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qu'une incommodité feinte que celle de l'aveugle né que JESUS CHRIST éclaira? c'est ce que l'Auteur devoit prouver. 2°. Bien qu'il foit vrai, Monfieur que les fens ne jugent jamais, ils peuvent cependant être employés comme témoins. Il ne s'agit que de fçavoir ap précier leur témoignage; ce qui n'est affurément pas difficile, au moyen de quelques obfervations que l'expérience ne manque pas de préfenter à tout efprit judicieux & attentif.

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3o. L'Auteur, qui paroît n'avoir pris le parti de nous donner des penfées détachées , que pour le difpenfer d'y mettre aucune liaison, ne nous a-t-il pas dit ci-devant que c'est avec un bâton qu'on a prouvé au Pyrrhonien qu'il avoit tort de nier fon existence [b]? Donc quoique les fens ne jugent point par euxmêmes, ils peuvent fervir, & fervent fouvent, en effet, à nous diriger dans nos jugemens. Ce feroit un monftre, qu'un homme qui fe défieroit en tout de les fens, & ne voudroit jamais s'en rapporter à leur témoignage.

4°. Je tombe d'accord avec l'Auteur,

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que la certitude que l'on peut tirer des fens, ne s'étend pas bien loin, & qu'il y a plufieurs chofes que l'on croit fçavoir par leur entremife, & dont on n'a point une pleine affurance; mais qu'il avoue donc auffi qu'il eft certaines chofes que nous ne connoiffons que par l'entremise des fens, & dont ils nous donnent une affurance pleine & entière. Quand je vois des gens qui concluent que nous ne fçavons rien, de ce que nous ne fçavons pas tout ; je dis, Monfieur, qu'il faut les regarder comme des Charlatans, jufqu'à ce qu'ils nous ayent fait voir que des gens qui ne fçavent rien, fçavent cependant ce que c'eft qu'une conféquence jufte, puifqu'ils prétendent la tirer.

5o. Je conviens encore 'que lorsque le témoignage des fens contredit, ou ne contrebalance point l'autorité de la raifon, il n'y a pas à opter ; & qu'en bonne logique, c'est à la raison qu'il faut s'en tenir. Mais je fuis bien éloigné d'adopter l'application tacite que notre Incrédule fait de ce principe aux miracles; & cela pour les raifons que nous avons déja déduites. Il est athée, s'il nie la poffibilité des miracles ; & il

ne s'entend pas lui-même, s'il admet d'un côté qu'ils font poffibles, & s'il prétend de l'autre qu'on ne fçauroit avoir une pleine affurance de leur réalité. Si Dieu peur faire des miracles, parce qu'il eft tout-puiffant; il ne peut pas, parce qu'il eft la vérité-même, les faire fervir au foutien de l'erreur. Ce que nous avons rapporté de S. Auguftin touchant les prodiges dont fe glorifient les Donatiftes s'applique naturellement à tous ceux que vantent les ennemis de la Religion chrétienne & catholique, foit hérétiques, foit idolâtres.

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N'oublions pas, Monfieur, d'obferver que l'Auteur des Penfées Philofophiques a paru changer de fentiment, lorf qu'applaudiffant à l'article Certitude de l'Encyclopédie, il s'eft avoué vaincu. Mais ou ce n'étoit qu'un jeu de fa part pour en imposer aux Lecteurs par une ingénuité affectée; ou c'eft un efprit dont les idées ont bien peu de confiftence, puifque, comme nous l'avons vu plus d'une fois, le même ton d'impiété reparoît tout de fuite dans plufieurs morceaux de l'Encyclopédie qui font de ce même Auteur.

que je ne vous ai rien dit de la XIV. des Penfées Philofophiques; parce que n'intéreffant pas la Religion elle n'entroit point dans notre objet. J'omettrai de même les Penfées LIII. & LIV. parce qu'il faudroit, pour les difcuter, rebattre des principes fuffisamment établis & développés dans nos Lettres précédentes. Je vais donc paffer à l'examen de la Pensée LV.

Je fuis, &c.

LETTRE XLVIII.

Sur la LV des Penfées Philofophiques.

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N' nous dit, Monfieur, que » tout

» raisonnement qui prouve pour » deux partis, ne prouve ni pour l'un »ni pour l'autre. Si le Fanatifme, ajoute - t - on, a fes Martyrs ainfi que la vraie Religion, & fi entre ceux » qui font morts pour la vraie Religion, » il y a eu des Fanatiques; ou comp» tons, fi nous le pouvons, le nombre

des morts, & croyons; ou cherchons » d'autres motifs de crédibilité [a].

Vous voyez que l'Auteur part d'un principe qui eft inconteftable en lui-même; mais il en abuse manifeftement. Si un raisonnement étoit véritablement commun à deux partis, & que tous deux fuffent également autorisés à le faire valoir, il eft clair qu'il ne prouveroit ni pour l'un ni pour l'autre ; parce qu'immanquablement il ne porteroit fur aucun point contefté. Ce feroit deux partis qui diroient vrai, chacun de leur côté, & qui conféquemment ne fe contrediroient pas. Mais il implique qu'un raifonnement prouve pour deux partis, fi l'on fuppofe ces deux partis contradictoires: car l'untiendroit pour la vérité, l'autre pour l'erreur;& nul raifonnementne fçauroit favorifer en même tems l'erreur & la vérité.Sans doute Monfieur,que le Fanatifme afes Martyrs,ainfi que la vraie Religion mais que l'on nous montre du côté du Fanatifme cette multitude prodigieufe de Martyrs de tout fexe, de tout âge, de toute condition, que compre la Religion Chrétienne, & entre lefquels

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