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a donc un autre Peuple en vue, & c'eft le Peuple Chrétien.

Rien de tout ce qui fe dit dans les mêmes vers ne pouvoit conyenir aux Grands - Prêtres des Thébains. L'accufation que leur fait Philodetes d'être fouvent des hommes terribles aux Souverains, étoit fans fondement & fans exemple, Jamais les GrandsPrêtres Païens ne s'étoiem avifés de proferire les P. inces; & leur autorité n'étoit ni affez grande, ni affez refpectée, pour donner des impreffions funeftes. On les laiffoit bien amufer le Peuple; on ne penfoit pas à eux dans le confeil des Rois: ainfi, l'on n'apperçoit dans cette piece ni la raifon, ni la vérité; on n'y retrouve que les noirceurs de la méchanceté.

Les Sophocle, les Corneille & d'autres ont traité ce même fujet, mais ils ont gardé les décences, ils ne se font point écartés du refpect pour la Religion; on ne voit rien dans eux de ces déteftables fentiments. Voltaire ne pense pas comme eux.

Le Poëte n'eft pas plus excufable, loriqu'il fait dire à Jocafte, en parlant du Grand-Prêtre :

Cet

Cet organe des Dieux eft il donc

infaillible?

Un miniftere faint les attache aux
Autels,

Ils approchent des Dieux; mais ils
font des mortels...

Nos Prêtres ne font pas ce qu'un vain
Peuple pense;

Notre crédulité fait toute leur science

Un Comédien difoit un jour, dans une bonne compagnie, qu'il avoit toujours remarqué, lorfqu'on prononçoit ces vers fur la fcene, l'application qu'en faifoient en même temps les fpectateurs. Sans doute que le Poëte l'a également remarqué, & s'en est applaudi.

Lorfqu'on a représenté à Voltaire la noirceur de ces fentiments, il a répondu que ce n'étoit que dans des bouches païennes qu'il les mettoit: il a protefté, à fon ordinaire, de fon profond refpect pour la Religion; il s'eft récrié contre l'injuftice de fes ignorants & aveugles calomniateurs ; mais Bayle va lui montrer l'infuffifance de fes défenfes & de fes raifons. "Il n'y a point de gens, dit cet » Ecrivain, qui puiffent fe donner plus » de carriere, en fait de maximes " impies & libertines, que ceux qui Tome II.

K

Hift.

générale, ch. a.

» compofent des pieces de théatre; » car fi l'on vouloit leur faire un » crime de certaines licences qu'ils » prennent, ils peuvent répondre » qu'ils ne font que prêter à des pro" fanes, ou à des perfonnes dépitées » contre leur fortune les difcours » que le vraisemblable exige. Il est » bien certain qu'il feroit injufte d'im»puter à l'Autcur d'une Tragédie » tous les fentiments qu'il étale; mais ❞ il y a des affectations qui découvrent » ce qu'on doit mettre fur fon compte; » & quelque chofe qu'on allegue en "faveur des Poëtes, on peut jufte »ment interdire le théatre à certaines " pieces, foit que l'Auteur y débite, » foit qu'il n'y débite pas fes fenti

»ments, "

Si l'on fe conformoit à ces réflexions fi vraies & fi judicieufes de Bayle, à combien de pieces de Voltaire le théatre ne feroit-il pas interdit?

C'eft avec le même efprit de malignité, qu'en parlant de la Religion de la Chine, il attribue aux Bonzes toutes les fuperftitions de la populace Chinoife. Pourquoi, demande Confucius, y a-t-il plus de crimes chez la populace ignorante, que chez les Lettres? C'est que le Peuple eft gouverné par les Bonzes

le

Ce que dit en cet endroit Voltaire n'eft qu'une allégorie. La populace criminelle, c'eft le Peuple Chrétien ; les Lettres, ce font nos Philofophes; gouvernement des Bonzes, c'eft l'autorité eccléfiaftique: mais c'eft dommage que ce beau trait ne préfente que l'orgueil, l'erreur & la calomnie. L'orgueil; nos Philofophes fe dongent pour des exemples au genre humain. Quels modeles de vertus ! L'erreur; dans l'énorme & informe compilation de l'hiftoire de la Chine, on trouve tout ce qui refte de Confucius, & l'on n'y trouve rien de ce que dit ici Voltaire. La calomnie; elle eft dans l'application naturelle qui fe préfente à l'efprit du Lecteur. Qu'on juge de la vérité & de la certitude des chofes que Voltaire débite contre le Clergé.

CHAPITRE XX V.

De la Nation Françoife.

E Chapitre paroît ne point appartenir à l'objet principal que nous nous fommes propofes; mais l'amour de la Patrie eft fi naturel & fi doux que j'ai cru devoir dire quelque chofe en faveur de ma Nation, fi fouvent maltraitée. M. de Voltaire prétend que Melang. l'amour de la Patrie n'eft qu'un coinch. 2 pofé d'amour propre & de préjugés. Le refte des hommes penfe différemment ; c'est pour cela que nous répondons, en peu de mots, à tout ce qu'il dit contre fa Nation & contre fa Patrie.

On peut dire, fans crainte, que M. de Voltaire, né François & Catholique, n'aime pas plus fa Nation que fa Religion; il n'épargne pas plus l'une que l'autre, Les paralleles qu'il fait des Anglois & des François font toujours dans le même goût que ceux qu'il fait de la Religion. Catholique avec les autres Religions. Il loue quelquefois en général les François dans les détails il les ra

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