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ou avec tous, des relations basées sur une impartialité complète et bienveillante 1.

Il y a différentes espèces de neutralités : la neutralité naturelle ou conventionnelle; la neutralité pacifique et armée; la neutralité temporaire et perpétuelle.

On entend par neutralité naturelle, celle que toute Puissance qui n'a pas pris d'engagements contraires, est libre de garder en vertu de son droit d'indépendance.

La neutralité conventionnelle résulte des traités.

La neutralité est pacifique lorsqu'on se borne à la déclarer sans prendre des mesures, à l'effet de la faire respecter; elle est armée, lorsque la Puissance neutre se prépare à la maintenir au besoin par la force.

Enfin, la neutralité est temporaire ou perpétuelle suivant qu'elle est adoptée en vue d'une guerre déterminée, ou qu'elle est la condition d'existence d'un Etat. En général, lorsque le droit des gens s'occupe de neutralité, il la considère comme un état temporaire, naissant d'une situation particulière et finissant avec elle.

Les auteurs mentionnent encore la neutralité pleine et entière ou générale qui s'applique à toutes les parties belligérantes, à toute espèce d'actes favorables à l'une d'elles, et s'étend à tout le territoire de la puissance neutre; et la neutralité limitée ou partielle, en vertu de laquelle la Puissance qui veut rester neutre se réserve le droit de rendre à l'un des belligérants, sans s'associer aux hostilités, des services convenus par un traité antérieur à la guerre, ou laisse aux belligérants l'usage d'une portion de son territoire.

Ces restrictions apportées au principe de la neutralité ôtent toute garantie aux droits des neutres, l'un des belligérants y voit presque toujours des avantages déguisés pour son adversaire.

Quoiqu'il en soit, la question n'a pas d'importance pour nous : la Belgique est une Puissance perpétuellement et absolument neutre, la neutralité permanente lui ayant été imposée comme condition de son existence.

Les auteurs de droit public définissent la neutralité : l'état d'une Puissance qui, pendant une guerre entre plusieurs nations, s'abstient de tout concours aux hostilités et continue à entretenir des relations amicales avec les parties belligérantes.

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Cette définition est incomplète elle ne s'applique pas à la neutralité perpétuelle.

Le traité du 19 avril 1839 stipule, art. 7:

La Belgique formera un état indépendant et perpétuellement neutre. Elle » sera tenue d'observer cette neutralité envers tous les autres États. »

Cette stipulation est tout ce que contient le droit public positif concernant notre neutralité.

La neutralité imposée à un État n'est pas un fait nouveau qui ait pris place dans l'histoire politique de l'Europe; ce qui est sans précédent, c'est la neutralité imposée comme condition d'existence 1.

On se demande naturellement si cette condition ne prive pas la nation Belge de droits qu'elle avait conquis avec son indépendance; si elle ne froisse aucun des intérêts légitimes du pays s?

On peut répondre négativement à cette double question.

La Belgique étant une nation nouvelle, elle était libre d'engagements; étant une Puissance de second ordre, elle ne pouvait prétendre à exercer aucune influence sur la politique générale. La neutralité n'avait par conséquent rien d'injuste, elle n'avait rien d'humiliant pour elle.

Nous allons plus loin, et nous affirmons que cette situation, est essentiellement avantageuse à la Belgique. Par suite de la position géographique de notre pays, les relations maritines lui sont ouvertes, les fleuves et les routes lui assurent le marché de l'Europe centrale et de la Méditerranée; sous la protection de la neutralité, l'industrie et le commerce belges peuvent prendre un libre essor. Aucun pays en Europe, sans excepter peut-être l'Angleterre, ne présente les mêmes avantages de position et les mêmes facilités de

Les traités de Vienne ont imposé la neutralité à la Suisse, aux provinces de Chablais, de Faucigny et à tout le territoire au nord d'Ugine, appartenant à S. M. le Roi de Sardaigne et au territoire de la république de Cracovie.

La neutralté de la Suisse rend, au midi, à la France et à l'Allemagne le service que leur rend au nord la neutralité de la Belgique, elle couvre leurs frontières; la neutralité de certaines provinces piémontaises a pour effet de compléter le système de défense des États Sardes. La possession de la république de Cracovie, eût rendu trop avantageux le lot de celle des Puissances co-partageantes de la Pologne qui l'eut obtenue.

La Suisse a existé bien longtemps avant d'être puissance neutre, il en est de même des parties du Piémont qui ont été neutralisées dans leur intérêt et sur leur demande; la république de Cracovie n'a pas, en réalité, d'indépendance, elle est soumise au protectorat des trois Puissances qui se sont partagé la Pologne.

production; les capitaux ne font jamais défaut chez nous, la main d'œuvre est à meilleur marché que partout ailleurs, notre sol fournit abondamment les matières premières. Enfin, grâce à la législation libérale de la Grande Bretagne, les machines anglaises sont à notre disposition.

Au point de vue des intérêts politiques aussi bien que sous le rapport matériel, la Belgique pouvait donc accepter la neutralité.

Les obligations que la neutralité impose à la Belgique peuvent se formuler comme suit: abstention de toute participation directe ou indirecte à un acte hostile à une Puissance quelconque, hors le cas de légitime défense.

Toute espèce d'alliance politique n'est pas interdite à la Belgique; elle ne peut sans doute contracter d'alliance offensive, mais elle est libre de contracter des alliances en vue, par exemple, de maintenir sa neutralité. Quant aux traités de commerce et de navigation, à tous les actes qui ont pour but de régler des intérêts matériels, la Belgique rentre dans le droit commun.

En cas de guerre, la neutralité commande non-seulement une abstention complète de toute participation aux hostilités; elle fait encore un devoir au neutre d'empêcher et, au besoin, de réprimer les actes hostiles que les belligérants tenteraient de poser sur son territoire 1.

Les prises qui seraient faites sur territoire neutre sont nulles; la Puissance neutre doit en réclamer et en exiger l'abandon, car elle est responsable des dommages qui résulteraient d'une attaque qu'elle devait empêcher.

La Belgique pourrait-elle permettre à des corps d'armée étrangers, à des convois de matériel de guerre, de traverser son territoire? En temps de paix, nous croyons que l'affirmative n'est pas douteuse;

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Les limites du territoire continental d'un Etat sont fixées par des traités ; les limites du territoire maritine sont placées, par la plupart des auteurs, à uue portée de canon de la côte.

La Belgique a admis cette opinion dans le traité qu'elle a conclu, le 14 octobre 1839, avec la régence de Tunis.

Art. 7. « Si quelque vaisseau belge se trouve dans quelque port des États de la Régence, ou à la portée du canon de ses Forts, il sera protégé autant que possible; et aucun vaisseau quelconque, appartenant à des puissances, soit maures, soit chrétiennes, avec lesquelles la Belgique pourrait être en guerre, n'obtiendra la permission de le suivre ou de l'attaquer.

Il en sera de même en Belgique pour les navires tunisiens.

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En temps c'est là un bon office que le gouvernement peut prêter. de guerre, l'autorisation devrait toujours être refusée. Vainement dira-t-on que l'on accordera les mêmes facilités aux deux belligérants: la même faculté peut n'avoir pas la même importance pour les deux parties. L'abstention complète est le seul parti sûr.

Les citoyens belges ont des devoirs analogues à ceux qui sont imposés au gouvernement; toute participation aux hostilités leur est interdite; ainsi il ne leur serait pas permis de prendre du service dans une des armées belligérantes ; si un armateur belge achetait un navire condamné à l'étranger comme capture maritime, nul doute que le gouvernement refusât de nationaliser ce navire 2.

1

Une maison belge ne pourrait souscrire un emprunt destiné à couvrir les frais de la guerre 3; elle ne pourrait s'engager à fournir des armes à une partie belligérante. Ces obligations entravent sans doute la liberté, mais la liberté individuelle cède le pas à l'intérêt public.

Si le gouvernement et les citoyens belges observent cette complète abstention, la Belgique a le droit de continuer à entretenir des relations amicales avec les belligérants; son commerce reste libre tant avec les belligérants qu'avec les neutres; les belges et leurs propriétés sont respectés à l'étranger; ses navires de commerce peuvent continuer leurs courses 4.

Quant aux immeubles que l'État neutre ou ses citoyens possèdent sur le territoire des belligérants, ils sont soumis à la loi commune et supportent leur part des charges de guerre qui pèsent sur tout le territoire de l'État belligérant.

A plus forte raison, le gouvernement ne pourrait autoriser des Belges à prendre du service en Turquie ou en Russie par exemple. Nous ne croyons même pas qu'un belge qui, pendant la paix, aurait été autorisé à entrer au service d'une Puissance pourrait y rester, si la guerre survenait ensuite.

2 Un navire russe, par exemple, pris par les croiseurs anglais et qui serait vendu comme prise maritime à Londres, n'obtiendrait pas de lettres de mer belges.

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3 L'avis officiel suivant, a été adressé aux sujets de S. M. Britannique à l'occasion de la guerre d'Orient. « Tout sujet britannique qui souscrira à un emprunt destiné à une puissance en guerre avec la Grande-Bretagne, sera coupable de haute trahison, comme prêtant secours aux ennemis de la Reine. » 4 Il est un cas où les navires de commerce neutres sont frappés d'embargo par les belligérants et employés à la guerre moyennant indemnité. C'est lorsque ces navires sont nécessaires comme moyen de guerre le salut de la patrie est alors la seule loi.

Le droit des gens pose deux restrictions au commerce des neutres : les neutres ne peuvent faire le commerce d'objets qualifiés contrebande de guerre, ni aborder les ports ou les côtes bloqués.

On entend par contrebande de guerre, toutes les munitions de guerre et tous les objets d'armement.

Comme conséquence de l'autorisation accordée aux neutres seuls, de continuer leur commerce et de la défense qui leur est faite de transporter des objets qualifiés contrebande de guerre, nait pour les belligérants le droit de visiter des navires portant pavillon neutre, afin de s'assurer de leur nationalité et de la nature de leur cargaison.

Le droit de visite n'appartient qu'aux navires de guerre ou aux croiseurs des belligérants munis de lettres de marques régulières. La visite ne peut avoir lieu qu'en pleine mer ou sur le territoire maritime des belligérants, jamais sur territoire neutre. Lorsqu'il résulte de cette visite que le bâtiment visité à violé les règles de la neutralité, le visiteur le conduit dans un port où il est prononcé sur la saisie, par un tribunal nommé Cour des prises: ce port peut être dans la juridiction de l'État auquel appartient le navire capteur ou dans la juridiction d'un État allié; un État neutre ne doit pas permettre que des causes de cette nature soient vidées sur son territoire.

Quels sont les objets réputés contrebande de guerre? Généralement on regarde comme contrebande de guerre, non-seulement les armes et munitions de guerre proprement dites, mais encore les articles qui, par suite des circonstances de la guerre, peuvent servir à l'ennemi, par exemple, les chevaux, les objets qui servent à l'armement des vaisseaux, les vivres destinés à une place assiégée.

Lorsqu'un croiseur trouve de la contrebande à bord d'un navire, les uns veulent qu'il saisisse seulemeut les objets de contrebande, les autres qu'il s'empare, en outre, du navire et du reste de la cargaison.

L'une des parties belligérantes peut bloquer des ports isolés et même des côtes entières du territoire de l'État avec lequel elle est en guerre. C'est là un droit légitime.

Il est admis à peu près universellement, que le blocus pour être valable, doit-être, 1o connu du bâtiment qui chercherait à aborder ; 2o effectif, c'est-à-dire qu'il y ait danger manifeste à pénétrer dans le port bloqué.

Pour que la saisie soit juste, il faut que l'intention de rompre le blocus soit évidente. Les avis different sur la manière d'établir

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