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Créateur qui abandonne fes ouvrages au hazard, & l'homme fur-tout le plus parfait de fes ouvrages, c'eft admettre un Dieu qui ne fçauroit l'être, c'est penfer comme moi fans vouloir en convenir. Auffi, Monfieur, examinerons-nous dans la fuite, fi l'Auteur qui plaide ici la caufe du Déifme, ne nous parle pas autre part en faveur de l'Athéifme.

4°. Il nous dit que le Dieu du fuperf titieux n'eft qu'un être d'imagination. Ici revient l'obfervation que nous venons de faire. S'il n'entendoit par fuperftitieux que des hommes tels qu'étoient les Payens, & tels que font encore à préfent les Idolâtres du Japon & de la Chine, il auroit raison. Mais ce mot, dans le fens de l'Auteur, a une fignification plus étendue ; il embraffe dans fa généralité tous les hommes qui rendent au vrai Dieu un culte illegitime. Or le vrai Dieu eft-il un être d'imagi nation? Lui rendre un hommage qu'il n'exige point, ou même qu'il condamne eft-ce méconnoître fon exiftence ? N'estce pas au contraire annoncer qu'on la croit fermement ?

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ferve fait affez clairement entendre qu'en qualité de Chrétiens, Nicole & Pascal étoient fuperftitieux. Je ne sçache pourtant pas, Monfieur, qu'ils ayent imaginé de nouvelles preuves de l'exiftence de Dieu. Il paroît donc certain. qu'il en veut aux preuves ordinaires employées par ces deux Ecrivains. Si les deux autres qu'il n'a pas jugé à propos de nommer en ont apporté de meilleures, que ne les produifoit-il, pour justifier la pré. férence qu'il leur donne ?

Je fuis, &c.

LETTRE

XII.

Réflexions fur la XVe des Penfées Philofophiques.

'Auteur des Penjées Philofophiques, après avoir rapporté contre l'exiftence de Dieu tout ce qu'il a pu trouver de plus fort, fuppofe qu'on ne répond à toutes ces objections qu'en difant que celui qui les fait eft un fcélérat, qui s'il n'avoit rien à craindre de Dieu, n'en combattroit pas l'exiftence. » Laif

> fons, poursuit-il, cette phrase aux » Déclamateurs : elle peut choquer la » vérité; l'urbanité la défend, & elle » marque peu de charité. Parce qu'un » homme a tort de ne pas croire en >> Dieu, avons-nous raifon de l'injurier? » On n'a recours aux invectives que » quand on manque de preuves. Entre » deux Controverfistes, il y a cent à » parier contre un, que celui qui aura » tort fe fâchera. Tu prends ton ton» nerre, au lieu de répondre, dit Mé» nippe à Jupiter; tu as donc tort [a].

Sans examiner d'où peut venir le tendre intérêt que l'Auteur prend aux Athées, je demande d'abord, Monfieur, fi tous ceux qui leur répondent fe bornent à les traiter de fcélérats? Dans combien d'ouvrages également folides & lumineux, les preuves de l'existence de Dieu ne font-elles pas portées jusqu'à la démonftration? Eft-ce donc anéantir ces preuves, que de les diffimuler? Si on taxe les Athées de fcélérateffe, ce reproche eft fans doute fondé fur toutes les horreurs qui naiffent de leur fyftême. L'Au

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teur veut qu'on laiffe cette phraje aux Déclamateurs. Ce font bien plutôt les outrages que lui & fes pareils font au Chriftianifme, qui ne font que pures déclamations. Il ajoûte que cette phrafe peut choquer la vérité, que l'urbanité la défend, & qu'elle marque peu de charité. Mais a-t-on jamais dit que tout - Athée foit néceffairement un fcélérat? N'avoue-t-on qu'il eft capable d'actions moralement bonnes? Au refte, Monfieur, je ne vois pas que l'on manque aux loix de l'urbanité, ni à celles de la charité, en difant que des hommes qui fement des principes d'où réfulte le défordre de la fociété, font des fcélérats, finon dans la pratique, du moins dans la théorie. Il me paroît au contraire que des maîtres en fait de fcélérateffe font des fcélérats du premier ordre; puifque leur doctrine ne tend qu'à ôter au genre humain l'idée de la Divinité, l'efpérance d'une gloire fans fin, la crainte d'un châtiment éternel; puifqu'ils rompent la digue de toutes les paffions, & que la paffion ofe tout, dès qu'elle peut fe promettre l'impunité. Si la juftice feculière eft établie pour maintenir l'ordre public, il faut donc qu'on avoue qu'elle

doit févir contre les Athées, ou qu'on nous montre qu'elle ne peut rien contre le défordre; ce qu'on ne prouvera certainement pas en nous répétant les miférables fophifmes de Bayle. Lors donc qu'elle prendra fon tonnerre contre de pareils Citoyens, un Philofophe pourra-t-il dire qu'elle ait tort? Quant au défaut d'urbanité & de charité qu'on croir appercevoir dans cette phrase, je répons, Monfieur, qu'il n'est point de Loi qui empêche de dire que les Athées nient l'existence de Dieu, précisément parce qu'ils ont peur de fa juftice. Jamais la charité ne défendit de décréditer l'impie, en avertiffant que c'eft prefque toujours la malice de fes actions qui corrompt fes idées. Le grand Rouffeau qui connoiffoit d'autant mieux l'impiété qu'il *avoit été lui-même le jouet de fes illufions, dans une Epître où il en parle avec aurant de mépris que de vérité, le grand Rouffeau dit très-bien:

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>> De nos erreurs tu le fçais, cher Racine
» La déplorable & funefte origine..
» N'eft pas toujours, comme on veut l'af
>> furer,

55 Dans notre efprit facile à s'égarer ;
so Et fa fierté dépendante & captive

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