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cette intention; les uns exigent qu'il y ait tentative de tourner le blocus; il suffit pour les autres que le navire neutre soit en course pour le port bloqué après la notification officielle faite à son gouvernement. L'Angleterre adopte cette dernière manière de voir. La violation du blocus emporte la confiscation du navire; la cargaison peut-être exempte de saisie, si l'ignorance et la bonne foi du propriétaire sont établies d'une manière certaine. L'ignorance de l'armateur ne suffit pas pour empêcher la confiscation du navire, le capitaine l'engage toujours par son fait.

Ici se présentent deux questions qui sont de la plus haute importance pour les États neutres.

Le pavillon couvre-t-il la marchandise? Quelle est l'étendue du droit de visite?

Plusieurs Puissances et notamment la France et la Russie prétendent que le pavillon neutre couvre la marchandise, c'est-à-dire, met la marchandise ennemie à l'abri de la confiscation; l'Angleterre soutient le principe contraire; pour elle, la marchandise ennemie peut-être saisie sur un vaisseau neutre, mais, par contre, la propriété neutre est respectée à bord du navire ennemi.

La même divergence d'opinions se présente pour le cas où les navires neutres sont convoyés par un ou plusieurs bâtiments de guerre de leur nation, et que ceux-ci donnent l'assurance que les vaisseaux qu'ils escortent ne portent pas d'objets de contrebande de guerre. L'Angleterre revendique le droit de visite même dans ce cas, les autres États maritimes le dénient.

Ces prétentions opposées ont donné naissance à plusieurs guerres maritimes.

La neutralité armée de 1780 eut pour objet de faire prévaloir les principes les plus favorables aux neutres.

Le 28 février 1780, le gouvernement russe demanda :

1° Que les vaisseaux neutres pussent naviguer librement de port en port et sur les côtes des nations en guerre ;

2° Que les objets appartenant aux sujets des belligérants, à l'exception des marchandises de contrebande, fussent libres sur les vaisseaux neutres;

3o Que la contrebande de guerre se composât exclusivement des armes ainsi que des provisions et munitions de guerre proprement dites;

4° Qu'un port ne fut considéré comme bloqué, que pour autant

que, par suite de la présence de vaisseaux de la Puissance qui l'attaque, il y eût danger évident à entrer.

L'Autriche, le Danemarck, les Deux-Siciles, le Portugal, la Prusse et la Suède accédèrent aux principes mis en avant par la Russie. La guerre fut déclarée à la Grande-Bretagne, mais la paix fut faite (1783) sans que la coalition eût pu contraindre l'Angleterre à abandonner ses prétentions.

Pendant la guerre de l'Angleterre contre la République française, le Danemarck et la Suède, croyant échapper au droit de visite, firent escorter leur marine marchande par des navires de guerre. La Grande Bretagne n'en prétendit pas moins exercer la visite, des conflits violents eurent lieu. Le Danemarck réclama le secours de la Russie et la seconde neutralité armée fut conclue (1800).

Elle admit les principes de la première neutralité armée en y ajoutant cette clause que « si un officier d'un ou de plusieurs navires de guerre qui accompagnent un convoi, déclare que sa flotte ne transporte pas de contrebande, cette déclaration doit suffire pour empêcher la visite du navire de guerre ainsi que du convoi. »

La paix fut conclue le 17 juin 1801 et la Grande Bretagne reconnut en faveur des neutres les principes suivants :

1o Les vaisseaux neutres peuvent naviguer librement dans les ports et sur les côtes des nations en guerre ; cette liberté ne s'étend à la contrebande de guerre;

pas

2o On n'entend par contrebande, que les munitions de guerre autres que celles que requiert la défense du bâtiment ;

3o On ne regardera comme port bloqué que celui où il y a, par la disposition de la Puissance qui l'attaque avec des vaisseaux arrêtés et suffisamment proches, un danger évident d'entrer;

4o Les vaisseaux naviguant sous convoi d'un bâtiment de guerre, ne pourront plus désormais être visités par les armateurs.

L'Angleterre maintînt donc le droit de visite pour les vaisseaux de guerre de la partie belligérante; elle se refusa à admettre que la marchandise ennemie est libre sur des vaisseaux neutres.

Après l'enlèvement de la flotte danoise dans le port de Copenhague en 1807, la convention de 1801 fut dénoncée par la Russie, qui déclara la guerre à l'Angleterre, de concert avec le Danemarck et la Suède. L'Angleterre alors retirant les concessions qu'elle avait faites en 1801, revint à son ancien système.

-

Une guerre de plusieurs années s'ensuivit, mais la nécessité

de s'unir contre la France fit conclure la paix sans que, cette fois encore, les principes du droit des gens maritime fussent fixés.

Chaque fois que des guerres maritimes éclatent, les nations qui n'y prennent pas part, déclarent qu'elles entendent jouir des bénéfices de la neutralité. De leur côté, les Puissances belligérantes acceptent simplement la déclaration ou y font des objections. — Car si la neutralité est un droit pour tout Etat indépendant, on ne reconnait pas au même titre la prétention d'en fixer les conditions. Le point où doivent s'arrêter les prétentions opposées n'a jamais été fixé.

La Belgique étant une Puissance perpétuellement neutre, n'a pas de déclaration de neutralité à faire.

A la veille du conflit auquel la question d'Orient à servi de prétexte, la Suède et le Danemarck, ont notifié aux parties belligérantes, aux Etats maritimes de l'Europe, aux Etats-Unis et au Brésil, leur intention de rester neutres dans la lutte. Ces Puissances ont, en même temps, défini dans les termes suivants, les droits qu'elles revendiquent en leur qualité de neutre :

Le système que LL. MM. entendent suivre est celui d'une stricte neutralité fondée sur une loyale impartialité et un respect égal pour les droits de toutes les Puissances. Cette neutralité, d'après les vues uniformes des deux Cours, imposerait aux Gouvernements de LL. dites MM., les obligations et lui assurerait les avantages suivants :

1o L'abstention pendant la lutte de toute participation aux hostilités ; 20 L'admission dans leurs ports des bâtiments de guerre et de commerce des parties belligérantes, sauf certaines exceptions, en observant, bien entendu, les règlements sanitaires et de police que les circonstances rendraient nécessaires ; — refus d'admettre les corsaires;

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30 Faculté aux bâtiments des parties belligérantes de se pourvoir dans les ports Suédois ou Danois de tout ce dont ils pourraient avoir besoin, à l'exception des articles de contrebande de guerre;

40 Défense de vendre les prises dans leurs ports, sauf le cas de force majeure constatée;

50 Continuation en toute sûreté des relations commerciales de la Suède et du Danemarck, avec les Etats en guerre, sous l'obligation toutefois pour les navires Suédois et Danois, de se conformer aux règles présentement reconnues pour les cas spéciaux de blocus déclarés et effectifs.

Cette déclaration est extrêmement vague, si elle n'a pour but que de demander les libertés renfermées dans le cercle des principes généralement reconnus, elle ne soulève aucune difficulté. Mais si les Puissances Scandinaves revendiquent les avantages

poursuivis par les deux neutralités armées dont elles ont fait partie, nul doute qu'elles ne se trouvent bientôt en opposition avec l'Angleterre.

Dans le cas actuel, la question a, du reste, moins d'importance pratique qu'elle ne parait en comporter, les forces anglo-françaises peuvent bloquer les côtes russes et rendre par là impossible tout commerce maritime des neutres avec la Russie.

Voici la déclaration faite, par les puissances occidentales, relativement aux neutres :

S. M. ayant été forcée de prendre les armes pour défendre un allié, désire rendre la guerre aussi peu onéreuse que possible aux puissances avec lesquelles elle reste en paix.

Afin de préserver le commerce des neutres de toute entrave inutile, S. M. est disposée, pour le moment, à renoncer à une partie des droits de la guerre, que lui confère la loi des nations.

Il est impossible à S. M. de ne pas exercer son droit de saisir des articles de contrebande de guerre et son droit d'empêcher les neutres de porter les dépêches de l'ennemi, et elle maintient son droit de belligérant, qui consiste à empêcher les neutres de violer un blocus sérieux (effective), qui pourrait être établi par une force suffisante (adequate) contre les ports, côtes et forts ennemis. Mais S. M. renonce au droit de saisir les marchandises ennemies embarquées sur navires neutres, à moins qu'elles ne soient contrebande de guerre.

S. M. n'a pas l'intention de confisquer la propriété neutre qui, n'étant pas contrebande de guerre, serait trouvée à bord des navires ennemis, et elle déclare, en outre, que voulant diminuer autant que possible les maux de la guerre, et restreindre ses opérations aux forces régulières du pays, elle n'a pas aujourd'hui l'intention de délivrer des lettres de marque à des corsaires.

la

L'Angleterre, en vue de se concilier des sympathies, se montre plus favorable au commerce des neutres; mais il est à remarquer qu'elle ne sacrifie aucun de ses principes, et que, pour guerre actuelle, sa générosité ne lui coûtera guère. La déclaration est élastique; elle consacre formellement les principes défendus par l'Angleterre en y faisant, il est vrai, des exceptions provisoires. S. M. la Reine du Royaume-Uni renonce, pour le moment, à une partie des droits que lui confère la loi des nations; quels sont ces droits? La déclaration ne dit pas davantage qu'elles sont les limites du droit de blocus et du droit de visite.

Le gouvernement russe a publié, de son côté, la déclaration

suivante :

Par suite de la réception de la nouvelle que l'Angleterre et la France ont déclaré la guerre à la Russie, le ministère des finances croit devoir porter à la connaissance du public, les mesures qui seront prises à cette occasion par le gouvernement impérial en ce qui concerne les sujets anglais et français, ainsi que leurs bâtiments de commerce et leurs propriétés.

Prenant en considération les déclarations des gouvernements anglais et français, le gouvernement impérial, dans son désir sincère d'écarter, autant que possible, des particuliers les conséquences désastreuses de la guerre, a arrêté les règles suivantes :

Un délai de six semaines est accordé aux navires anglais et français qui se trouvent dans nos ports, pour effectuer leur chargement et faire voile sans empêchement pour l'étranger. Dans les ports de la mer Noire, de la mer d'Azof et de la mer Baltique, ce délai sera compté à partir du 25 (7 mai) avril courant, et dans les ports de la mer Blanche à partir du jour où la navigation aura été ouverte dans chacun d'eux.

Par exception, et par des considérations militaires, deux navires anglais, l'Anna Maclister et le William Broderic, dont le premier se trouve à Cronstadt et le second à Rével, doivent être retenus temporairement : toutefois ces navires ne seront aucunement confisqués, et ils seront relâchés par la suite, aussitôt que les circonstances le permettront.

Les navires de commerce anglais et français qui, après être sortis de nos ports, seront rencontrés en mer par nos croiseurs, même après l'expiration du délai fixé, en obtiendront la permission de continuer leur voyage, du moment que l'examen de leurs papiers de bord aura prouvé que leur cargaison a été embarquée avant l'expiration de ce délai.

La propriété des sujets anglais et français, embarquée sur des navires neutres, sera reconnue inviolable par nos croiseurs. Les marchandises anglaises et françaises, lors même qu'elles appartiendraient à des sujets anglais et français, seront sans empêchement admises sous pavillon neutre à l'importation dans nos ports, d'après les dispositions générales du tarif. De plus, les propriétes de puissances neutres, qui pourront être trouvées à bord des navires ennemis, ne seront point sujettes à confiscation.

D'ailleurs, il s'entend de soi-même que le pavillon neutre ne pourra couvrir les cargaisons et objets qui, d'après le droit de gens, sont reconnus contrebande de guerre; en conséquence, les navires à bords desquels il sera trouvé de la contrebande de cette nature, seront saisis par nos croiseurs et reconnus de bonne prise, conformément à l'avis déjà publié par le ministère des finances le 27 novembre de l'année dernière.

En laissant tous ses ports de commerce ouverts aux navires marchands des nations neutres, le gouvernement impérial ne peut néanmoins aucunement assumer la responsabilité des avaries et pertes auxquelles les navires pourraient être exposés par suite de faits de guerre.

Dès le mois d'octobre de l'année dernière, lorsque les bruits de guerre se répandirent, M. le Ministre des finances a déclaré, au nom de l'empereur, aux négociants anglais faisant le commerce à Saint Pétersbourg que, même en cas de guerre, ils n'auraient rien à craindre ni pour leurs personnes, ni pour

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