toute du côté de l'Incrédule. Rien ne la prouve mieux que les efforts gigantefques qu'il ne ceffe de faire pour combattre ces vérités. Quelle plus grande foibleffe en effet que celle d'une Raifon dont l'orgueil lutte perpétuellement contre la Raifon fuprême!

Il eft certain, Monfieur, que la Raifon de l'homme, foumife aux Mystères que Dieu lui a révélés, jouit réellement de tous fes droits; car lorsqu'il s'agit de vérités incompréhensibles, tous fes droits fe réduisent à la foumission. C'est la condition qui lui eft impofée pour obtenir les récompenfes que la Religion lui promet. Comment feroit-il poffible qu'elle cut droit de comprendre des vérités incompréhensibles? Non,Monfieur, la Raison ne fe met point dans des entraves,lorfqu'elle fe foumet à la croyance de nos Mystères ; comme vous n'êtes pas dans des entraves, pour ne pouvoir pas monter au Ciel de même que vous pouvez aller d'un lieu de la terre à l'autre ; comme la Raifon d'un Sujet n'eft pas dans des entraves, pour obéir aux ordres d'un Souverain dont la fageffe lui eft connue, quoiqu'il ne connoisse

point le motif fecret de ces ordres, & ce qu'on appelle Myfterium regni. Il lui fuffit de fçavoir en général que les ordres qui lui font donnés, font équitables & fages. Mais quand il feroit vrai que les Mystères de la Religion fuffent des entraves pour la Raison, heureuse la captivité de quelques momens, qui doit être fuivie d'un regne éternel! Affurer que Dieu n'a pas pu donner à l'homme de telles entraves, ce n'eft certainement pas voir loin dans l'immenfité des poffibles. Que nos Sophistes incrédules déployent ici toute leur adreffe à obfcurcir les vérités les plus claires; qu'ils nous montrent, s'ils le peuvent, que les dogmes de la Religion contiennent quelque chofe d'incompatible avec les attributs de la Divinité ou quelque contradiction intrinféque. Mais qu'eft-il befoin de faire voir que Dieu a pu exiger de l'homme la foumiffion au joug de la foi? Tout confifte dans le fait. A-t-il voulu nous imposer ce joug? nous l'a-t-il impofé en effet? On le prouve par tous les faits qui conftatent la Révélation. Et que répond l'Incrédule à tous ces faits? Rien, Monfieur; ou ce qui revient au même, des

216 La Rel. vengée, LETT. XXXI.

chofes qui ne fignifient rien. Je n'infifterai pas davantage fur ce fujet que nous avons traité avec affez d'étenduë, lorfque nous étions occupés à venger la Foi Chrétienne des vains fophifmes de Bayle.

Je fuis, &c

1

217

LA RELIGION VENGÉE,

OU RÉFUTATION

DES AUTEURS IMPIES.

LETTRE XXXII.

Sur la XXXV des Penfées Philofophi

| J

"

ques.

Entends crier de toutes parts à l'impiété. Le Chrétien eft impie en Afie, le Musulman en Europe "le Papiste à Londres, le Calviniste à "Paris, le Janfénifte au haut de la rue "faint Jacques, le Molinifte au fond "du fauxbourg faint Médard. Qu'est"ce donc qu'un impie? Tout le monde "l'eft-il, ou perfonne [a] « Rien de plus facile, Monfieur, que de rétorquer ce raifonnement de l'Auteur contre lui

[a] Penf. Philof. Penfée XXXV.

même. J'entends crier de toutes parts aux préjugés. Le Cartéfien raisonne mal, felon les Péripatéticiens, les Newtoniens, les Leibnitziens ; & tous ceux-ci s'égarent, s'il faut en croire le difciple de Descartes. Tel fyftême philofophique qu'un Docteur de Salamanque ou d'Alcala préfente comme la vérité même, est fiflé par des Profeffeurs de Paris ou d'Oxford; & ceux d'Alcala ou de Salamanque leur rendent la pareille. Qu'eft-ce donc qu'un Philofophe? Tout le monde l'eft-il, ou perfonne: Que l'Auteur réponde tout ce qu'il voudra; nous fom. mes perfuadés que la folution de fa difficulté fera dans la réponse qu'il donnera à la nôtre.

Mais nous ne nous bornerons point, Monfieur, à cette manière indirecte de répondre. Nous confidererons la difficulté en elle-même. Pour la réfoudre, il ne s'agit que de voir fi l'impiété est une chimère, ou non. Si l'impiété n'étoit en effet qu'une chimère, il, ne, faudroit pas dire que tout le monde eft impie, mais que perfonne ne l'eft, & que le reproche d'impiété eft toujours illufoire. Mais pour cela, Monfieur, il faudroit