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ment, je vous prie, auroit-on prouvé qu'il n'étoit pas récufable? Il étoit évident que la fable imaginée par cet homme de tête n'étoit de fa part qu'un trait de politique rafinée. Du côté de Romulus, il n'y avoit abfolument rien qui méritât la déification. Sa qualité de Fondateur de Rome ne lui donnoit aucun droit à cette gloire, en fuppofant même qu'il eût pu prévoir que cette Cité, fi obfcure dans fa naiffance, deviendroit un jour la plus puiffante République de l'Univers. Plus vous réfléchirez, Monfieur, fur l'indigne parallele que fait ici l'Auteur, moins vous y appercevrez de jufteffe. Vous n'y trouverez, je le répéte, que les vains efforts d'un Impie, qui voudroit pouvoir juftifier fon impiété en confondant les plus grandes vérités avec l'imposture la plus évidente.

Je fuis, &c.

LETTRE XL V.

Réflexions fur la L des Penfées Philofophiques.

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'Il faut en croire l'Auteur, »une feule » démonftration le frappe plus que » cinquante faits. Graces à l'extrême » confiance que j'ai en ma Raifon, pour

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fuit-il, ma foi n'eft point à la merci » du premier Saltimbanque. Pontife de » Mahomet, redreffe des boiteux, fais parler des muets, rends la vuë aux aveugles, guéris des paralytiques, ref» fufcite des morts, reftitue même aux » eftropiés les membres qui leur man» quent, miracle qu'on n'a point encore » tenté; & à ton grand étonnement ma » foi n'en fera point ébranlée. Veux-tu

que je devienne ton profélyte, laiffe » tous ces preftiges, & raifonnons. Je » fuis plus fûr de mon jugement que » de mes yeux. Si la Religion que tu » m'annonces eft vraie, fa vérité peut » être mise en évidence & fe démontrer » par des raifons invincibles. Trouve

les ces raifons. Pourquoi me harce»ler par des prodiges, quand tu n'as » befoin, pour me terraffer, que d'un fyllogifme. Quoi donc ! te feroit-il plus facile de redrefler un boiteux, » que de m'éclairer [a]?

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Remarquez bien, Monfieur, que celui qui nous tient ce langage, eft le même qui nous a dit ci-devant : On doit exiger de moi que je cherche la vérité mais non que je la trouve. Un fophif me ne peut-il pas m'affecter plus vivement qu'une preuve folide [b]? Et ailleurs Chaque efprit a fon télescope. C'est un coloffe à mes yeux que cette objection qui difparoît aux vôtres : vous trouvez légere une raison qui m'écrase. .... Si donc il eft fi difficile de pefer des raifons, & s'il n'eft point de questions qui n'en ayent pour & contre, & prefque toujours à égale mefure, pourquoi tranchons-nous fi vite [c]? C'eft enfin le même Auteur qui nous dit dans un autre endroit, que les méditations fubli

[a] Penfée Philof. Penf. L.
b] Ibid. Penfée XXIX.

mes de Mallebranche & de Defcartes étoient moins propres à ébranler le Matérialisme, qu'une obfervation de Malpighi [d]. Et autre part, que toutes les billevefées de la Métaphyfique ne valent pas un argument AD HOMINEM [e]. Or je demande, Monfieur, où cette Raison de l'Auteur fi défiante par elle-même, peut avoir pris l'extrême confiance dontelle fe pare ici? La queftion eft facile à réfoudre. Les Incrédules ne trouvent rien de certain, quand ils fe mettent à batailler contre la Religion; mais ils changent de ton, dès qu'il s'agit de faire valoir les raifons de leur incrédulité.

Toutes les fois que l'Auteur entreprend de jetter des doutes fur les vérités les plus évidentes du Chriftianifme, c'eft le Pyrrhonien le plus avéré; c'eft auffi le Dogmatique le plus impérieux, lorfqu'il faut donner à fes rêveries les couleurs de la vérité. La confiance qu'il a en fa Raifon eft fi extrême, que s'il voyoit de les propres yeux la réfurrection de cent nouveaux Lazares, il ne croiroit point encore qu'un mort pûr revivre.

[d] Ibid. Peufee XVIII.
[e] Ibid. Penfée XVII.

I met en principe que la réfurrection d'un mort eft impoffible. Mais s'attache-t-il à prouver cette impoffibilité ? Non, Monfieur. Pourquoi ? Parce qu'il a fenti que cette impoffibilité ne pouvoit fe prouver, en fuppofant l'exiftence d'un Dieu, comme il le fait fouvent dans fes Penfées.

Vous comprenez, que l'Auteur qui feint de n'apostropher qu'un Pontife de Mahomet, s'adreffe à JESUSCHRIST même, puifque par un ftratagême auffi ridicule qu'impie, il fait ici l'énumeration des miracles operés par le Fils de Dieu, telle qu'elle fe trouve en certains endroits de l'Evangile. Son emportement contre la Religion va jus qu'à lui faire dire que, quand il verroit redreffer des boiteux, faire parler des muets, rendre la vue aux aveugles, guérir des paralytiques, reffufciter des morts, reftituer même aux eftropiés les membres qui leur manquent, sa foi n'en feroit point ébranlée. Je n'ai pas de peine à le croire. Car pour que la foi d'un homme puiffe être ébranlée, il faut qu'elle exifte: Priùs eft effe, quàm effe tale. Et l'Auteur ne dit-il pas que la

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