les Obsèques de la lionne.)

DAUBER SUR QUELQU'UN :

Comme sur les maris accusés de souffrance

Votre langue en tout temps a daubé d'importance.

(Ec. des fem. I. 1.)

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