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Le feu lui eft appliqué; rien ne l'é» meut le fer chaud n'en peut arracher » aucun fymptôme de vie; on le croit » mort l'eft-il? Non, dit notre Au»teur: c'est le pendant du Prêtre de » Calame. Qui quando ei placebat, ad » imitandas lamentantis hominis voces, » ita fe auferebat à fenfibus, & ja cebat fimillimus mortuo ut non fo» lùm vellicantes atque pungentes mini» mè fentiret, fed aliquandò etiam igne »ureretur admoto, fine ullo doloris fen» fu, nifi post modum ex vulnere. S. Aug. » Cit. de Dieu. Liv. XIV. Chap. 24. [a]

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Je me bornerai ici, Monfieur, à quelques réflexions courtes & fimples. Je demande d'abord fi le fimillimus mortuo de S. Auguftin fignifie que ce Prêtre de Calame paroiffoit auffi certainement mort que JESUS-CHRIST lorf qu'il fut mis au fépulchre, ou que Lazare dans le moment qui a précédé sa réfurrection? JESUS-CHRIST a reffufcité deux autres morts, la fille de Jaïrus Chef de la Synagogue, & le fils de la Veuve de Naïm. Qu'y avoit-il donc dans l'affoupiffement du Prêtre de Calame,

[a] Pensée Philof. Pensée XLI.

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qui-reffemblât à l'état de ces trois cadavres? Lazare, mort depuis quatre jours, exhaloit une odeur fétide & cadavereufe. On portoit en terre le fils de la Veuve de Naïm : & les larmes, les fanglots de cette mere tendre & désolée prouvoient bien qu'elle n'étoit que trop certaine de la mort de fon fils. A ces trois réfurrections opérées par JESUS-CHRIST, nous pourrions ajouter celle d'Eutichius, jeune homme qui étant tombé d'un troifiéme étage en écoutant la prédication de Paul, fut trouvé mort de fa chute. Mais nous n'avons befoin que de la feule réfurrection de JESUS-CHRIST, qui a été l'effet de fa propre vertu & de fa toute-puiffance. Que notre Auteur, qui fe plaît à confondre les objets les plus difparates, -parce qu'il n'a pas d'autres moyens de combattre une Religion qui l'offufque: que notre Auteur nous dife donc poftivement & précisément en quoi la mort de JESUS-CHRIST, pendant les trois jours qu'il refta dans le tombeau, reflembloit à l'engourdiffement du Prêtre de Calame. Sans doute qu'il y a des hommes qui tombent en léthargie, en fyncope, & qui le trouvent dans le même

état où S. Auguftin nous représente co Prêtre. Mais s'enfuit-il pour cela qu'il n'y ait aucune différence, aucune marque diftinctive entre leur état & celui d'un homme réellement mort: It en réfulteroit donc, Monfieur, que de ceux qu'on met tous les jours en terre, n'y en a pas un feul dont la mort foit affurée. Qu'elle eft conftante, qu'elle eft divine, la Religion qu'on ne sçauroit combattre, fans recourir à de pa reilles chiméres !

Je fuis &c.

il

LETTRE XLVII.

Examen de la LII des Pensées Philo fophiques.

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L faut avouer, dit le Logicien de Port Royal, que S. Augustin a » eu raifon de foutenir avec Platon, que » le jugement de la vérité & la régle » pour difcerner n'appartiennent pas » aux fens, mais à l'esprit : Non eft ve» ritatis judicium in fenfibus. Et même

que cette certitude que l'on peut ti»rer des fens ne s'étend pas bien loin, » & qu'il y a plufieurs chofes que l'on » croit fçavoir par leur entremile, & » dont on n'a point une pleine atfuran»ce. Lors donc que le témoignage des » fens contredit, on ne contrebalance » point l'autorité de la raifon, il n'y a » pas à opter: en bonne logique, c'eft » à la raison qu'il faut s'en tenir [a].

1o. Non, Monfieur, le jugement de la vérité & la régle pour difcerner n'appartiennent pas aux fens : rien n'eft plus jufte que cette décifion. Ce n'eft point aux fens qu'appartiennent le oui & le non, qui font les feules expreffions du jugement d'où il fuit que les fens ne fe trompent jamais. Leur unique office eft de rapporter les objets comme ils le doivent, & ils ne doivent les tapporter que conformément à leur propre conftitution. Je m'explique: on ne peut accufer d'erreur ni le verre qui groffit les objets, ni le verre qui les diminue, ni celui qui les rapproche , ni celui qui les éloigne. S'il étoit poffible de les en taxer, ce ne feroit que dans le cas où

[] Penfée Philof. Pensée LII.

le verre qui doit groffir les objets les diminueroit, où celui qui doit les diminuer les groffiroit &c. Or c'est ce qui n'arrive jamais. Il en eft de même de nos organes par rapport à nos fenfa tions. C'eft la contexture méchanique des premiers qui diverfifient les fecondes. Cette diverfité est très-grande, & fi grande que peut-être n'y a-t-il pas deux hommes qui de l'impreffion des mêmes objets reçoivent exactement les mêmes fenfations. Remarquez, Monfieur, que je dis exactement ; car pour ce qui eft des objets confidérés en euxmêmes, tous les hommes ont des mefures affez communes, & en jugent affez de la même manière. Si vous deman lez à tout Paris la hauteur précise des tours de fa Cathédrale, l'estimation variera prefqu'autant qu'il y aura de rêtes; mais il n'en fera pas ainfi, quand il fera queftion de prononcer fur l'exiftence de ces mêmes tours: alors le fentiment fera unanime. Il fe peut donc qu'un homme contrefaffe le boiteux : mais celui que S. Pierre redressa à la porte du Temple, n'étoit-il qu'un boiteux de cette efpéce? Un autre peut contrefaire l'aveugle; mais n'étoit-ce

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