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Houx. Cf. anc. fr. faire Jacques Desloges, s'enfuir (« c'est par allusion de desloger », Oudin, »>, Oudin, 1640).

L'épithète saint, précédant le terme proprement dit, produit un effet analogue : le jeu de marelle porte, dans l'ancien argot, tantôt le nom de Saint-Joyeux (1455), et tantôt celui de Saint-Marry, c'est-à-dire marri, triste. L'ancien français connait des saints tels que : Saint-Pyon, patron des buveurs (Ancien Théâtre français, II, 52), ou Saint-Trotin, patron des coureuses (Ibid., p. 415); le français populaire moderne, des saints tels que SaintLâche, paresseux, Saint-Longin, nonchalant, et Sainte-Touche, jour de la paye (Delesalle). Dans le patois picard, Saint-Panchard est le nom donné au mardi-gras, appelé en lorrain Saint-Crevaz, en provençal Sant-Crebassi, car on fait alors des ripailles, des crevailles.

Les noms géographiques se prêtent tout particulièrement à cette catégorie de jeux de mots ou de calembours. Tels sont :

l'angou

ANGOULÈME, bouche (Jargon, 1728 lême, la bouche); de là, aller en Angoulesme, par allusion à engouler, c'est-à-dire avallé, beu ou mangé (Oudin, 1640), ou faire passer par Angoulesme, id. (d'où le poitevin prangoulême : « l'argent, les vaches, les écus ont passé prangoulême, ont été avalés », Favre), auj. Berry faire passer par la voie d'Angoulême, avaler.

NIORT, dans la loculion aller à Niort, nier un fait (Vidocq), ou prendre le chemin de Niort, nier une chose (Oudin, 1640).

POITOU, point, non, rien (Jargon, 1628), encore dans Vidocq (XVIII : n'épargnons le poitou); cf. fourb. nicolo, non (calão nicles), propr. Nicolas. ROUEN (aller à), se ruiner (Vidocq).

Le fourbesque dit également andar in Picardia, être pendu (= aller en Picardie), rè di Granata, blé (= roi de Grenade, pour grano), et rè di Capadocia, chapon (= roi de Cappadoce, pour capone).

On trouve en ancien français: aller à Cachan, se cacher, se desrober aux poursuites de ses créanciers (Oudin, 1640), et envoyer à Mortaigne, tuer (Id.), aller à Saint-Bezet, ne savoir rester en place, errer (Cotgrave), comme les vaches piquées par les mouches (picard bezer, id.).

Dans le patois berrichon : j'ai besoin d'aller à Argenton (ville du département de l'Indre), j'ai besoin d'argent; aller à Cracovie, mentir (cf. craque1, menterie); aller à Crevant (petit bourg du pays), se mourir ou être mort; le v'là parti à Dormillon (nom d'un village près d'Arcueil), disent les vignerons quand ils voient quelqu'un se laisser aller au sommeil; aller à Turin (c.-à-d. tue-ren), qui se dit de tout mauvais chasseur (Jaubert).

1. Craquelin, menteur, se trouve chez Granval (1725), et dans les éditions ultérieures du Jargon.

DEUXIÈME PARTIE

ÉLÉMENTS EMPRUNTÉS

« L'argot est toute une langue dans la langue, une sorte d'excroissance maladive, une greffe malsaine qui a produit une végétation, un parasite qui a ses racines dans le vieux tronc gaulois et dont le feuillage sinistre rampe sur tout un côté de la langue. Ceci est ce qu'on pourrait appeler le premier aspect, l'aspect vulgaire de l'argot. Mais pour ceux qui étudient la langue ainsi qu'il faut l'étudier, c'est-à-dire comme les géologues étudient la terre, l'argot apparaît comme une véritable alluvion. Selon qu'on y creuse plus ou moins avant, on trouve dans l'argot, au-dessous du vieux français populaire, le provençal, l'espagnol, de l'italien, du levantin, cette langue des portes de la Méditerranée, de l'anglais et de l'allemand, du roman dans ses trois variétés, roman français, roman italien et roman roman, du latin, enfin du basque et du

celte. Formation profonde et bizarre. Edifice souterrain bâti en commun par tous les misérables. Chaque race maudite y a déposé sa couche, chaque souffrance a laissé tomber sa pierre, chaque cœur a donné son caillou 1. »

Cette caractéristique de Victor Hugo ne doit pas être prise au pied de la lettre. L'argot ignore tout élément germanique, et ce qu'il en possède, il le doit aux patois. Les emprunts allemands dont il s'agit sont, dans les patois mêmes, d'origine moderne, ayant été importés par les Allemands lors de l'invasion de 1815. C'est de cette époque que datent, par exemple, les termes picards chelofe (aller à), aller coucher, et choumaque, cordonnier (ce dernier familier également à la Lorraine et à la Franche-Comté), qui ont pénétré dans le parler populaire, à côté de chouflique, savetier (Delesalle), et de chtibes, bottes (Id.), d'où enchti ber, emprisonner (= mettre en bottes). Ces termes n'ont rien de commun avec l'argot proprement dit, ancien ou moderne, et le répertoire de Vidocq les ignore complètement 2. « Le contact de

1. Victor Hugo, Les Misérables, éd. Hetzel, vol. V, p. 211 à 234 : l'Argot (origines, racines, etc.). Le passage cité se trouve à la p. 220. Voir l'Appendice.

2. On lit pourtant du schnouff, du tabac (= allem. Schnupftabak), dans le vocabulaire des Chauffeurs de 1800. Le terme beausse, riche bourgeois (Vidocq), qui serait le hollandais baas, patron, est expressément indiqué comme spécial aux voleurs flamands; il a pénétré, par l'argot, dans le patois savoyard: bôsse, maître, patron.

la France et de l'Allemagne, nous dit Fr.-Michel (Introd., XXX), dota l'argot de quelques mots d'origine et même de physionomie germaniques ; mais on les compte, et il ne faut pas beaucoup de temps pour cette opération. » Formulée même avec cette restriction, l'assertion ne répond pas à la réalité.

Il ne peut pas être non plus question, en ce qui concerne le vocabulaire argotique, d'emprunts faits au latin, au celte ou au basque. On n'a jamais soutenu sérieusement que le latin ait rien fourni à l'argot.

Y a-t-il des mots bretons dans l'argot? M. E. Ernault l'a affirmé 1, en citant à l'appui les termes bras, grand (bret. bras), esgourne, oreille, esgouverne, id. (« qui rappelle plutôt le gallois ysgyfarn, mais aussi le fr. gouverner »), plouse, paille (bret. plousenn, id. : « Ce doit être le correspondant du fr. pelouse ») et quimper, tomber (« du gallois cwimpo, id., mais la priorité de celui-ci n'est pas prouvée », pouvant venir tous les deux d'un bas-lat. *coinpere pour coinquere, sc. arbores).

Remarquons que les termes cités appartiennent à la dernière édition du Jargon, celle de 1836, et que M. Ernault doute lui-même de l'origine bretonne de esgourne (auj. esgourde, propr. la dégourdie), et de quimper. Quant à bras (fém. brasse) 1. Revue celtique, VII, 50, 252, et XV, 364.

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