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croyance de leurs dogmes, ou la pratique de leur Morale. L'Athéifme au contraire, loin qu'il foit de nature à faire des Martyrs, n'eft que la charlatannerie de certains hommes qui font la foiblefle même, & qui voudroient paffer pour des efprits forts. Quel rolle extravagant & plein d'inconféquences n'a pas joué, par exemple, le trop fameux Vanini! Mais que les Néron, les Domitien, les Dece, les Dioclétiens reparoiffent fur la terre avec toutes leurs fureurs, ils feront peutêtre autant de Martyrs qu'ils en ont fait dans les premiers temps du Chriftianif me; & quand ils en feroient beaucoup moins, cela ne prouveroit encore rien contre notre thèse.

Lorfque nous difons, Monfieur, que ceux qui font morts pour l'Athéisme, & qui font en très-petit nombre, n'étoient pas de bonne foi, on nous demande qui nous a donné le pouvoir de nous ériger en fcrutateurs des cœurs ;. mais on change de ton, lorsqu'il est question de la multitude prodigieufe des Martyrs du Chriftianifme. On ne les représente, du moins pour la plupart, que comme des fanatiques. C'eft ainfi que, contre toute

justice & contre toute évidence, on s'arroge le droit que l'on ne veut pas nous accorder, de fonder & de juger les intentions. Mais que l'on compare les victimes de la Religion Chrétienne avec celles de l'Athéisme, & que l'on nous dife, fi, indépendamment du fond de la caufe, toutes chofes étoient d'ailleurs égales, fi l'on trouvoit de part & ďautre les mêmes lumières & les mêmes vertus? Quel Athée oferoit-on, par exemple, mettre en parallèle avec le Martyr faint Cyprien? Sans doute que celui-ci n'aura été qu'un fanatique, s'il n'étoit pas convaincu de la vérité de fa Religion; & l'Auteur des Penfées Philofophiques dira qu'il ne l'étoit point en effet, s'il n'a pas compté & pefé toutes les raifons de l'Athéisme.

Je Luis &c.

LETTRE XIV.

Sur la XVIIe des Penfées Philofophiques.

Ous fçavez, Monfieur, que faire un argument ad hominem,

prendre fon Adverfaire par fes propres

principes. Ces principes, fuffent-ils de de la dernière abfurdité, on les emploie victorieufement contre lui, en lui faifant voir qu'ils ne fçauroient fubfifter, fi fes prétentions avoient quelque fondement. D'après cette notion, écou tons l'Auteur des Penfees Philofophiques. » Toutes les billevefées de la → Métaphyfique, dit-il, ne valent pas » un argument ad hominem. Pour con» vaincre, il ne faut quelquefois que » réveiller le fentiment ou phyfique ou » moral. C'eft avec un bâton qu'on a

prouvé au Pyrrhonien qu'il avoit tort » de nier fon exiftence. Cartouche, le » pistolet à la main, auroit pu faire à Hobbs une pareille leçon La bourse » ou la vie. Nous fommes feuls: je fuis » le plus fort; & il n'eft pas question » entre nous d'équité [a].«

1o. On comprend bien que, dans le fens de l'Auteur, toutes les billevefees de la Métaphyfique ne font autre chose que la Métaphyfique elle-même, quelle qu'elle puiffe être. Or je demande fr tout argument ad hominem eft plus

[a] Penfée Philof. Penfée XVII.

propre à convaincre, que tout principe Métaphyfique. Nous venons d'obferver, Monfieur, que les principes d'où l'on tire contre fon Adverfaire un argument ad hominem, peuvent être faux; & s'ils le font, quelque décifif que foit cet argument contre cet Adverfaire, il ne l'eft nullement en lui-même. Cartouche, le piftolet à la main, auroit pu fans doute forcer Hobbs à démentir extérieurement les principes dont il auroit été le plus intimement perfuadé, fans que Cartouche eût rien démontré contre lui; il lui auroit feulement prouvé un inconvénient de fon fyftême. Et quel eft le fyftême de Morale qui n'ait nul inconvénient? Mais fuppofons, Monfieur, que Cartouche, le pistolet à la main, n'eût eu d'autre but que de faire fentir à Hobbs qu'il n'agiffoit pas conféquemment à fes principes, celui-ci auroit eu fa réponse toute prête: Vous qui prétendez que je contredis les maximes de ma Morale, auroit-il pu lui dire, vous êtes vous-même en contradiction avec les vôtres. Vous admettez dans la fpéculation, qu'on ne doit pas faire à autrui ce qu'on ne voudroit pas qu'il nous fit, & vous me demandez la bourfe ou

la vie ! Nous ne faifons cette obfervation, Monfieur, que pour faire voir qu'un argument ad hominem fert bien à montrer l'inconféquence de fon Adverfaire, mais nullement à prouver le fond de la chofe contestée.

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2o. On nous dit que, pour convaincre, il ne faut quelquefois que réveiller le fentiment ou phyfique ou moral. Quant au fentiment phyfique, les coups. de bâton donnés au Pyrrhonien n'ajoûtoient rien à la preuve qu'il avoit de fon existence. Le but de celui qui le frappoit, ne pouvoit être que de forcer cet infenfé à convenir qu'il exiftoit. Pour ce qui eft du fentiment moral, quiconque le nie, n'eft qu'un impudent menteur; & il eft affez inutile de lui mettre le pistolet fur la gorge, pour lui rappeller ce que le fens intime ne ceffe de lui dire.

3°. Il eft encore trop vifible, Monfieur, que par les billevefées de la Métaphyfique, l'Auteur entend les principes généraux de la Morale. C'eft ainfi que les Incrédules fe plaisent à ridiculifer les maximes reçues. Mais qu'on attaque leurs perfonnes, ou qu'on veuille les dé

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