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prouve l'existence de la lumière, mais il faut que j'aye fous les yeux les objets que je dois appercevoir par elle. Vouloir que le doute univerfel & abfolu me conduife à la vérité, c'est vouloir que ce doute puiffe fervir de premier principe, pour me démontrer toute autre vérité; ce qui fuppoferoit que le doute eft la première vérité. Qu'on me dise donc auffi que les plus épaiffes ténèbres font la première lumière; que pour prendre infailliblement le vrai chemin, il faut fe mettre dans le cas de ne pouvoir pas le diftinguer de ceux qui égarent; en un mot, que pour éviter un précipice, il faut commencer par fuppofer qu'il ne différe point d'un chemin uni.

2o. Si, pour s'ajurer de l'existence de Dieu, le Philofophe commence par en douter, ajoûte notre Auteur, y a t il quelque propofition qui puiffe fe fouftraire à cette épreuve? Il n'eft nullement néceffaire, Monfieur, que le Philofophe, pour s'affurer de l'exiftence de Dieu, commence par en douter. Dès qu'il a été fufceptible d'une conviction raisonnée cette grande vérité peut l'avoir frappé de manière que le doute.

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fceptique lui foit devenu impoffible. Quand nous procédons à la preuve de l'existence de Dieu, ce n'eft pas pour nous perfuader d'une vérité qui nous foit inconnue, c'eft pour en convaincre ceux qui ofent en douter, c'eft pour acquérir nous-mêmes & pour fournir aux autres des lumières plus étendues fur cette importante vérité.Si, pour croire en Dieu, il falloit attendre qu'on eût compté & pefé toutes les raifons pour & conte, le grand nombre des hommes n'y croiroit jamais. Que fçavons-nous en effet fi toutes les raifons qui prouvent l'existence de Dieu, ont été apperçues, fi toutes les ergoteries des Incrédules font épuifées? Eft-il néceffaire de fentir le faux de toutes leurs vaines subtilités en général, & de chacune en particulier, pour être certain que Dieu. exifte? Une feule preuve peut rendre une vérité certaine, incontestable; & toutes les difficultés poffibles ne font rien contre une vérité bien prouvée. Le vrai Philofophe n'eft donc point obligé de devenir Athée, Sceptique, & de décider l'existence de Dieu à croix ou pile; avant que de l'admettre; moins encore le doit-il, lorfqu'il a compté & pefé les

raifons pour & contre. Au refte, MonGeur, l'existence d'un Etre fuprême n'est la première de toutes les vérités que par la grandeur & l'excellence de fon objet. Elle n'eft pas la première dans l'ordre de nos connoiffances: elle ne l'eft pas même par l'éclat de fon évidence. Il eft abfolument poffible que les fophifmes de l'Athée fafcinent tellement un hommne, qu'il doute s'il exifte un Dieu; mais il ne l'eft pas que ce même homme doute de fa pensée, de fa propre exiftence, de l'incompatibilité du néant avec l'être. Auffi n'eft-ce point par la connoiffance de l'existence de Dieu, que nous fommes perfuadés de la nôtre, que nous fommes certains de notre penfée, que nous fçavons qu'une chofe ne fçauroit être & en même temps n'être pas. C'est au contraire par ces connoiffances & par plufieurs autres auxquelles elles fervent de bafe, que nous parvenons à fçavoir qu'il existe un premier Etre que nous appellons DIEU.

Je fuis, &c.

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LETTRE XXIX.

Sur la XXXII des Pensées Philofo

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phiques.

'Incrédulité eft quelquefois le vice

Ld'un for, & la crédulité le défaut

» d'un homme d'efprit. L'homme d'efprit voit loin dans l'immenfité des poffibles; le fot ne voit guères de poffible que ce qui eft. C'est là peut» être ce qui rend l'un pufillanime, & » l'autre téméraire [a].

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L'Incrédulité, nous dit-on, Monfieur, eft quelquefois le vice d'un fot: prenons acte de cet aveu, & ajoûtons que cela n'arrive pas feulement quelquefois, mais très-fouvent. Combien, parmi les Incredules, qui affurent qu'ils doutent de tout, & qui n'ont jamais rien examiné! Il en coute fi peu pour fe donner un air de fcepticisme! Il eft fi aifé de dire qu'on a tout approfondi, fans avoir rien

[a] Penf. Philof. Pe nfée KXXII.

trouvé de fatisfaifant pour la Raifon! C'est ainsi que la plupart de nos BeauxEfprits ne font que de fots Incrédules. Car pour que l'Incrédulité ne foit pas le vice d'un fot, il faut qu'elle ait des raifons fupérieures pour rejetter celles que nous apportons en faveur du Chrif tianifme: & puifqu'aucun d'eux n'a encore pu les détruire, nous voilà donc autorisés à leur appliquer cette maxime fi vraie : L'Incrédulité eft le vice d'un fot.

Il y a plus, Monfieur pour affurer que tous les Incrédules ne font pas des fots, on doit nous faire voir qu'ils ont compté & pefé toutes leurs faifons ainfi que les nôtres, & qu'ils ne fe font déclarés contre la Religion, que parce qu'ils ont trouvé fes preuves infuffifantes. Mais l'Auteur l'a-t-il fait ? Pourroit. il même le faire? Tout efprit, dit-il, a fon télescope. C'est un coloffe à mes yeux que cette objection, qui difparoît aux vôtres : vous trouvez légère une raifon qui m'écrafe. Si nous fommes divifés fur la valeur intrinféque, comment nous accorderons-nous fur le poids

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