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C'eft, felon lui, à la connoiffance de la Nature qu'il étoit réfervé de faire de vrais Déiftes. Il y a toute apparence que, par Déifte, il entend ici fimplement un homme qui reconnoît l'exiftence de Dieu; mais il n'explique point ce qu'il veut dire par la connoiffance de la nature. Dès long-temps, Monfieur, la Nature eft connue: elle l'eft depuis qu'elle exifte. Mais elle ne l'a jamais été fi bien que depuis Descartes; & à compter des jours de ce grand homme, cette connoiffance n'a pas ceffé de s'accroître enforte qu'à cet égard nous pouvons dire qu'on n'a jamais été fi Philofophe que dans ce fiècle. Il n'en eft pas moins vrai que ce n'est ici qu'un accroiffement des lumières ancien nes; & que de tout temps ces lumières cnt fuffi pour annoncer l'existence d'une Cauié également fage & puiffante. Il y a plus de vingt-fept fiécles que David a dit: Les cieux racontent la gloire »de, Dieu & le firmament publie les » ouvrages de fes mains [6]. » Saint Paul a dit depuis David, que » la

[b] Pf. 18. . .

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» confidération des chofes qui ont été » faites dès la création du monde, a » rendu visible aux Payens mêmes ce qui eft invifible en Dieu, fa puiffance » même éternelle & fa divinité [c].» L'effentiel confifte ici dans les rapports de toute la Nature avec fon Créateur; & encore une fois, Monfieur, ces rapports font connus depuis l'origine du monde. Quiconque ignore ces rapports de la Nature, ne la connoît pas ellemême. Sous ce point de vue, l'Auteur a raifon de dire que c'est à la connoiffance de la Nature qu'il étoit réservé de faire de vrais Déiftes, en prenant toutefois le mot de Déiftes dans le fens que nous venons de lui fuppofer. Mais tout cela n'exclut en aucune manière les preuves métaphyfiques de l'existence de Dieu.

On affure ici que la feule découverte des germes a diffipé une des plus puiffantes objections de l'Athéifme. Mais fi tout naît des germes, c'eft qu'il a plu au Créateur de l'ordonner ainfi. Il a créé tout l'Univers fans germes préfup

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polés. Lui étoit-il moins facile dans la fuite de produire tous les Etres en détail, fans avoir créé aucun germe ? Que le mouvement foit effentiel ou accidentel à la matière, ajoûte l'Auteur, je fuis maintenant convaincu que fes ef. fets fe terminent à des développemens, Mais fi le mouvement eft effentiel à la matière, il n'étoit donc pas poffible à Dieu de le lui ôter; & cela étant, la formation des germes eft donc une fuite néceffaire de ce mouvement néceffaire: elle ne dépendoit donc pas de Dieu : elle ne prouve donc ni fa fsagesse, ni La puiffance, ni conféquemment fon exiftence. L'Auteur déraifonne donc, quand il regarde comme indifférente la queftion de fçavoir, fi le mouvement eft effentiel ou accidentel à la matière. La putréfaction feule ne produit rien d'organife: nous en convenons avec lui. Nous lui accordons encore que le méchanifme de l'infecte le plus vil n'eft pas moins merveilleux que celui de Thomme. Il demande ce qu'un Méraphyficien auroit eu à répondre à un Athée qui auroit avancé, il y a deux cents ans, qu'on verroit peut-être un jour des hommes fortir tout formés de la

terre, comme on voit éclore une foule d'infectes d'une maje de chair échauf- ~ fée. Sans doute, Monfieur, qu'en ne confultant que les lumières qu'on avoit alors, on lui eût dit que fa fuppofition étoit démentie par l'expérience & par l'intention du Créateur, fuffisamment marquée dans l'ordre qu'il avoit établi. S'il falloit toujours répondre à de pareilles billevefées, les fuppofitions de l'Athée ne finiroient pas. Il commenceroit par demander à quiconque lui parleroit de germes préformés, s'il est bien certain que dans la fuite Dieu ne produira pas indifféreniment tous les êtres par la putréfaction? Et je voudrois bien fçavoir ce que notre Auteur luimême répondroit à une pareille question. Vraisemblablement l'Athée n'en refteroit pas là: il remonteroit au fyftême général du Monde phyfique: il fuppoferoit que tout ce que nous appellons ordre de la Nature, fe changera en défordre, & ne fera plus qu'un cahos informe; & il demanderoit fi, dans ce cas, on ne pourroit pas conclure de ce défordre, contre l'existence de Dieu, ce que maintenant nous concluons de l'ordre en faveur de cette même existence,

On ne le pourroit pas fans doute, fi on étoit préalablement convaincu que ce défordre vînt de Dieu, comme il en venoit à la formation du premier cahos d'où il a fait naître le Monde tel que nous le voyons. Mais ce feroit fortir de la thèle, puifque ce feroit fuppofer l'existence d'un Dieu, & qu'il s'agiroit de la prouver. La Métaphyfique, quoi qu'en dife notre Auteur, eft donc auffi néceffaire que la connoiffance de la Nature, pour démontrer l'exiftence de Dieu.

Je fuis, &c.

LETTRE XVII.

Sur la XXe des Penfées Philofophiques.

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'Etoit en vain, dit l'Auteur des PENSE'ES PHILOSOPHIQUES, » que j'avois effayé contre un Athée » les fubtilités de l'Ecole : il avoit mê» me tiré de la foibleffe de ces raison» nemens une objection affez forte. Une » multitude de vérités inutiles me font

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