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notion qu'il nous donne du Chriftianif me. Venons à fa Penfée fuivante.

» Le vrai Martyr attend la mort, » dit-il, l'enthousiaste y court [b]. « Rappellez-vous, Monfieur, cet endroit de la feconde Penfée de l'Auteur: Si j'attends l'ennemi, quand il s'agit du falut de ma Patrie, je ne fuis qu'un Citoyen ordinaire. N'eft-ce pas dire que pour être un Héros de la Patrie, il ne faut point attendre l'ennemi; qu'il faut courir à lui? Pourquoi donc n'en feroitil plus de même par rapport aux combats que le Chrétien peut avoir à foûtenir pour la Foi? Sur quoi cette différence feroit-elle fondée ? Le Citoyen doit-il donc plus à fa Patrie, que le Chrétien à fa Religion Si le guerrier qui attend la mort, lorfqu'il s'agit du falut de l'Etat, n'eft plus qu'un Citoyen ordinaire, le Martyr qui en feroit autant, lorfqu'il s'agit du triomphe de la Religion, ne feroit donc auffi qu'un Chrétien ordinaire. Que faudra-t-il donc pour atteindre à l'héroïfme Evangélique Car nous ne voyons point de milieu

entre attendre la mort pour JESUSCHRIST, & courir à la mort pour JESUSCHRIST.

Il eft conftant, Monfieur, qu'un Martyr qui court à la mort, peut avoir autant de mérite que celui qui l'attend; de même qu'un Citoyen qui attend la mort pour la Patrie, peut mériter autant que celui qui y court. Nous ajoûterons même que, foit qu'il s'agiffe de l'intérêt de la Patrie ou de celui de la Religion, il peut y avoir plus de mérite à fuir la mort qu'à l'attendre ou à y courir. Tout dépend des circonftances & des difpofitions de l'efprit & du cœur. JESUSCHRIST qui a promis une récompense éternelle à ceux qui mourroient pour lui, a auffi confeillé la fuite. C'est à la prudence évangélique de décider du parti qu'il faut prendre en telle ou telle occafion. Au refte, ne peut-on pas dire que tous les Apôtres, que tous les hommes Apoftoliques ont couru au martyre Car n'eft-ce point y courir que de s'expofer, comme ils l'ont fait, à un danger évident? JESUS-CHRIST lui-même, leur maître & leur modèle, ne leur en a-t-il pas donné l'exemple:

Ipfum Verbum propter nos caro factum, non indignum putavit, cùm quereretur, quemadmodùm & nos, abfcondere fe ; & cùm perfecutionem pateretur, fugere & infidias declinare: cùm autem à fe definitum tempus ipfe adduxiffet, in quo corporaliter pro omnibus pati volebat, ultrò fe ipfum tradidit infidiantibus [c].

» Celui, dit encore l'Auteur, qui fe » trouvant à la Mecque iroit infulter » aux cendres de Mahomet, renverser » fes autels, & troubler toute une mofquée, fe feroit empaler à coup fûr, » & ne feroit peut-être pas canonifé. Ce » zèle n'eft plus à la mode. Polieucte ne

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feroit de nos jours qu'un infenfé [d]. « Nous conviendrons, Monfieur, que des Chrétiens zélés ont quelquefois mis le feu à des Temples d'Idoles. S'il exifte un Dieu, il a pu fans doute le leur commander: & qui oferoit affurer qu'il ne l'a point fait? Accufons-nous d'inhumanité un Général d'armée qui ordonne d'embrafer des villes entières? Il ne peut en être coupable que dans le cas où cette

[c] S. Athan. Apol. pro fugâ fuâ.

rigueur ne feroit pas néceffaire pour châtier & réprimer l'ennemi de la Patrie. Si les Mahométans s'avifoient de faire conftruire des mofquées fur les terres d'un Prince Chrétien, & que ce Prince fit brûler ces mofquées, fon action prise en elle-même pêcheroit-elle contre les principes de la Religion, ou contre ceux d'une faine politique? La Religion, Monfieur, n'a point varié à cet égard, comme l'en taxe malignement notre Auteur elle a des principes fixes & invariables, puifque ce font les principes mêmes de l'Esprit de vérité. Polieucte de nos jours ne feroit qu'un infenfé aux yeux de nos Philofophes. Les Philofophes de nos jours ne feroient que des infenfés aux yeux de Polieucte: refteroit à fçavoir fi l'Efprit de vérité fe communiqueroit moins à Polieucte qu'à nos Philofophes.

Je fuis, &c.

LETTRE XXXVI.

Sur la XL1 des Penfées Philofophiques.

Neur, que ? le temps des révéla

Otre Philofophe nous affure, Mon

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» tions, des prodiges & des miffions >> extraordinaires eft paffé ; que le Chrif » tianisme n'a plus befoin de cet échafaudage. Un homme, dit-il, qui s'avi» feroit de jouer parmi nous le rôle de Jonas, de courir les rues en criant, » Encore trois jours, & Paris ne fera » plus; Parifiens, faites pénitence, cou» vrez-vous de facs & de cendres, ou » dans trois jours vous périrez, feroit >> incontinent faifi & traîné devant un

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Juge, qui ne manqueroit pas de l'en» voyer aux Petites-Maifons. Il auroit » beau dire, Peuple, Dieu vous aime»t-il moins que le Nivinite? Etes» vous moins coupable que lui? on ne » s'amuferoit point à lui répondre; & » pour le traiter en vifionnaire, on n'at» tendroit pas le terme de fa prédiction.

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