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L'emploi des stimulans et des irritans a été regardé comme un moyen certain de distinguer la mort réelle. de la mort apparente: aussi a-t-on proposé tour à tour de titiller la luette, d'appliquer des sternutatoires sur la membrane pituitaire, de placer sous les narines des liquides volatils et irritans, comme l'ammoniaque, l'acide acétique, etc., d'introduire dans les intestins des lavemens de tabac, de sel commun, etc., de faire usage des vésicatoires, d'avoir recours à l'urtication, à la piqûre avec des aiguilles, à la cautérisation avec le feu, l'huile, la cire d'Espagne, etc. L'inefficacité de plusieurs de ces moyens est tellement évidente, qu'il est inutile de nous en occuper : quant aux caustiques, il suffira de dire que des personnes qui étaient dans un état de mort apparente ont été profondément brûlées sans donner le moindre signe de vie. Un apoplectique, âgé d'environ trente-six ans, dit M. Fodéré, fut apporté à l'hôpital des Martigues en 1809: « L'épouse du malade, trouvant les moyens dont j'avais fait usage trop lents, appliqua pendant la nuit sur l'épaule paralysée une rouelle brûlante de gaïac, puis l'abandonna à son sort. L'odeur du linge brûlé ayant attiré les servans près du lit du malade, au bout de quelques heures, ils trouvèrent une partie de la chemise et des draps de lit consumée, son bras et son épaule à demi brûlés, sans qu'il eût été détourné de son sommeil, et même sans qu'il éprouvât la moindre douleur lorsqu'on le réveilla. Il fut pansé de cette brûlure pendant trois mois, et n'en resta pas moins hémiplégique. » (Tome II, page 366.) Que penser maintenant de l'application des vésicatoires, des ventouses scarifiées, de l'urtication,

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du moxa, et de la piqûre par l'aiguille: sans doute il y aura des cas où l'individu pourra être réveillé par l'action de l'un ou de l'autre de ces irritans, mais dans combien de circonstances ces moyens ne seront-ils pas sans effet! Nous en dirons autant des incisions legères que l'on a conseillé de pratiquer : quant aux incisions profondes, elles pourront ne pas être plus efficaces, et leur danger est trop grand pour qu'on doive y avoir recours. Foubert trouvera-t-il des imitateurs, lorsqu'il propose de mettre le cœur à nu par une incision, afin de déterminer s'il exécute encore quelques mouvemens? Nous ne le croyons pas.

De l'électricité voltaïque. Si après avoir disséqué une portion d'un muscle locomoteur superficiel, on le soumet à l'action de la pile électrique, et qu'il ne se contracte point, on peut assurer que l'individu est mort; car, ainsi que nous l'avons déjà dit, les muscles ne cessent de se contracter sous l'influence de la pile que lorsque la rigidité cadavérique s'est manifestée. Si, au contraire, on obtient des contractions, il n'est pas certain que la vie soit éteinte, et l'on doit chercher à ranimer les mouvemens des poumons et du cœur, par tous les moyens qui sont au pouvoir de l'art; cependant on aurait tort d'assurer que l'individu est vivant, les muscles des cadavres jouissant de la propriété de se contracter sous l'influence de la pile, depuis le moment de la mort jusqu'à celui où ils sont devenus raides.

Nous croyons pouvoir conclure de ce qui précède, 1° que de toutes les épreuves proposées pour distinguer si la mort est réelle ou apparente, celle qui con

siste à soumeltre un muscle à l'action de la pile est, dans certains cas, la plus valable; 2° que parmi les autres, il en est que l'on ne doit jamais employer; 3° qu'il n'y a aucun inconvénient à mettre en usage celles qui ne présentent aucun danger; 4° que dans les cas douteux, il faut différer l'inhumation.

ARTICLE II..

Des altérations des tissus et des fluides qui sont le résultat de la mort, et qui pourraient être attribuées à des violences exercées sur les individus vivans, ou à des maladies antécédentes.

Les altérations dont nous devons nous occuper dans cet article sont les lividités cadavériques, les vergetures, les ecchymoses, le développement de certains gaz, la coloration de plusieurs viscères et des vaisseaux sanguins, les congestions de sang et les épanchemens de fluides séreux.

Lividités cadavériques de la peau. On désigne ainsi des taches superficielles lenticulaires, ponctuées, ou des plaques irrégulières plus ou moins larges, d'une forme et d'une étendue variables, de couleur noirâtre, brune, rougeâtre ou violacée, qui ont leur siége dans le tissu de la peau, et qui sont le résultat de la congestion du sang dans les réseaux capillaires, comme on peut s'en convaincre en coupant à l'endroit de ces lividités une lame mince de la peau; on verra que couleur livide ne s'étend pas aux parties sous-ja

centes.

la

On n'observe le plus souvent les lividités cadavéri

ques qu'au dos, aux fesses et aux parties sur lesquelles le corps était couché au moment où il s'est refroidi phénomène qu'il sera facile de concevoir dès que l'on admettra que le sang est entraîné par sa pesanteur dans les parties les plus déclives, et que l'influence de cette pesanteur ne se fait sentir que tant que la chaleur subsiste et que le sang reste fluide: c'est donc parce que la plupart des cadavres se refroidissent en conservant la position horizontale dans laquelle se trouvaient les individus au moment de la mort, que les taches se manifestent plutôt au dos et aux fesses qu'ailleurs. En effet, si au moment de la mort on retournait ces cadavres, de manière à ce qu'ils fussent couchés sur le ventre pendant leur refroidissement, les lividités occuperaient alors cette partie du corps; d'où il suit que l'on peut juger, d'après la situation de ces taches, la position du corps au moment de la mort, à moins qu'on n'ait la certitude que le cadavre a été retourné peu de temps après qu'elle a eu lieu. Quelquefois les lividités cadavériques s'étendent plus particulièrement à la tête, au côu et aux parties génitales; dans d'autres circonstances la peau est livide dans toute son étendue.

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Les lividités cadavériques paraissent le plus ordinairement lorsque le cadavre commence à se refroidir; il est des cas cependant où les ongles, les mains, les pieds, le nez, les lèvres et les lobes des oreilles offrent une teinte violacée pendant l'agonie de diverses maladies; dans certaines circonstances au contraire la peau ne devient livide que plusieurs jours après la mort, cé qui paraît tenir à la stagnation du sang dans l'oreillette droite du

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cœur et dans le tronc des veines caves: la couleur livide ou noirâtre qui se manifeste alors dans quelques parties de la peau, est accompagnée de phénomènes trop importans pour ne pas devoir fixer un instant notre attention. Supposons que le sang ait perdu sa consistance, et qu'il soit accumulé dans l'oreillette droite du cœur et dans le tronc des veines caves; admettons en même temps que l'estomac soit distendu par des gaz, comme on l'observe particulièrement pendant l'été dans les cadavres des noyés, de ceux qui meurent peu de temps après avoir mangé, etc., le diaphragme sera refoulé dans la poitrine, et le sang dont nous avons parlé sera dirigé vers les parties supérieures et inférieures; de la une série de phénomènes qui ont été parfaitement décrits par M. Chaussier: les veines de la tête et du cou se rempliront, la face se colorera et finira par prendre une teinte foncée, les yeux, déjà obscurcis et affaissés, se rempliront et sembleront s'animer; la pupille se resserrera; il pourra s'écouler

par les narines du sang clair et brunâtre provenant de la rupture de quelques vaisseaux de la membrane pituitaire, ou du mucus visqueux et écumeux, poussé depuis les poumons jusqu'au dehors; le sang pourra également refluer des veines de l'abdomen vers les organes génitaux; le scrotum et le pénis deviendront noirs au point de faire croire qu'il y a eu violence pendant la vie. Pour qu'il ne restât aucun doute sur la valeur de cette explication, M. Chaussier tenta des expériences qui doivent paraître concluantes: il introduisit dans l'estomac ou dans l'intestin des cadavres, un mélange fait avec de la farine et de la levure de bière délayées

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