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son point de vue, un résultat également satisfaisant. Les principes contraires qui ont valu aux diplomates une réputation de fausseté, quelque peu méritée, doivent être bannis de toute discussion sérieuse : ni faiblesse, ni menace, toujours la vérité qui n'exclut pas la finesse, et par finesse, nous entendons la sagacité et nullement la

ruse.

Les instructions données aux agents doivent toujours être claires et précises.

CHAPITRE II.

CONVENTIONS D'EXTRADITION.

I. L'extradition est l'acte par lequel un gouvernement livre l'individu prévenu ou accusé d'un crime ou délit à un autre gouvernement, qui le réclame afin de le juger et de le punir à raison de cette infraction aux lois commise sur son territoire.

Cette matière est réglée en Belgique par la loi du 1er octobre 1883 dont voici le texte :

LÉOPOLD, etc.

Art. 1er. Le gouvernement pourra livrer aux gouvernements des pays étrangers, à charge de réciprocité, tout étranger mis en accusation ou condamné par les tribunaux desdits pays pour l'un des faits ci-après énumérés, qui auraient été commis sur leur territoire :

1o Pour assassinat, empoisonnement, parricide, infanticide, meurtre, viol; 20 Pour incendie;

3o Pour faux en écriture, y compris la contrefaçon des billets de banque et effets publics;

40 Pour fausse monnaie;

50 Pour faux témoignage;

6o Pour vol, escroquerie, concussion, soustraction commise par des dépo sitaires publics;

7° Pour banqueroute frauduleuse.

Art. 2. L'extradition ne sera accordée que sur la production du jugement ou de l'arrêt de condamnation, ou de l'arrêt de la chambre des mises en accusation, en original ou en expédition authentique, délivrés par l'autorité compétente, et après avoir pris l'avis de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'étranger aura été arrêté.

Le ministère public et l'étranger seront entendus en chambre du conseil. Dans la quinzaine à dater de la réception des pièces, eles seront renvoyées avec l'avis motivé au ministre de la justice.

Art. 3. L'étranger pourra être arrêté provisoirement en Belgique sur l'exhibition d'un mandat d'arrêt, décerné par l'autorité étrangère compétente, pour l'un des faits mentionnés à l'art. 1er, et rendu exécutoire par la chambre du conseil du tribunal de première instance du lieu de sa résidence ou du lieu où il pourra être trouvé.

Après l'ordonnance de l'arrestation, le juge d'instruction est autorisé à procéder suivant les règles prescrites par les articles 87 et 90 du Code d'instruction criminelle.

L'étranger pourra réclamer la liberté provisoire, dans le cas où un Belge jouit de cette faculté et sous les mêmes conditions. La demande sera soumise à la chambre du conseil.

La chambre du conseil décidera également, après avoir entendu l'étranger, s'il y a lieu ou non de transmettre, en tout ou en partie, les papiers et autres objets saisis au gouvernement étranger qui demande l'extradition. Elle ordonnera la restitution des papiers et autres objets qui ne se rattachent pas directement au fait imputé au prévenu.

Art. 4. L'étranger arrêté provisoirement sera mis en liberté, si, dans les trois mois, il ne reçoit notification d'un jugement de condamnation ou d'un arrêt d'accusation.

Art. 5. Les traités conclus en vertu de la présente loi seront insérés dans le Bulletin officiel (aujourd'hui le Moniteur Belge) et dans un journal publié dans la capitale du royaume; ils ne pourront être mis à exécution que dix jours après la date que porte ce journal.

Art. 6. Il sera expressément stipulé dans les traités que l'étranger ne pourra être poursuivi ou puni pour aucun délit politique antérieur à l'extradition, ni pour aucun fait connexe à un semblable délit, ni pour aucun des crimes ou délits non prévus par la présente loi; sinon toute extradition, toute arrestation provisoire sont interdite.

Art. 7. L'extradition ne peut avoir lieu, si, depuis le fait imputé, les poursuites ou la condamnation, la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après les lois de la Belgique.

Mandons et ordonnons, etc.

II. Les auteurs sont partagés sur le point de savoir si le droit des gens oblige un État à accorder l'extradition. Le négative est aujourd'hui l'opinion commune.

L'extradition d'un délinquant n'est obligatoire qu'en vertu du droit positif.

Toutefois, dans l'usage des nations, lorsqu'une loi n'en a pas disdisposé autrement, les extraditions s'accordent d'ordinaire même diffisans traité 1; mais les gouvernements consentent, en général,

▪ Prudentia politica, dit Kluit, suadet deditionem universam, chap. II, $1er.Vattel, liv. 1er, § 233, et liv. II, § 77. Martens, Droit des gens, § 101. Mittermaier, Procédure criminelle.

cilement à livrer un de leurs sujets. Les lois d'un grand nombre d'États défendent expressément l'extradition des régnicoles.

Le principe qui a déterminé les nations à admettre l'extradition repose sur l'intérêt qu'ont tous les peuples à ce que les faits qui sont considérés partout comme attentatoires à la morale publique et à l'existence même de la société civile ne restent pas impunis.

Il en résulte que l'extradition ne doit avoir lieu qu'au préjudice c'est-à-dire que d'individus inculpés de crimes ou délits communs, la législation de tous les États regarde comme punissables. C'est cela que généralement on refuse de livrer les individus accusés seulement de crimes politiques.

pour

Malgré la légitimité du droit d'extradition, le principe de la loi du 1er octobre 1833 a été vivement combattu à la Chambre des Représentants. On a prétendu que ceux qui ont commis des crimes à l'étranger n'ont pas offensé nos lois et que, dès lors, le législateur belge n'a ni le droit de les punir par la détention provisoire, ni le droit de les livrer aux gouvernements qui les réclament. On a ajouté que les lois de la république française sur l'expulsion des étrangers suffisaient complètement à la sécurité du pays.

Ces objections porteraient à croire que les adversaires de la loi n'en comprenaient pas toute la portée. La loi de 1833, en permettant au gouvernement d'éloigner de notre territoire les criminels étrangers, lui a également donné le moyen d'empêcher que les Belges qui ont violé nos lois puissent se soustraire à la vindicte publique en passant la frontière.

Les lois françaises auxquelles on renvoyait le gouvernement peuvent recevoir leur application nonobstant l'existence d'une loi sur les extraditions. On y a recours notamment lorsque l'étranger réfugié en Belgique s'est rendu coupable d'un crime ou délit qui ne le soumet pas à l'extradition ou lorsque, abstraction faite de tout crime ou délit antérieur, la présence de certains étrangers est de nature à compromettre la sûreté publique.

Les dispositions législatives invoquées par les adversaires de la loi n'étaient, d'ailleurs, que des mesures de circonstance qui ont été complétées par une loi sur les extraditions aussitôt que l'état de la France

Loi du 3 brumaire an IV et la loi du 9 vendémiaire an V.

La loi de brumaire soumet à l'expulsion l'étranger qui s'est rendu coupable d'un crime hors du territoire français; elle exige l'intervention judiciaire. La loi de vendémiaire va plus loin elle n'exige ni intervention judiciaire, ni crime antérieur. Elle laisse une large part à l'arbitraire.

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l'a permis. Aussi longtemps que la République fut en guerre avec l'Europe entière, pouvait-il être question de négocier des conventions d'extradition? Mais aussitôt que la France nouvelle eut établi des relations avec les autres pays, des traités furent conclus. En effet, le traité d'Amiens, du 6 germinal an X (27 mai 1802), entre la Grande-Bretagne, la France, l'Espagne et la république Batave, contient (art. 20) l'engagement réciproque des parties contractantes de livrer en justice les personnes accusées des crimes de meurtre, de falsification ou de banqueroute frauduleuse.

Il suffirait, du reste, pour justifier l'extradition, de rappeler les considérations suivantes soumises à la chambre des représentants, lors de la discussion de la loi de 1833 : « Dans un petit pays dont » l'entrée et la sortie sont si faciles, ne pas autoriser l'extradition » c'est encourager le crime et faire un appel aux malfaiteurs étran»gers. Ceux qui habitent près des frontières auront un moyen sûr d'impunité; ce moyen dangereux n'est pas encore connu, et il faut se » garder d'en proclamer publiquement et solennellement l'existence.>>

Quelque légitime que soit l'usage de l'extradition, le législateur a, toutefois, entouré l'exercice de ce droit de garanties spéciales : l'extradition ne peut être accordée qu'en vertu d'un traité stipulant la réciprocité; ce traité doit recevoir une grande publicité, afin que l'étranger soit averti à temps et qu'un délai suffisant lui soit accordé pour quitter le pays. On a vu, dans le seul fait de l'arrivée de l'étranger, même criminel, sur notre territoire, un acte de confiance envers la nation. On a cru devoir lui en tenir compte.

Quelques personnes ont regretté que la nomenclature des crimes et délits prévus par la loi ne fût pas plus complète. Pourquoi, ontelles dit, n'y a-t-on pas compris le crime de supposition de part; les blessures graves qui, dans certains cas, peuvent donner lieu à la peine de la réclusion? Cette critique n'est pas sans fondement.

III. On a soutenu, lors de la discussion de la loi, qu'elle était incomplète à un autre point de vue : qu'un Belge, après avoir commis au dehors un crime contre un étranger, peut revenir en Belgique et y jouir de l'impunité. Dans ce cas, il ne s'agit pas d'extradition, une disposition à cet égard ne pouvait trouver sa place dans la loi sur les extraditions.

La loi du 30 décembre 1836, dont le dispositif suit, a rempli la lacune que présentait à cet égard notre droit criminel. (Art. 7, Inst. crim.)

Art. 1er. Tout Belge qui se sera rendu coupable hors du territoire du royaume d'un crime ou d'un délit contre un Belge, pourra, s'il est trouvé en Belgique, y être poursuivi, et il y sera jugé et puni conformément aux lois en vigueur dans le royaume.

Art. 2. Tout Belge qui se sera rendu coupable, hors du territoire du royaume, contre un étranger, d'un crime ou d'un délit prévu par l'art. 1er de la loi du 1er octobre 1833, pourra, s'il se trouve en Belgique, y être poursuivi, et il y sera jugé et puni conformément aux lois en vigueur dans le royaume, si l'étranger offensé ou sa famille rend plainte, ou s'il y a un avis officiel donné aux autorités belges par les autorités du territoire où le crime ou délit aura été commis.

Art. 3. Les dispositions ci-dessus ne sont pas applicables lorsque le Belge a été poursuivi et jugé en pays étranger, à moins qu'il ne soit intervenu une condamnation par contumace ou par défaut, auquel cas, il pourra être poursuivi et jugé par les tribunaux belges.

L'idée dominante dans la discussion de la loi de 1836 a été de faire concorder la répression en Belgique des crimes et délits commis à l'étranger par des Belges avec la loi sur les extraditions. Le gouvernement et la législature ont refusé d'étendre l'autorisation que concède l'art. 2 de la loi à tout autre fait et particulièrement aux délits forestiers qui causent de véritables désordres sur plusieurs de nos frontières et qui, dans l'état actuel de la législation, restent presque toujours impunis.

IV. Il peut arriver que l'individu à extrader ne soit pas sujet du gouvernement qui réclame l'extradition; dans ce cas, la remise de l'accusé n'est effectuée qu'avec l'assentiment de l'État auquel appartient le réfugié.

V. L'extradition n'étant permise que pour les faits mentionnés dans la loi du 1er octobre 1833, cette circonstance emporte de plein droit l'abrogation des traités antérieurs qui la permettraient pour d'autres crimes ou délits.

VI. Ni la loi de 1833, ni les traités d'extradition conclus en conséquence de cette loi ne tracent de règles sur la manière dont la remise des prévenus ou accusés doit s'effectuer. En fait, cette remise est effectuée à la frontière et constatée par un procès-verbal.

VII. Les législations de presque tous les peuples autorisent l'extradition des étrangers. L'Angleterre et les États-Unis se prêtent difficilement à négocier des conventions sur cette matière. La Grande-Bretagne a pourtant conclu un traité avec la France, et l'acte fédéral de l'Union Américaine consacre l'extradition réciproque entre tous les États

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