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» C'est le cœur feul, le cœur qui le conduit >> Et qui toujours l'éclaire ou le féduit, &c.[b]. Ces reproches qui paroiffent vagues, ne trouvent que trop fouvent leur application.

Parce qu'un homme a tort de ne pas croire en Dieu, dit notre Auteur, avonsnous raifon de l'injurier? Je puis demander à mon tour, fi les Athées ont raifon d'injurier un homme, parce qu'il croit en Dieu ? Or que d'injures ne coulent pas journellement de leur plume, & de celle même de notre Moralifte, contre la Religion & contre fes défenfeurs! Refte toujours à fçavoir fi c'eft injurier un Athée, que de prétendre que la fource des erreurs de fon efprit eft dans fon cœur. Mais la paffion s'irrite, dès qu'on la contredit, & fur-taut celle de l'orgueil. Voilà pourquoi les Impies perdent fi_aisément patience malgré toute leur Philofophie.

L'Auteur ajoute qu'on n'a recours aux invectives, que quand on manque de

[6] Cuv. de Rouff. Epît. à M. Racine Au teur du Poëme intitulé: La Religion,

preuves. Cette maxime générale eft trèsfaulle. Les invectives d'un Plaideur contre fon Adverfaire qui refuferoit de fe rendre à l'évidence de fes preuves, n'en montreroient nullement l'infuffifance. Il n'y a donc point à parier que celui qui fe fâche a tort, jufqu'à ce que les raifons alléguées de part & d'autre foient bien pefées ce font les preuves qui décident, & non les invectives; mais les invectives ne détruifent point les preuves. Ciceron fe fâchoit bien réellement, il invectivoit très-fortement contre Catilina, contre Antoine, &c. En conclure qu'il avoit tort & le parier, ç'eût été tirer une mauvaise conféquence, & faire un fot pari. Ce qu'on met ici dans la bouche de Ménippe parlant à Jupiter, eft une abfurdité. Car fuppofé que Jupiter eût en effet la toute puiffance, ce Dieu, en foudroyant Ménippe qui la lui conteftoit, la prouvoit d'une manière à laquelle il n'y avoit point de replique.

Je fuis, &c.

LETTRE XIII.

Sur la XVIe des Penfées Philofophiques.

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ON

N demandoit un jour à quelqu'un s'il y avoit de vrais Athées. » Croyez-vous, répondit-il, qu'il y ait » de vrais Chrétiens [a] « Croyezvous, Monfieur, que cette Penfée foit bien Philofophique? Quel peut être le mot de cette énigme? Veut-on dire qu'il eft auffi facile, ou auffi difficile d'être véritablement Athée, que d'être vraiment Chrétien que les vrais Chrétiens font en auffi petit nombre ou en auffi grand nombre que les vrais Athées? Quelle que foit la penfée de l'Auteur, elle nous paroît fauffe dans tous les fens poffibles. Il eft faux qu'il foit auffi difficile de devenir vrai Chrétien, que vrai Athée. Il eft faux qu'il foit auffi facile de devenir vrai Athée que vrai Chrétien. Il eft faux qu'il y ait auffi peu de vrais Chrétiens que de vrais Athées. Enfin il

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eft faux qu'il y ait autant de vrais Athées que de vrais Chrétiens.

Autre obfcurité. On ne nous dit point, Monfieur, ce qu'on entend par vrais Chrétiens, & par vrais Athées. Ces mots, pris en eux-mêmes, ont fans doute un fens déterminé ; mais il s'agit de fçavoir quel eft celui que leur donne l'Auteur. S'il n'entend par vrais Athées que ceux qui par un examen réfléchi font parvenus à fe convaincre intimement que Dieu n'exifte pas, nous fommes perfuadés que la chofe eft au moins très difficile; nous fornines même certains qu'elle eft impoffible, s'il s'agit d'une conviction philofophique & bien raisonnée de l'inéxiftence de Dieu. La preuve de cette impoffibilité réfulte affez clairement de l'abfurdité intolérable de tous les fyftêmes d'Athéisme enfantés jusqu'à nos jours. La plupart de ceux qui fe difent Athées, ou qui croient l'être, ne le font très-certainement, que parce qu'ils ont des paffions fortes dont ils voudroient fe cacher le vice, ou qu'ils voudroient même traveftir en vertus.

Si d'un autre côté, l'Auteur n'admet

de vrais Chrétiens que ceux qui atteignent au plus fublime degré de la perfection Chrétienne, & qui obfervent l'Evangile comme il devroit être observé, je conviendrai fans peine que non-feulement le nombre des vrais Chrétiens eft très-petit, mais même qu'il n'y a pas de vrais Chrétiens. » Si nous difons que »nous fommes fans péché, dit faint »Jean, nous nous trompons nous-mê» mes,& la vérité n'eft point en nous [6].« Ce feroit une illufion funefte, une préfomption infupportable que de ne pas parler comme cet Apôtre. On peut donc être vrai Chrétien, fans être parvenu à la dernière perfection du Chriftianif me; à peu près comme on eft homme, fans avoir toutes les proportions néceffaires pour former un homme accompli quant à la figure & à la taille; ou, fi vous voulez, comme on est homme raisonnable, quoiqu'on ne pofféde pas le fouverain degré de Raifon dont l'efprit humain eft abfolument fufceptible. Parmi les Chrétiens imparfaits dans ce fens, il en eft beaucoup qui feroient prêts à fceller de leur fang la

[6] I. Joan. c. 2. ¥. 8.

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