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VIII. Il y a deux classes de chargés d'affaires :

1o Ceux qui ont été accrédités par lettres du ministre des affaires étrangères près un autre ministre des affaires étrangères;

2o Ceux qui ne remplissent qu'un service intérimaire pendant l'absence de leur chef de mission et dont une lettre directe de leur gouvernement n'est pas venue confirmer les pouvoirs accidentels.

Nul doute que la préséance ne soit acquise aux chargés d'affaires de la première classe, puisqu'ils ont sur leurs collègues l'avantage d'être revêtus, par lettres directes de leur gouvernement, du caractère qu'ils déploient. Quelque légère qu'elle soit, la nuance est réelle et la distinction qui en résulte est généralement admise.

Du reste, le règlement du congrès de Vienne résoudrait la question dans ce sens. En effet, en admettant les chargés d'affaires comme formant la troisième classe des employés diplomatiques, le règlement les définit : des agents accrédités auprès des ministres chargés des affaires étrangères. Or si, d'une part, les ministres diplomatiques des deux premières classes ne peuvent être accrépoudités auprès du souverain que par lettres directes du chef du voir exécutif de leur nation; si, d'une autre part, ils prennent rang entre eux dans l'ordre de la remise de leurs lettres de créance; de même, par analogie, les chargés d'affaires ne peuvent être accrédités à leur tour auprès du ministre des affaires étrangères que par lettre directe du ministre des affaires étrangères de leur pays, le rang entre eux est fixé par la remise de la lettre officielle et régulière qui les légitime.

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Ceux qui ne sont pas accrédités n'ont que des pouvoirs temporaires et accidentels, dont la courtoisie et l'usage des États où ils résident leur garantissent seuls le libre exercice. D'ailleurs, si un gouvernement laisse son agent dans la classe la moins favorisée, c'est qu'il le juge convenable, puisqu'au moyen d'une simple lettre, il lui serait facile de faire disparaître la cause qui l'y fait maintenir.

Tous les gouvernements ou plutôt tous les agents n'admettent pas cette règle. Une difficulté s'est présentée à Bruxelles, M. Casimir Perier étant chargé d'affaires ad interim de France et M. le Comte de Dietrichstein chargé d'affaires d'Autriche : le premier se fondant sur son ancienneté, ne voulut pas céder le pas au diplomate autrichien pour éviter toute difficulté, ces Messieurs passèrent en se donnant le bras.

IX. Il est encore une autre classe d'agents qui, sous un certain rap

port, appartiennent au corps diplomatique, ce sont les consuls généraux-chargés d'affaires.

Ces agents sont accrédités en Amérique de la même manière que les chargés d'affaires le sont en Europe. Ils sont dans la même catégorie, jouissent du même caractère diplomatique, signent les conventions et correspondent pour tout ce qui concerne la politique, avec la direction politique du département des affaires étrangères. Quoiqu'en général ils soient recrutés dans le corps consulaire, on les choisit quelquefois parmi les secrétaires de légation.

Ces agents occupent, en réalité, une position intermédiaire entre le corps diplomatique et le corps consulaire. Un consul général chargé d'affaires est le dernier parmi les chargés d'affaires, et il a le pas sur les consuls généraux.

X. Les personnes chargées de missions spéciales ou de courtoisie n'ont pas de rang diplomatique. Dans les règles établies, comme dans le droit reconnu, tous les agents accrédités passent avant eux; cependant, les membres du corps diplomatique sont dans l'usage de traiter avec égard les envoyés de cette catégorie, dont le séjour n'est que momentané, et de leur céder le pas par pure politesse et comme faveur. Ainsi ces envoyés ne prennent pas de préséance; ils la reçoivent.

SECTION III.

PRINCIPAUX DEVOIRS DES AGENTS DIPLOMATIQUES.

1. Les agents diplomatiques représentent au dehors le gouvernement qui les accrédite. Ils observent en secret et surveillent assidumeut le gouvernement près duquel ils résident; les observations qu'ils font, les renseignements qu'ils recueillent, sont par eux transmis avec exactitude à leur gouvernement qui voit, par les yeux de ses agents, tout ce qui sert aux intérêts nationaux et tout ce qui peut leur nuire.

Lorsqu'il le juge convenable, l'agent politique manifeste sa surveillance et donne à connaître aux membres du gouvernement qui en est l'objet, que telle mesure, que telle tentative qu'ils méditent, n'ont pas échappé à sa sagacité.

L'agent diplomatique entretient constamment des rapports avec le gouvernement près duquel il réside, pour les affaires ordinaires. S'il surgit une question importante, à moins qu'il n'ait des instructions précises et spéciales, il se contente de notifier à ce gouvernement qu'il se dispose à la discussion et qu'il va prendre les ordres de son gouvernement; dès qu'il a reçu ces ordres, il débat, il discute, il transige, enfin il négocie.

Telle est l'échelle de diverses fonctions que les agents politiques ont à remplir au dehors.

II. La première classe des devoirs qui leur sont imposés est donc toute renfermée dans l'exercice de leur vigilance : cette vigilance suppose qu'ils ont acquis la connaissance exacte des intérêts et des droits nationaux dans le pays de leur résidence; ce qui comprend nécessairement toute l'étendue de nos rapports commerciaux et toute celle de nos rapports politiques. Ce ne peut être que dans la pratique d'une agence bien exercée, que cette connaissance se complète; les intrigues, les ambitions personnelles et le caractère individuel des gouvernants, sont une partie essentielle de la science politique et ne peuvent être bien connus que de ceux qui ont la charge journalière de les étudier et de les combattre. Dans cette partie de leur tâche, les agents ne sont gênés par aucune restriction; ils sont dans le domaine plein et illimité de leur zèle; il recherchent tout ce qui est susceptible d'être connu; ils transmettent à leur gouvernement tout ce qu'ils sont parvenus à découvrir.

III. Mais en entrant dans la seconde classe des devoirs de leur place, la prudence, qui est une des plus importantes qualités que les fonctions diplomatiques exigent, doit accompagner toutes leurs déterminations; il ne s'agit pour eux sans doute que de laisser voir aux ministres du gouvernement près duquel ils résident, qu'ils ont observé tel ou tel indice de leurs vues : cependant, ils ne doivent pas se décider, sans réflexion, à cette manifestation de leur surveillance; car l'effet naturel de cette manifestation doit être d'empêcher, d'arrêter la marche de ces ministres, et il est tel cas où il peut être utile de les laisser aller plus avant, de leur donner une marge plus ample, pour se prononcer mieux ; il se peut aussi qu'étant peu assuré de réussir à arrêter la malveillance d'un gouvernement, il ne convienne pas de paraître apercevoir des vues que la dignité nationale voudrait voir rétractées aussitôt qu'elles se dévoilent : c'est à l'habileté des agents à consulter sur ce point l'esprit de

la mission dont ils sont chargés et l'honneur du gouvernement qu'ils représentent : ici leur responsabilité est toute entière dans l'exercice de leur discernement.

IV. Lorsque l'agent politique entre en relations officielles avec les ministres du gouvernement local, il doit sans cesse avoir présent à l'esprit le système des droits nationaux, qui sont tracés par les usages reçus et par le texte des traités; s'il s'agit d'une amélioration dans les rapports établis, il doit chercher ses titres dans l'esprit de ces traités et dans le système général des intérêts respectifs des deux gouvernements.

Quoique, dans l'exécution de cette classe de devoirs, l'agent diplomatique voie d'un coup d'œil la route qui s'ouvre devant lui, il faut cependant qu'il fasse usage de toute sa sagesse avant de s'y engager. Il ne doit jamais perdre de vue que quand il parle officiellement, les ministres ne voient plus en lui que le gouvernement qu'il représente. Cette pensée doit être sans cesse pour lui un motif de circonspection et de retenue.

La première règle à observer à cet égard est de ne rien présumer, de ne jamais agir sans autorisation, de réclamer des instructions précises, et de se bien pénétrer de ce principe, qu'en matière de discussion positive, soit qu'il s'agisse de déclarer, soit qu'il s'agisse de répondre, les gouvernements seuls proposent et négocient, et les agents diplomatiques ne sont que les organes. Ils n'ont pas la faculté ni d'accorder, ni de refuser, ni de transiger; ils exposent seulement les déterminations du gouvernement qu'ils représentent. Mais s'ils sont des organes sans volonté, ils ne doivent pas être des organes sans intelligence en énonçant les décisions dont ils sont les interprêtes, ils ont la charge d'en plaider la justesse, et de choisir le temps et les moyens d'en assurer le succès. Leur responsabilité à cet égard est toute entière dans leur fidélité à se renfermer dans leurs instructions et dans leur sagacité à bien en connaître la portée. En effet, dans toute instruction relative à une discussion de droit, il y a des dégrés d'exigence ou de sacrifice qui, laissent au discernement de l'agent une grande latitude. Mais il ne faut pas s'y méprendre, la responsabilité d'un agent n'est pas déterminée par le maximum des sacrifices et par le minimum d'exigences qui sont portés dans ses instructions: le mieux, dans ce qu'il était possible de faire, entre essentiellement dans les devoirs de sa mission; ce mieux doit être son but, et c'est par ses efforts seuls, et non par les résultats, que sa conduite sera jugée.

V. Tout chef de mission doit connaître parfaitement pour le pays où il réside:

1o Ce qui regarde la mission même et ses droits, ses immunités, ses relations;

2o Le personnel de la Cour, ses usages, son cérémonial; liste civile;

3o L'organisation du pays au point de vue politique, administratif et judiciaire;

4° Le système commercial.

Pour s'assurer de la manière dont les agents comprennent leurs devoirs à cet égard, le ministre des affaires étrangères devrait exiger d'eux des rapports portant:

a. Sur le personnel diplomatique dépendant du chef de mission; - Sur l'état des archives de la mission, analyse sommaire des dossiers; Les usages et l'étiquette de la Cour; - Les audiences d'arrivée et de congé, leur cérémonial; Les devoirs de société à remplir avant les audiences; - Les devoirs de nécessité et de politesse à remplir après les audiences; - Les immunités diplomatiques; - Le rang que les agents observent entre eux, les honneurs, les prérogatives dont ils jouissent à la Cour et ailleurs; - Les missions accréditées dans la capitale où l'agent réside; leur personnel, leur budget.

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b. Portrait physique et moral du souverain et des membres de sa famille; liste civile, apanages, douaires; - État de la Cour et du personnel qui y figure; - Ministres, courtisans, personnages influents. c. Manière dont le gouvernement est organisé ; - Budgets; Revenus publics; - Force armée; Marine; Entrer dans des détails plus particuliers en ce qui concerne l'organisation du département des affaires étrangères; ses attributions, son personnel, son budget. Législation relative à l'état civil, aux successions, à la naturalisation, aux étrangers, aux passe-ports.

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d. Système commercial du pays; Ressources industrielles ; Éléments du commerce international;

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Personnel des consuls bel

Prérogatives dont ils jouissent, immunités et franchises. On recommanderait aux agents, de joindre à leurs rapports, les principales lois organiques.

Ces travaux auraient pour résultats de faire connaître au gouvernement la situation politique des divers États; ils mettraient le personnel de la mission à même de se rendre maître du terrain sur

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