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leurs propriétés, et qu'ils pourraient compter sur la protection dont ils avaient joui jusqu'alors.

Tous les sujets anglais et français, à quelque classe qu'ils appartiennent, qui, en s'adonnant paisiblement à leurs affaires, observeront les lois en vigueur et s'abstiendront de ce que les lois défendent, jouiront pleinement, en Russie, de la même protection et de la même sécurité, tant pour leurs personnes que pour leurs propriétés.

Le Moniteur Belge, du 24 avril 1854, a reproduit les réponses faites par le Foreing-Office, à des questions touchant le commerce des neutres posées par des négociants anglais :

Ces questions étaient les suivantes :

Pendant la guerre, l'achat des produits russes devient-il illégal, et ces marchandises sujettes à être saisies dans le transit à travers la Prusse?

En second lieu, un négociant anglais peut-il légalement acheter des produits russes d'un sujet d'une nation neutre, et ces produits seraient-ils passibles de saisie et de confiscation dans leur transport de ce pays neutre en Angleterre?

Est-ce ou n'est-ce pas une dérogation au blocus de recevoir par terre des marchandises par la voie de la Prusse ? »

Voici la réponse du Foreing-Office :

Les produits russes importés par terre en Prusse et embarqués dans un port prussien pour l'Angleterre, à moins qu'ils ne soient devenus de bonne foi la la propriété d'un neutre, sont sujets à être saisis, et quoiqu'un sujet anglais ne puisse pas commercer avec l'ennemi par l'intermédiaire d'un sujet neutre ou le constituer son agent pour ce commerce, ce négociant anglais peut légalement acheter des produits russes d'un sujet neutre, établi dans un État neutre; et des marchandises ainsi achetées seront à l'abri de toute saisie, dans leur transport de cet État neutre en Angleterre, pourvu toutefois qu'à l'époque où elles auront été achetées, elles fussent de bonne foi la propriété du neutre.

Il est également illégal, pour un sujet britannique, de commercer avec l'ennemi, soit qu'il envoie ou reçoive ses marchandises par terre ou par mer, ou que les ports de l'ennemi soient bloqués ou non.

Le Moniteur du 25 avril contenait l'avis suivant :

Le commerce est informé que des instructions ont été adressées aux autorités judiciaires, maritimes et militaires, pour les prévenir que les corsaires portant pavillon quelconque ou munis de commissions ou de lettres de marques quelconques, seuls ou avec les bâtiments qu'ils auraient capturés, ne sont admis dans nos ports qu'en cas de dangers imminents de mer. Ces autorités sont, en conséquence, chargées de surveiller les corsaires et leurs prises. et de leur faire reprendre la mer le plus tôt possible.

Il a été prescrit aux mêmes autorités de ne reconnaître de valeur légale à aucune commission ou lettre de marque délivrée par les puissances belligėrantes, sans l'autorisation du gouvernement du Roi. Toute personne soumise aux lois du royaume qui ferait des armements en course ou qui y prendrait part, s'exposerait donc, d'un côté, à être traitée comme pirate à l'étranger, et, de l'autre, à être poursuivie devant les tribunaux belges suivant toute la rigueur des lois (1).

Dans la séance du Sénat, du 12 mai 1854, M. le ministre des affaires étrangères à prononcé, à propos de la question d'Orient, un discours sur la situation extérieure de la Belgique ; nous croyons pouvoir rapporter les paroles du chef du Cabinet qui s'appliquent à la neutralité de notre pays.

La France et l'Angleterre ont conclu, le 10 avril, une convention qui vient d'être portée directement et officiellement à la connaissance du gouvernement belge; cette communication a eu lieu le 7 mai, il y a cinq jours à peine. L'art. 4 de la convention est ainsi conçu : « Animées du désir de maintenir l'équilibre européen, les hautes parties contractantes renoncent d'avance à retirer au» cun avantage particulier des évènements qui pourront se produire. »> Cette stipulation, ou, pour mieux dire, cet engagement solennel a pour l'Europe entière une importance que je n'ai pas besoin de faire ressortir.

»

(1) La guerre maritime se fait non-seulement à l'aide des bâtiments de guerre, mais encore à l'aide de navires appartenant à des armateurs, et munis d'un document que l'on appelle lettre de marque. Ces bâtiments sont nommés corsaires. Le vœu a été émis de voir supprimer les corsaires. Voici comment le Président des États-Unis s'exprime à cet egard dans son message du 4 décem

bre 1854.

« Une pareille résolution est fort désirée, et pour d'excellentes raisons, par les nations qui ont de grands établissements militaires pour la protection de leur commerce. S'il était adopté comme régle internationale, le commerce d'une nation ayant une force maritime relativement faible, serait à la merci de l'ennemi en cas de guerre avec une puissance maritime plus considérable. Supposons par exemple les États-Unis en guerre avec l'Angleterre.

» La marine militaire de la seconde puissance étant au moins dix fois plus considérable que la notre et le commerce des deux pays étant à peu près égal, il résulterait de cette inégalité, si nous n'avions pas le droit de recourir à la marine marchande, que nous serions dix fois plus exposés aux altaques de l'ennemi. Nous ne pourrions nous relever de cette inferiorite qu'en renonçant à notre politique de paix, et en nous faisant grande puissance maritime. La disparité navale serait moindre, vis-à-vis des autres puissances marítimes, mais la plus grande étendue de notre commerce donnerait encore à chacune d'entre elles un grand avantage sur nous.

» La proposition de renoncer aux lettres de marque, ne peut donc pas plus être accueillic par nous que celle de renoncer aux services de volontaires pour des opérations de terre. Quand l'honneur ou les droits de notre pays sont menaces, il place sa confiance dans le patriotisme des citoyens, certain qu'ils augmenteront son armée et sa marine de manière à répondre à toutes les éventualités, Renoncer au droit d'employer des corsaires, c'est reconnaître le principe que la propriété d'ennemis non combattants doit être exempte des ravages de la guerre; mais cette renonciation exigerait que cette même propriété ne fût pas exposée aux attaques de vaisseaux de guerre. Si les grandes puissances de l'Europe consentent à admettre comme règle internationale l'exemption de la propriété privée sur mer, de la capture par des croiseurs de l'État aussi bien que par des corsaires, les États-Unis sont prêts à les suivres sur ce terrain libéral. »

Il est un autre fait, messieurs, qui ne vous aura pas non plus échappé. Je veux parler des mesures prises par les Puissances belligérantes au sujet du commerce et de la navigation des neutres. Vous connaissez ces mesures. Il résulte de leur ensemble que la guerre n'aura pas, cette fois, pour les tiers, les mêmes conséquences qu'à d'autres époques. Grâce au Ciel, des principes plus libéraux seront mis en pratique. La propriété de l'ennemi ne sera pas saisie à bord d'un bâtiment neutre, et l'on ne confisquera point, à bord des bâtiments ennemis, la propriété des neutres, à moins que, dans l'un ou l'autre cas, il ne s'agisse de contrebande de guerre.

Nous n'avons rien négligé, de notre côté, pour répondre à ces intentions bienveillantes des grandes Puissances maritimes et pour rappeler à nos concitoyens les obligations d'une stricte neutralité. A cette effet, des ordres ont été transmis aux diverses autorités, des avis officiels ou officieux ont été donnés aux armateurs, expéditionnaires et fabricants.

Je viens de parler du traitement réservé aux neutres en général. Permettezmoi d'insister sur la position particulière de notre pays. C'est là pour nous le point essentiel.

La Belgique, messieurs, est avec tous les gouvernements, sans exception, dans les meilleurs termes; je répète : avec tous les gouvernements sans exception. De toutes parts nous recevons les assurances les plus cordiales, des témoignages réitérés d'estime et d'amitié. On a foi dans le gouvernement belge, dans son impartiale politique, et l'on a raison.

Au moment où la guerre éclata, la Belgique n'a pas eu besoin de proclamer sa volonté d'être neutre, de la consigner dans des actes publics. La neutralité pour les autres États est une simple éventualité pour la Belgique, c'est un fait permanent. C'est un fait qui ne saurait être sujet à controverse. Douter de la neutralité de la Belgique, ce serait douter de son existence même. Que d'autres État du second ordre fassent des déclarations en règle, rien de plus naturel; mais pour nous, ces déclarations seraient un hors-d'œuvre ; elles seraient presque un non sens.

Les traités sur lesquels repose l'indépendance belge, ne tracent-ils pas notre ligne de conduite, en même temps que les devoirs des grandes Cours?

La neutralité que ces traités nous imposent, n'est-elle pas perpétuelle et absolue? Nous n'avions donc ni à la notifier, ni à la définir, ni à la justifier. Il nous suffisait d'y conformer nos actes et notre langage. C'est ce que nous avons fait dès le principe, c'est ce que nous n'avons cessé de faire.

Anssi, partout existe la conviction que, si dans telle circonstance donnée, la Belgique est tenue à des ménagements particuliers, elle entend néanmoins conserver, en tout cas et en tout temps, une entière impartialité.

Pleinement convaincue de la droiture de nos intentions, l'Europe y rend hommage; la neutralité belge est un prineipe compris et adopté au dehors comme il l'est à l'intérieur; on la sait loyale et forte, elle est arrivée à l'état d'axiôme universellement admis, incontesté.

La Belgique, messieurs, a une position forte et respectée. De 1830 à 1839, elle s'est constituée et organisée. L'Europe avait reconnu notre indépendance et consacré notre neutralité. Mais l'Europe conservait des doutes sur l'usage que nous saurions en faire. Ces doutes n'existent plus aujourd'hui.

Qu'avons-nous vu en 1848? Nous avons vu la Belgique maintenir son indépendance et ses institutions sous l'effort même des tempêtes les plus violentes. Son attitude à cette époque frappa vivement les esprits; j'ai eu l'occasion l'année dernière d'en apporter au sein de la chambre des représentants des preuves jusques-là inconnues.

Mais pourrait-elle, en tout temps, conserver sa neutralité?

Voilà ce qu'on se demandait avec une certaine anxiété dans les rangs mêmes des hommes politiques.

En 1840, il est vrai, en présence d'un conflit qui menaçait la paix générale, elle s'était retranchée avec succès dans le principe de la neutralité.

Toutefois, la paix, compromise un instant, n'avait point été rompue; l'épreuve, dès lors, ne pouvait passer pour décisive. Il en est tout autrement aujourd'hui, je ne crois pas trop m'avancer en disant que le jeune royaume entraîné dans les luttes à venir, serait bien moins compromis en 1854 qu'en 1840. La diplomatie belge a pu constater que toutes les Puissances divisées sur d'autres points sont unanimes à reconnaître et décidées à respecter la neutralité que les traités nous ont garantie. Certes, dans les affaires de ce monde, la part de l'imprévu est grande, et les hypothèses les plus diverses peuvent être posées et débattues. Mais en restant dans le domaine des faits, je répète bien haut, qu'à aucune époque depuis 1830, la Belgique, messieurs, n'a eu plus de raison de compter sur le respect de ses droits.

Indiquons en finissant deux questions qui se rattachent, nous parait-il, à la neutralité.

1o La Belgique peut-elle servir d'asile aux réfugiés politiques? Evidemment, elle en a le droit, mais à la condition que ces étrangers ne fassent pas de notre pays un centre d'attaques contre leur gouvernement naturel; dès qu'ils mettent le pied sur notre territoire et aussi longtemps qu'ils y résident, la lutte est finie pour eux. S'ils manquent à cette obligation, le gouvernement doit les expulser.

2o Une liberté absolue de la Presse se concilierait-elle, dans tous les cas, avec notre neutralité ?

Nous ne le croyons pas si la presse abusant de la liberté qui lui a été si largement départie, devenait licencieuse; si elle se livrait à des attaques contre les souverains étrangers ou les institutions d'autres pays, nous pensons que cet état de choses serait incompatible avec les devoirs que les traités nous prescrivent. On se prévaudrait en vain de l'art. 18 de la Constitution; les puissances répondraient que la neutralité nous ayant été imposée comme condition sine quâ non d'existence, le congrès constituant, n'avait pas le droit d'adopter des lois incompatibles avec cette condition. Le droit public général prime évidemment le droit constitutionnel d'un Etat.

SECTION II.

LA BELGIQUE AU POINT DE VUE DU DROIT PUBLIC PRIVÉ;

CONSTITUTION BELGE.

AU NOM DU PEUPLE BELGE.

Le congrès national décrète :

TITRE PREMIER. DU TERRITOIRE ET DE SES DIVISIONS.

Art. 1. La Belgique est divisée en provinces.

Ces provinces sont : Anvers, le Brabant, la Flandre occidentale, la Flandre orientale, le Hainaut, Liége, le Limbourg, le Luxembourg, Namur, sauf les relations du Luxembourg avec la confédération germanique.

Il appartient à la loi de diviser, s'il y a lieu, le territoire en un plus grand nombre de provinces.

Art. 2. Les subdivisions des provinces ne peuvent être établies que par la loi.

Art. 3. Les limites de l'État, des provinces et des communes, ne peuvent être changées ou rectifiées qu'en vertu d'une loi.

TITRE II. DES BELGES ET DE LEURS DROITS.

Art. 4. La qualité de Belge s'acquiert, se conserve et se perd d'après les règles déterminées par la loi civile.

La présente constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l'exercice de ces droits.

Art. 5. La naturalisation est accordée par le pouvoir législatif.

La grande naturalisation seule assimile l'étranger au Belge, pour l'exercice des droits politiques.

Art. 6. Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres.

Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.

Art. 7. La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi, que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou, au plus tard, dans les vingt-quatre heures.

Art. 8. Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

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