Images de page
PDF
ePub

affez connoître qu'il veut parler des vérités géométriques; il les traite d'inutiles; mais fans doute qu'il ne les traite ainfi que comparativement à l'impor tance des vérités métaphyfiques, telles que l'existence de Dieu, la réalité du bien & du mal moral, l'immortalité de l'ame. Au refte, Monfieur, il n'eft pas difficile de voir où il veut en venir, & nous aurons occafion de nous en convaincre encore mieux dans la fuite [d]. Son but eft d'infinuer que ces vérités importantes devroient être au moins auffi évidemment démontrées que les vérités géométriques qu'il regarde comme inutiles. Il ne voudroit pas qu'on pût faire contr'elles des objections plus capables d'embarraffer ou d'éblouir, que celles qu'on feroit contre l'égalité de deux angles droits aux trois angles d'un triangle. Mais penfe-t-il donc que le méchanifme du plus vit infecte, que l'aile d'un Papillon que l'œil d'un Ciron, forment par eux-mêmes une démonstration de l'existence de Dieu auffi évidente, auffi frappante pour l'Athée, que l'égalité des trois angles d'un triam

[d] Voyez la LIV. des Penf. Philof

gle à deux droits? Cartouche, en attaquant Hobbs le pistolet à la main lui auroit-il démontré auffi clairement la réalité du bien & du mal moral? N'eft il pas des Athées qui, en dépit de toutes les preuves que nous avons de la fpiritualité de l'ame, penfent que le grand Newton lui-même n'étoit qu'une pure machine, foumife, comme toutes les autres, aux loix rigoureuses du méchanisme ? Mais l'Incrédule trouve toujours admirables les preuves qu'il croit avoir imaginées en faveur des vérités qu'il veut bien admettre, tandis qu'il refufe de fe rendre au cri de toute la nature & du fens intime.

Je fuis, &c.

[ocr errors]

LETTRE XVIII.

Sur la XXIe des Penfées Philofophi

[ocr errors]

ques.

'Ouvre les cahiers d'un Profeffeur célèbre, & je lis: Athées, je vous » accorde que le mouvement eft effen› » tiel à la matière ; qu'en concluez» vous ? ...... Que le monde résulte » du jet fortuit des atômes? J'aimerois » autant que vous me diffiez que l'Ilia

de d'Homere ou la Henriade de » Voltaire, eft un résultat de jets forso tuits de caractères. Je me garderai » bien de faire ce raisonnement à un » Athée. Cette comparaison lui don» neroit beau jeu. Selon les loix de » l'analyse des forts, me diroit-il,

دو

je ne dois point être furpris qu'une » chofe arrive, lorfqu'elle eft poffible, » & que la difficulté de l'événement » eft compenfée par la quantité des »jets. Il y a tel nombre de coups dans »lefquels je gagerois avec avantage d'amener cent mille fix. à la fois

» avec cent mille dez. Quelle que fut » la fomme finie des caractères avec

دو

[ocr errors]

laquelle on me propoferoit d'engen

» drer fortuitement l'Iliade, il y a telle

» fomme finie de jets qui me rendroit » la propofition avantageufe: mon avan»tage feroit même infini, fi la quan» tité de jets accordée étoit infinie, » Vous voulez bien convenir avec moi, » continueroit-il, que la matière existe » de toute éternité, & que le mouve»ment lui eft effentiel. Pour répondre » à cette faveur, je vais fuppofer avec » vous que le monde n'a point de bor»nes, que la multitude des atômes » étoit infinie, & que cet ordre qui » vous étonne, ne fe dément nulle part. » Or de ces aveux réciproques il ne » s'enfuit autre chofe, finon que la pof» fibilité d'engendrer fortuitement l'U»›nivers est très-petite, mais que la » quantité des jets eft infini; c'est - à» dire, que la difficulté de l'événement » eft plus que fuffifamment compensée » par la multitude des jets. Donc fi

quelque chofe doit répugner à la Raison, c'est la fuppofition que la » matière s'étant mue de toute éternité, & qu'y ayant peut-être dans la fomme

infinie des combinaifons poffibles » un nombre infini d'arrangemens ad» mirables, il ne fe foit rencontré au» cun de ces arrangemens admirables » dans la multitude infinie de ceux qu'elle a pris fucceffivement. Donc l'efprit doit être plus étonné de la » durée hypothétique du cahos, que de » la naiflance réelle de l'Univers [a]. "

[ocr errors]
[ocr errors]

S'il étoit poffible, Monfieur, d'entreprendre ici un traité en règle de l'existence de Dieu, nous fuivrions notre Auteur dans fon analyse des forts. D'au tres que nous ont déja rempli cette tâche contre notre Adverfaire, & cela d'une manière victorieufe. Pour encherir fur ce qu'ils ont dit, il faudroit d'abord vous répéter tous leurs raifonnemens, & y ajoûter de nouvelles ob fervations; ce qui nous meneroit trop loin pour le moment: bornons-nous. ici à deux réfléxions..

1o. On ne peut, fans une abfurdité inconcevable, fuppofer que les atômes, dès leur premier mouvement ( & com

« PrécédentContinuer »