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LA RELIGION VENGÉE,

OU REFUTATION

DES AUTEURS IMPIES.

LETTRE XXI.

Sur la XXIV des Penfées Philofophi

C

ques.

'Eft, Monfieur, une métho de affez communément obfervée, parce qu'elle est conforme à la droite Raison, de ne parler d'une chofe fufceptible de plufieurs fens,qu'après avoir déterminé le fens dans lequel on en parle. Notre Adverfaire n'a pas jugé à propos de s'affujettir à 'cette règle fi équitable. Il vient déja de nous parler de Scepticisme & de Sceptiques, fans avoir pris la peine de nous dire s'il s'en tenoit au fens ordinaire de ces mots, ou s'il leur en donnoit un autre. Que ne daignoit - il en

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fixer un dont il ne se départit jamais? Nous fçaurions du moins fur quoi compter. » Le fcepticisme, nous dit-il encore, »ne convient pas à tout le monde. Il fuppofe un examen profond & défin»téreffé: celui qui doute, parce qu'il » ne connoît pas les raifons de crédi»bilité, n'eft qu'un ignorant. Le vrai Sceptique a compté & pefé les raifons. » Mais ce n'eft pas une petite affaire » que de pefer des raifonnemens. Qui » de nous en connoît exactement la valeur? Qu'on apporte cent preuves de la même vérité, aucune ne manquera de partifans. Chaque efprit a fon télescope. C'eft un coloffe à mes yeux » que cette objection qui difparoît aux » vôtres: vous trouvez legère une rai»fon qui m'écrafe. Si nous fommes divifés fur la valeur intrinféque, com»ment nous accorderons-nous fur le » poids relatif Dites-moi, combien » faut-il de preuves morales pour con» trebalancer une conclufion métaphy» fique Sont- ce mes lunettes qui péchent, ou les vôtres ? Si donc il est fidifficile de pefer des raisons, & s'il » n'eft point de questions qui n'en ayent » pour & contre, & prefque toujours

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» à égale mefure, pourquoi tranchons» nous fi vîte D'où nous vient ce ton » fi décidé? N'avons-nous pas éprouvé » cent fois que la fuffifance dogmatique

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révolte On me fait hair les chofes vraisemblables, dit l'Auteur des Effais, quand on me les plante pour » infaillibles. J'aime ces mots qui amolliffent & modérent la témérité de nos propofitions: A l'aventure, aucune»ment, quelquefois, on dit, je pense; » & autres femblables: & fi j'eule eu » à dreffer des enfans,je leur euffe tant » mis en la bouche cette façon de ré» pondre enquêtante, & non résolutive » qu'eft-ce à dire, je ne l'entends pas, » il pourroit être, eft-il vrai, qu'ils » euffent plutôt gardé la forme d'apprentifs à foixante ans, que de repréfenter des Docteurs à l'âge de » quinze [a].

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Rappellez-vous ici, Monfieur, l'épi graphe de l'Ouvrage : Pifcis hic non eft omnium. Voilà juftement le Scepticifme qui ne convient pas à tout le monde. L'Auteur nous dit que ce scep

[4] Penfée Philof. Penf. XXIV.

icilme fuppofe un examen profond & défintéreffé. Ce qui fignifié affez clairement que l'Athée fceptique a examiné profondément & fans partialité la queftion de l'existence de Dieu. Pefez bien ces mots, je vous prie: examen profond & défintéreffé. Celui qui examine profondément, atteint le vrai état des chofes, fans quoi fon examen feroit fuperficiel ou du moins imparfait. Or aller véritablement au fond des chofes, c'est les connoître pour ce qu'elles font. Un examen défintéressé est un examen où les préjugés & les paffions n'ont aucune part. Lefcepticisme dont on nous parle, eft donc celui où l'efprit & le cœur feroient irréprochables; & s'il étoit poffible qu'il y eut de tels Sceptiques, ce feroient autant de vrais Sages. Or nous donner pour de vrais Sages des hommes qui fe décideroient à croix ou pile fur l'existence de Dieu, fur la réalité du bien & du mal moral, fur l'immortaHité de l'ame, n'est-ce pas donner le nom de fageffe à l'extravagance même ?

On ne sçauroit douter, Monfieur; que par vrais Sceptiques l'Auteur n'entende les feuls vrais Sages, quand on

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