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preuves, non-feulement fatisfaifantes mais même démonftratives de l'existence de la Divinité. Alors le Monde n'étoit pas plus un Dieu, qu'il ne l'eft à préfent. Alors, comme à préfent, on fçavoit que c'étoit une machine qui avoit fes roues, fes cordes, fes poulies, fes refforts & fes poids. Les éloges emphatiques que donne ici l'Auteur à ces Phyficiens, ne font donc que l'effet d'un ridicule enthousiasme.

Vous avez vu dans la Lettre précédente, qu'il fait bien moins de cas des raifonnemens métaphyfiques, que de l'argument ad hominem. Ici vous voyez qu'il les met bien au- deffous des expériences phyfiques. Cependant, Monfieur, combien de ces Obfervateurs de la Nature, qui ne connoiffent d'autre Dieu que la Nature elle-même, qui font de l'Étre fuprême & de fes ouvrages, une machine infinie en tout fens ! Ces loix du Méchanifme fi fagement établies, fi exactement obfervées dans le cours ordinaire des chofes phyfiques, les frappent fi vivement, qu'elles abfor bent toute leur attention. A force de

ne voient plus rien au-delà: ils fe perfuadent qu'il fe fuffit à lui-même, qu'il a exifté de toute éternité, fans le fecours d'aucune caufe intelligente. Pour les ramener au bon fens, il faut les faire fortir des enceintes de cette machine, & leur montrer, comme on l'a fait de tout temps, que cet ordre admirable ne fçauroit exifter par lui-même, qu'il eft néceffairement l'ouvrage d'une Cause infiniment fage, & non moins puiffante. Or, quel flambeau peut les éclairer fur ce grand objet, fi ce n'eft celui d'une faine Métaphyfique ?

Je fuis, &c.

LETTRE XVI.

Sur la XIX. des Penfées Philofophiques.

D'OU

de

Où penfez-vous, Monfieur, que fe tirent les plus fortes preuves l'existence de la Divinité? Ecoutons làdeffus l'Auteur des Penfées Philofophiques. » Les fubtilités de l'Ontologie, » nous dit-il, ont fait tout au plus des

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Sceptiques: c'est à la connoiffance de » la Nature qu'il étoit réfervé de faire » de vrais Déiftes. La feule découverte » des germes a diffipé une des plus » puiffantes objections de l'Athéilme. Que le mouvement foit effentiel, ou » accidentel à la matière, je fuis main» tenant convaincu que fes effets fe ter» minent à des développemens: toutes » les obfervations concourent à me dé» montrer que la putréfaction seule ne » produit rien d'organifé, Je puis admettre que le méchanifme de l'in"fecte le plus vil n'eft pas moins mer» veilleux que celui de l'homme, & je » ne crains pas qu'on en infere qu'une agitation inteftine de molécules, étant capable de donner l'un, il est vrai» femblable qu'elle a donné l'autre. Si » un Athée avoit avancé, il y a deux » cents ans, qu'on verroit peut-être un » jour des hommes fortir tout formés » des entrailles de la terre, comme on a voit éclore une foule d'infectes, » d'une maffe de chair échauffée; je » voudrois bien fçavoir ce qu'un Méta» phyficien auroit eu à lui répon» dre [a]. »

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Perfonne n'ignore, Monfieur, que l'Ontologie eft la première partie de la Métaphysique, où l'on traite de l'Etre en général, & des propriétés communes à tous les Etres, propriétés abfolument inacceffibles aux fens; que dans la Pneu matologie, qui eft la feconde partie de cette fcience, il s'agit des efprits, de Dieu, des Anges, de l'ame humaine. Nous ne voyons donc pas pourquoi l'Auteur transporte dans la premiére partie les preuves de l'exiftence de Dieu, tandis qu'elles ne conviennent qu'à la fe conde.

Il affure que les fubtilités de l'Ontologie ont fait tout au plus des Sceptiques. On fçait encore que le mot de Sceptique fignifie un homme qui doute de tout; c'eft la notion qu'en donne l'Académie, & cette notion eft confacrée par un ufage conftant & univerfel. Or, n'eft-il pas ridicule de prétendre que l'Ontologie n'eft propre tout au plus, qu'à faire douter de tout? Car dans ce cas, Monfieur, que pourroit-elle faire de moins? L'Ontologie traite de l'Etre., de la poffibilité & de l'effence des chọ

fes, de la fubftance, de fes modificaitons, de la puiffance, des caufes, des effets; & elle en traite felon les idées générales qui conviennent à tous ces objets, quelque grande que puiffe être d'ailleurs la variété des Etres où ils fe rencontrent. Dire que fur tout cela il n'eft pas poffible de trouver des notions fixes & certaines, c'eft être dépourvu de bon fens. En effet, Monfieur, feroit-il poffible de rien fçavoir en quelque genre que ce foit, fi on ne pouvoit pas fe former une idée jufte de ces divers objets. Sans ces notions générales, aurions nous jamais eu la notion d'aucun Etre particulier? Le Gèometre lui-même auroit-il celle des rapports qui font entre les figures, de leur reffemblance ou de leur différence, de leur égalité ou de leur inégalité? Le monde & le cahost feroient pour nous la même chofe; ou plutôt nous ne fçaurions ce que c'eft que le monde, ni ce que c'est que le

cahos: nous n'aurions aucune idée de l'identité ou de la différence des choses. C'est-à-dire, Monfieur, que les principes de notre Auteur ne tendent à rien moins qu'à l'anéantiffement de toute

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