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CHAPITRE PREMIER.

Remarques fur les Penfées de Voltaire fur l'adminiftration publique.

N

Ous propofons d'abord ces remarques fur les Penfées de Voltaire, parce qu'elles peuvent répandre un grand jour fur ce que nous aurons à dire enfuite. Il les appelle: Penfees fur l'adminiftration Tome II.

Α

i-

publique. Le titre auroit été plus jufte, s'il les eût appellées: Penfées fur toutes fortes de fujets, & principalement con→ tre la Religion.

I.

Les Philofophes n'ayant aucun inté ret particulier, ne peuvent parler qu'en faveur de la raifon de l'intérêt public. Ils aiment la Religion, & ils rendent Service aux Princes, en détruifant la fuperftition, qui est toujours l'ennemie

des Princes.

Pour comprendre les Penfées de M. de Voltaire, il faut favoir ce qu'il enrend par ces mots: Philofophe, Religion, Superftition.

Le Philofophe, felon l'efprit de Voltaire, c'eft celui qui ne reconnoît aucune Loi divine, & qui déchire toutes les Loix humaines.

La Religion, c'eft la liberté de penfer comme on veut, & un mot dont on couvre l'irréligion.

La Superftition, c'est un nom général qu'on donne à tous les cultes, & qu'on n'emploie jamais plus volontiers que quand on veut décrier le feul véritable culte. La fuite de ces remarques prouvera la vérité des définitions que je donne maintenant.

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Voltaire dit que les Philofophes aiment la Religion; & tout de fuite il met au rang des Philofophes les plus fameux impies que l'on connoiffe: il y met Spinofa, Hobbes le Lord Shaftsbury, Tolland, Bayle, Collins, Becker, l'Auteur des Penfées philofophiques, & d'autres dont on verra le caractere & les impiétés dans le Chapitre de la tolérance des Philofophes. Eft-ce au nombre de ces Philofophes là que M. de Voltaire veut être mis lui-même ? Eft-ce comme eux qu'il aime la Religion?

II.

La fuperftition eft le plus horrible ennemi du genre humain.

Tout ce qui n'eft pas Philofophe eft fuperftitieux aux yeux de Voltaire. Tout ce qui n'eft pas felon les dogmes de la Philofophie moderne, eft fuperftition. La Religion est très-oppofée à cette Philofophie. Que conclure de-là ? C'est que c'eft la Religion qui, felon Voltaire, eft le plus horrible ennemi du genre humain.

III.

Quand la fuperftition domine le Prince, elle l'empêche de faire le bien de fon

Peuples quand elle domine le peuple ▲ elle le fouleve contre fon Prince.

Il faut donc que les Anglois, dont Voltaire fait de fi grands éloges, foient bien fuperftitieux, car il n'eft point de Peuple qui fe foit foulevé fi fouvent contre fes Princes.

IV.

C'est la fuperftition qui a fait affafsiner Henri III, Henri IV, Guillaume, Prince d'Orange,& tant d'autres : c'eft elle qui a fait couler des rivieres defang depuis Conftantin.

Il y a eu des crimes affreux & des affaffinats déteftables commis par des Chrétiens; mais ces crimes ont été beaucoup plus rares parmi eux, que parmi les Païens & les Mahométans. De plus de cinquante Empereurs Romains qu'il y a eu avant Conftantin il en eft très-peu qui n'aient été affaffinés. En moins d'un fiecle, après Mahomet, cinq ou fix Califes périrent de la même maniere. La plupart de ces crimes, loin d'être déteftés & punis, furent approuvés & récompenfés; les Chrétiens ont détesté & vengé pref que tous ceux qui ont été commis chez eux. C'est donc un outrage fans fondement que Voltaire fait ici au Chriftianilme.

Obfervez que ce n'eft que chez les Catholiques qu'il va rechercher les exemples des grands crimes. Le Duc de Guife eft affaffiné par Poltrot de Meré; Charles I eft jugé & décapité par les ordres de Cromvvel; Jacques II, Roi d'Angleterre, & Sigifmond, Roi de Suede, font détrônés par des Sujets rebelles. M. de Voltaire ne parle point de ces crimes déteftables; c'est qu'ils ont été commis par des Proteftans, & ce n'eft point fur eux qu'il veut faire tomber l'odieux de la fuperf tition.

C'eft encore par une exagération calamnieufe qu'il reproche aux Chrétiens les rivieres de fang qu'ils ont fait couler depuis Conftantin; il y a eu quelquefois, de la part des Hérétiques, de grandes rebellions. Voltaire trouvet-il mauvais que des Princes légitimes aient pris les armes pour punir des rebelles, venger la Religion, & maintenir leur autorité ? D'ailleurs, l'Univers a-t-il autant fouffert de ces guerres, qu'il fouffrit autrefois de celles dont l'Empire de Rome Païenne fut agité, pendant trois fiecles qu'il dura? Pendant trois cents ans ne vit-on pas, prefque fans interruption, les Légions Romaines acharnées les unes contre les

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