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ples des modeles accomplis en toute forte de vertus. Il avoue bien qu'Epicure étoit dans l'erreur; mais il le plaint, il l'excufe, & fait voir qu'après tout, fon ignorance étoit prefque invincible.,, Plaignez-moi, lui fait-il dire, d'avoir combattu une vérité ,, que Dieu a révélé cinq cents ans ,, après ma naiffance. J'ai pensé comme tous les premiers Légiflateurs Païens du monde, qui tous ignoroient cette », vérité.

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Il est bien étonnant que M. de Voltaire, qui fait fi bien l'Hiftoire, l'Ecriture, la Chronologie, la Philofophie faffe parler ainfi ce Héros des Matérialistes: il y a prefque autant d'erreurs que de mots dans ce qu'il lui fait dire;

car

19. Epicure ne vivoit que trois cents ans avant Jefus-Chrift, & non pas cinq cents, comme le dit Voltaire.

2o. Parmi les Légiflateurs Païens, comme les Licurgue, les Solon & ceux qui ont policé l'Egypte, Rome & l'Italie, on n'en trouve aucun qui ait établi pour principe le Matérialifme; & de tous les Philofophes, il n'y a guere eu que ceux qui étoient de la bande d'Epicure, qui aient nié l'immortalité de l'ame,

3°. M. de Voltaire fe contredit encore ici lui-même, comme dans bien d'autres endroits. Il donne à entendre, par les paroles qu'il met dans la bouche d'Epicure, que ce dogme de l'immortalité de l'ame avoit été ignoré de tous les premiers Légiflateurs; & dans le Chapitre quatrieme de l'Hiftoire Générale, il dit que ce dogme eft de la plus haute antiquité; il affirme que les anciens Orientaux ne l'ignoroient point. Un fecond Zoroastre, dit-il, fous Darius, fils d'Hiftafpes, n'avoit fait que perfectionner l'ancienne Religion des Perfans. C'eft dans ces dogmes qu'on trouve les premieres notions de l'immortalité de l'ame & d'une autre vie, heureuse ou malheureufe. C'est là qu'on voit expreffement un Enfer. Zoroaftre, dans fes écrits confervés par Sadder, feint que Dieu lui fit voir cet Enfer, & les peines réservées aux méchants.... Ce trait fait voir l'efpece de Philofophie qui regnoit dans ces temps recules, Philofophie toujours allégori que quelquefois très-profonde. ఈ

Les Matérialistes peuvent donc fe plaindre à M. de Voltaire qu'il les & qu'il eft un mauvais

trompe,

défenfeur de leur cause.

4°. Faire dire à Epicure que le

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ce

dogme de l'immortalité de l'ame n'a été révélé que cinq cents ans après fa naiffance, ce n'eft pas défendre heureufement fa caufe, c'eft montrer une grande ignorance ou une impudence impardonnable. Lorsque Philofophe débitoit toutes ces extravagances, pour lefquelles certaines perfonnes n'ont que trop de goût aujourd'hui, il y avoit déjà plus de douze ou quinze fiecles que ce dogme important avoit été le plus clairement révélé il y avoit plus de dix à douze fiecles que Job en avoit parlé de la maniere la plus frappante. Les Pleaumes de David & les Livres fapientiaux du Roi Salomon, dans lefquels ce même dogme eft fi fouvent & fi clairement annoncé, exiftoient déjà depuis plus de neuf cents ans. Les Prophetes, qui ont tous vécu plufieurs fiecles avant Epicure, avoient pareillement annoncé cette vérité.

Quelle intention avoit donc Voltaire en infinuant qu'il n'eft point parlé dans l'Ancien Teftament de l'immortalité de l'ame? C'étoit apparemment une petite confolation qu'il vouloit donner aux Matérialistes. Qu'on juge fi cette confolation eft bien fondée. Les Philofophes anti-Chrétiens

font bien sujets à errer, & ceux qui les écoutent, à s'égarer.

Avant de finir ce Chapitre nous ferons une petite remarque fur les por traits que M. de Voltaire nous fait des Epicuriens ou Matérialistes.

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Un véritable Epicurien, dit-il, étoit un homme doux, modéré, jufte, aimable, & ne payoit ,, pas des bourreaux pour affaffiner en public ceux qui ne penfoient pas », comme lui.

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Je crois que les Epicuriens, les Déiftes, les libertins ou Philofophes trouveront que le portrait qu'on fait d'eux eft trop flatté. Ils fe connoiffent trop bien les uns les autres pour le croire fidele. On en a vu dans ce fiecle déchirer avec rage & avec fureur leurs rivaux en littérature. Voilà la preuve de leur caractere doux & aimable. Ils ne ceffent de déclamer avec emportement, & de répandre les fatyres les plus cruelles contre les Puiffances qui emploient la force des loix, & qui ofent févir contre les impies, & leur ôter la liberté de répandre leurs impiétés. Voilà leur douceur & leur modération.

CHAPITRE X.

De la Morale des Philofophes.

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N entend par le mot de Morale ces principes qu'une raifon pure préfente à l'homme pour lui faire connoître fes devoirs, & fervir de regle à fa conduite. Les Philofophes Païens nous ont laiffé des ouvrages admirables fur cette matiere. On trouve, fur-tout dans les trois livres des Offices de Ciceron, une fagesse, une équité, une décence qui peuvent inftruire des Chrétiens, & qui doivent faire rougir nos Philofophes modernes. Eclairés des feules lumieres de la raifon, ces Païens ont plus refpecté ce que la raifon nous préfente, que ne le font des hommes élevés dans une Religion divine. Ils n'ont jamais préfenté un Code de Lubricité pour regle de moeurs; ils n'ont point donné les plaifirs pour l'unique reffort du cœur vertueux; ils n'ont point déshonoré à ce point la vertu, l'honnêteté, l'humanité cela étoit toujours réservé aux Philofophes de nos jours. Voltaire a

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