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fait une objection, & fe flatte d'y répondre. » Où les Intolérans, dit – il, ontils pris que l'esprit d'héréfie de bonne ›› foi, car il ne s'agit que de celle-là, »eft un esprit d'indépendance [a] ? «, Où ils l'ont pris, Monfieur? Dans le principe même des Proteftans, qui est que chacun doit juger pour lui-même, & qui ne s'entend pas moins des devoirs à pratiquer, que des vérités à croire. En conféquence de ce principe, chaque particulier, de quelque condition qu'il foit, après avoir jugé par lui-même de ce qu'il doit à Dieu, peut juger également de ce qu'il doit à son Souverain. En vertu de cette liberté que Luther appelle la liberté Chrétienne, chacun fe décidera fur l'étendue de l'Autorité publique, & confé. quemment fur la mesure de l'obéiffance qui lui eft due. C'eft encore par un effet de cette même liberté, que quelques Proteftans ont retranché une Lettre de ces paroles de faint Paul: Nemini aliquid debeatis, & qu'ils les ont rendues par celles-ci: Nemini aliquid debetis. Qu'est ce donc que l'indépendance, on ne la reconnoît pas à ces traits?

[a] l'Efp. de J. C. fur la Tolér. p. 167.

Dans l'Eglife Romaine, Monfieur la foumiffion au Souverain forme une vérité de Foi, dont nul Catholique ne peur fe départir. Il n'en eft pas ainfi du Proteftant qui n'a d'autre règle de Foi que l'interprétation qu'il lui plaît de donner à l'Ecriture. Citez-lui, tant que vous voudrez, les divers textes de ce Livredivin; le fens qu'il y trouvera fera toujours conforme à fes vues & à fes paffions. Avec un homme de cette trempe, le Prince aura beau dire: Voilà les titres de ma puiffance. Point du tout, repliquera-t-il, comme vous êtes Juge pour vous-même, je le fuis pour moi. Ce que vous croyez avoir droit d'exiger de moi, je crois être en droit de vous let refufer. Convainquez-moi, fi vous le pouvez; mais fi, pour me réduire, vous m'alleguez votre autorité, je vous dirai à mon tour qu'il n'eft point d'autorité qui puiffe balancer celle de JESUSCHRIST, & que celle-ci me favorife en tout point. Quel Juge alors, Monfieur, terminera le différend? Il faudra bien de part ou d'autre recourir aux voies de fait. Il faudra que le Souverain accompagne fes ordres de tout l'appareil

de fa puiffance, pour foumettre ce Raifonneur; ou que celui-ci faffe valoir fes chimériques prétentions, foit par lui-même, foit par des gens qui penfent comme lui, & dont le nombre puiffe réfifter à l'Autorité fouveraine. Or ne voilà-t-il pas la fédition, la révolte, l'anarchie, érigées en vérités de Foi?

Autre fource féconde en maximes d'indépendance. Quoique les Proteftans en général n'avouent point la Divinité de JESUS-CHRIST, ils s'accordent aflez cependant à traiter le Pape d'Antechrift, à dire que tout homme qui reconnoît le Pape pour Chef de l'Eglife eft l'ado-. rateur de l'Antechrift. Or les peuples féduits par les déclamations d'un Prédicant, feroient ils bien portés à obéir à un Prince Catholique qu'ils regarderoient comme l'adorateur de l'Antechrift? Ne croiroient-ils pas au contraire fe rendre coupables du même crime s'ils lui obéiffoient? Je fens bien, Monfieur que les Proteftans ne peuvent guères s'abftenir de donner cette dénomination odieufe aux Catholiques, qu'en convenant que Luther & Calvin n'étoient que des Enthoufiaftes & des infenfés:

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& dans ce cas que deviendroit la Prétendue Réforme ? Quand on nous aura fait voir qu'il faut tolérer des hommes qui, par principe de Religion, calomnient, faas jugement comme fans pudeur, les Souverains & leurs Etats, les Prétendus Réformés pourront avoir quelque droit à la tolérance civile. Nous ne prétendons pas au refte que tour fujer Proteftant d'un Prince Catholique, foit -néceffairement un fujet rebelle. Il eft très-poffible qu'en jugeant pour foi-même & par fes propres lumières du fens des divines Ecritures, on reconnoiffe ·les droits du Prince & que l'on le foumette à fes volontés. Notre unique intention eft de montrer ou conduit le principe de cette Secte.

» S'il eft arrivé à quelques Sectaires » de fe révolter, dit encore l'Auteur, » cela n'eft point venu de leur héré"fie [b]. « Quoi! des gens qui fe révol tent parce qu'on ne confent pas à les rendre faouls de Temples, ne fe révoltent pas pour la caufe de leur héréfie? Je conçois parfaitement, Monfieur, que

[b] Ibid. p. 171.

ces Sectaires ne fe revolteroient pas, fi on leur accordoit indifféremment tout ce qu'ils demandent. Mais leur héréfie mérite-t-elle donc une pareille déférence? Qui ne fçait combien elle eft infolente dans fes prétentions, & audacieuse dans fes entreprises? Qui ne fçait que dès qu'elle eft en état de s'armer, elle prend les armes à la main ? Pour qu'il foit vrai qu'une Secte infpire l'indépendance, il n'eft pas befoin, Monfieur, qu'elle mette la révolte au nombre de fes dogmes, il fuffit que fon efprit ne refpire que la liberté ; & comme la liberté de penfer amene l'héréfie; elle entraîne auffi la rebellion, parce que pour éviter l'une & l'autre, il faut des principes fixes & invariables.

» L'héréfie, ajoûte notre Auteur, ne fait rien à l'amour ni à la haine des peuples pour leurs Rois. Il en est de » même de l'orthodoxie, puisqu'on a » vu les Catholiques fe révolter aufli » fouvent que les autres contre leurs » Princes Hérétiques [c]. « Je réponds d'abord, Monfieur, qu'il n'eft pas aifé

[ c ] Ibid.

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