Images de page
PDF
ePub

veut les conduire.

Faites semblant de consentir à ce

qu'il veut, vous en 1 viendrez mieux à vos fins, et...

ÉLISE.

Mais ce mariage, Valère?

VALÈRE.

On cherchera des biais pour le rompre.2

ÉLISE.

Mais quelle invention trouver, s'il se doit conclure ce soir?

VALÈRE.

Il faut demander un délai, et feindre quelque maladie.

ÉLISE.

Mais on découvrira la feinte, si l'on appelle des médecins.

VALÈRE.

Vous moquez-vous? Y connaissent-ils quelque chose? Allez, allez, vous pourrez avec eux avoir quel mal il vous plaira, ils vous trouveront des raisons pour vous dire d'où cela vient.

5

HARPAGON.

Ce n'est rien, Dieu merci.

VALÈRE.

. Enfin notre dernier recours, c'est que la fuite nous peu mettre à couvert de tout; et si votre amour, belle Élise est capable d'une fermeté... (Il aperçoit Harpagon.

Oui, il faut qu'une fille obéisse à son père. Il ne faut point qu'elle regarde comme un mari est fait;' et lorsque la grande raison de sans dot s'y rencontre, elle doit être prête à prendre tout ce qu'on lui donne.

[blocks in formation]

Monsieur, je vous demande pardon si je m'emporte un peu, et prends la hardiesse de lui parler comme je fais.

HARPAGON.

Comment? j'en suis ravi, et je veux que tu prennes sur elle un pouvoir absolu. Oui, tu as beau fuir.' Je 10 lui donne l'autorité que le Ciel me donne sur toi, et j'entends que tu fasses tout ce qu'il te dira.

VALÈRE.

Après cela, résistez à mes remontrances. Monsieur, je vais la suivre, pour lui continuer les leçons que je lui faisais.

[blocks in formation]

Il est bon de lui tenir un peu la bride haute.

HARPAGON..

Cela est vrai. Il faut ...

VALÈRE.

Ne vous mettez pas en peine. Je crois que j'en viendrai à bout.

Fais, fais.

HARPAGON.

Je m'en vais faire un petit tour en ville, et

reviens tout à l'heure.1

VALÈRE.

Oui, l'argent est plus précieux que toutes les choses du monde, et vous devez rendre grâces au Ciel de l'honnête homme de père2 qu'il vous a donné. Il sait ce que c'est que de vivre. Lorsqu'on s'offre de prendre une fille sans dot, on ne doit point regarder plus avant. Tout est renfermé là dedans, et sans dot tient lieu de beauté, de 1 jeunesse, de naissance, d'honneur, de sagesse et de probité.

HARPAGON.

Ah! le brave garçon! Voilà parlé comme un oracle. Heureux qui peut avoir un domestique de la sorte!

ACTE II

SCÈNE PREMIÈRE

CLEANTE, LA FLÈCHE

CLEANTE.

Ah! traître que tu es, où t'es-tu donc allé fourrer?1 Ne t'avais-je pas donné ordre...

LA FLÈCHE.

Oui, Monsieur, et je m'étais rendu ici pour vous attendre de pied ferme; mais Monsieur votre père, le plus 5 malgracieux des hommes, m'a chassé dehors malgré moi,2 et j'ai couru risque d'être battu.

CLÉANTE.

Comment va notre affaire? Les choses pressent plus que jamais; et depuis que je ne t'ai vu, j'ai découvert que mon père est mon rival.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Oui; et j'ai eu toutes les peines du monde à lui cacher

le trouble où cette nouvelle m'a mis.

38

LA FLÈCHE.

Lui se mêler d'aimer! moque-t-il du monde?

gens bâtis comme lui?1

De quoi diable s'avise-t-il? Se Et l'amour a-t-il été fait pour des

CLEANTE.

Il a fallu, pour mes péchés, que cette passion lui soit venue en tête.

LA FLÈCHE.

Mais par quelle raison lui faire un mystère de votre amour?

CLÉANTE.

Pour lui donner moins de soupçon, et me conserver au besoin des ouvertures plus aisées pour détourner ce mariage. Quelle réponse t'a-t-on faite?

LA FLÈCHE.

Ma foi! Monsieur, ceux qui empruntent sont bien malheureux; et il faut essuyer d'étranges choses, lorsqu'on en est réduit à passer, comme vous, par les mains des fesse-mathieux.2

CLÉANTE.

L'affaire ne se fera point?"

LA FLÈCHE.

Pardonnez-moi.1 Notre maître Simon, le courtier qu'on nous a donné,5 homme agissant et plein de zèle, dit qu'il a fait rage pour vous; et il assure que votre seule physionomie lui a gagné le cœur.

I

« PrécédentContinuer »