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dans les opérations consommées. Mais rien de tel n'existe quant à la dépréciation à venir de la charge, car non seulement rien n'est consommé quant à cette dépréciation, mais encore la communauté du titre n'est jamais entrée dans la communauté de fait.

Du 15 DÉCEMBRE 1851, arrêt C. cass., ch. req., MM. Mesnard prés., Taillandier rapp., Sévin av. gén. (concl. conf.), Delaborde av.

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« LA COUR; Attendu que, si, en principe, les charges d'agent de change, comme toutes celles qui constituent une délégation de la puissance publique, ne peuvent devenir l'objet d'une société licite, lorsque néanmoins une société de fait s'établit pour l'exploitation d'une charge de cette nature, il en résulte des rapports et des droits entre les prétendus associés pour le règlement et le partage de leurs intérêts respectifs; Attendu, en fait, que les sieurs Mège, Velay et Couvert s'étaient associés pendant un laps de six années pour l'exploitation d'une charge d'agent de change à Lyon, dont Couvert était titulaire, et qu'indépendamment de leurs mises de fonds respectives, ils avaient déterminé les conditions de leurs profits et pertes dans cette exploitation, et stipulé que la plus ou moins-value de l'office, à l'expiration des six années, serait supportée par tiers entre eux; Attendu qu'en ordonnant l'exécution de la convention qui soumettait chaque contractant à la chance aléatoire de perte ou de bénéfice, suivant la valeur de l'office au temps fixé, la Cour de Lyon n'a pas violé les art. 1108, 1131 et 1133 C. civ.; REJETTE, etc. »

LYON (28 février 1853).

associés. Les sieurs Garcin, Côte et Noailly, créanciers de la société, et qui avaient été admis au passif de la faillite du sieur Couvert, titulaire de l'office, pour 24,000 fr., crurent pouvoir actionner tant le syndic de la faillite Couvert que les sieurs Mège et Velay, et demander contre eux la condamnation solidaire au paiement de ladite somme de 24,000 fr.

Le 3 août 1852, jugement du tribunal de mal fondée quant à la solidarité, se borne à commerce de Lyon qui, déclarant la demande condamner les défendeurs, individuellement, chacun pour sa part dans les 24,000 fr., et au prorata de ses intérêts dans la gestion de l'office. Appel.

Du 28 FÉVRIER 1853, arrêt C. Lyon, 4 ch., MM. Seriziat prés., d'Aiguy av. gen., Perras, Rambaud et Duquaire av.

<< LA COUR; - Attendu que la convention verbalement intervenue le 1er juil. 1847 entre Couvert, Velay et Mège, dans le but de mettre en commun les profits de la charge d'agent de change dont Couvert était titulaire, doit être considérée comme entachée d'une nullité radicale; qu'en effet les offices conférés par le gouvernement sont essentiellement personnels; qu'ils doivent être exploités exclusivement par celui qui en est pourvu; d'où il suit que tout pacte d'association devant, par sa nature, créer une immixtion étrangère, par cela même est illicite, quelles que soient les clauses à l'aide desquelles on ait voulu dissimuler ce vice; Attendu que, dès lors, les appelants ne peuvent prétendre que Velay et Mège doivent, à raison de leur société avec Couvert, être réputés ses codébiteurs solidaires, parcequ'ils ne sauraient emprunter à un contrat réprouvé par la loi les éléments d'une action utile; vainement ils se prévalent de l'art. 42 C. comm. pour en induire que la nullité d'une société ne peut être opposée aux tiers; que cet article est fait pour le cas où une association valablement 1833; C. comm. 18 et suiv. contractée est déclarée sans effet parceque les Cette nullité est opposable même aux créanciers formalités prescrites pour sa publicité n'ont qui ont traité avec le titulaire de l'office agis-point été remplies, et non pour celui d'une assant, au nom de la société, pour repousser lièrement exister; que déjà ces principes ont sociation prohibée, et qui n'a jamais pu régul'action solidaire qu'ils prétendent exercer contre chacun des associés; ces derniers ne sont été reconnus par la Cour dans un arrêt précédemment rendu entre les parties, et que leur portée s'applique aussi bien à la société en commandite qu'à la société en nom collectif;.... Par ces motifs, DIT et PRONONCE que l'appel est mis à néant; ORDONNE, en conséquence, que le jugement du 3 août 1852 sortira son plein et entier effet. »

OFFICE, AGENT DE CHANGE,

SOCIÉTÉ, ASSOCIÉS, SOLIDARITÉ, CRÉANCIERS. La société formée pour l'exploitation d'un office, spécialement pour celle d'une charge d'agent de change, est radicalement nulle (1). C. Nap.

tenus au paiement des créances faisant l'objet des poursuites qu'individuellement et chacun au prorata de son intérêt dans la société (2).

COUVERT ET VELAY C. GARCIN ET COTE.

Un arrêt de la Cour de Lyon du 9 déc. 1850 (V. t. 1 1851, p. 52), maintenu par la Cour de cassation le 15 déc. 1851 (arrêt qui précède), a déclaré nulle la société formée par les sieurs Couvert, Mège et Velay, pour l'exploitation d'une charge d'agent de change, mais a décidé en même temps que cette société, quoique nulle, n'en avait pas moins effet pour le passé entre les

(1-2) V. Cass. 15 déc. 1851 (qui précède), et la note. V. aussi Rép. gen. Journ. Pal., vis Agent de change, nos 235 et suiv.; Office, nos 154 et suiv.

Que

BORDEAUX (8 juin 1853). COURTIERS DE COMMERCE, ACTES DE COMMERCE, COMPÉTENCE, OFFICE, SOCIÉTÉ, PRODUITS, CONTESTATIONS, COMPÉTENCE. Les courtiers, bien qu'officiers publics et ne pou. vant se livrer au commerce pour leur compte, n'en sont pas moins des agents commerciaux dont les attributions et les devoirs sont réglés par le Code de commerce; partant, des com

merçants, justiciables des tribunaux de cóm-
merce pour tout ce qui se rattache à l'exercice
de leur profession (1).

La société établie pour l'exploitation d'un brevet
de courtier est illicite et nulle (2).
Toutefois, si une telle société a subsisté de fait,
les relations qu'elle a établies se rattachant tou-
tes à des actes de commerce, le tribunal de
commerce est compétent pour en connaître (3):
ainsi, c'est devant ce tribunal que doivent
étre portées les contestations survenues en-
tre le titulaire et ses associés prétendus rela-
tivement au partage des produits de la charge. |

CONSTANTIN C. LABORDE.

DU 8 JUIN 1853, arrêt C. Bordeaux, 1re ch., MM. de la Seiglière 1er prés., Dupré 1er av. gén., Bras-Lafitte et Worms av.

« LA COUR; Attendu que l'appelant exerce la profession de courtier; que, si les courtiers sont des officiers publics, ils sont des agents commerciaux dont les attributions et les devoirs sont réglés par le Code de commerce;

Que l'art. 1er de ce Code range dans la classe des commerçants tous ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle, et que l'art. 632 réputé acte de commerce toute opération de courtage; Qu'ainsi, bien qu'aux termes de l'art. 85 du même Code, les courtiers ne puissent se livrer au commerce pour leur compte, ils n'en sont pas moins assimilés aux commerçants et justiciables des tribunaux de commerce pour tout ce qui se rattache à l'exercice de leur profession; >> Attendu que la dette pour laquelle l'ap

de comm.,

(1) Cette solution est consacrée par la doctrine et par la jurisprudence. V. notamment trib. comm. de Paris, 30 janv. 1832 (avec Paris, 2 août 1832); Rennes, 29 janv. 1839 (t. 1 1841, p. 401); - Vincens, Législ. comm., t. 1er, p. 62; Mollot, Bourses 3e éd., no 880; Durand Saint-Amand, Man. du court. de comm., p. 257; Orillard, Compet. des trib. de comm., no 362; Nouguier, Des trib. de comm, t. 1er, p. 461 et suiv.; Goujet et Merger, Dict. de dr. comm., vo Courtiers, no 50; Sebire et Carteret, Encyclop. du dr., vo Courtier, no 15; Rolland de Villargues, Rép. du notar., vo Commerç., no 11;—Rép. gén. Journ. Pal., vis Commerçant, no 106; Courtiers, no 3. V. cependant Bioche, Dict. de proc., vo Agent de change, no 5.

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(2) V. conf. Rennes, 9 avril 1851 (t. 21851, p. 280). Contr. Mollot, Bourses de comm., no 416. V. aussi Bruxelles, 18 juil. 1829.

V., au reste, sur la question analogue de savoir si une société peut être formée pour l'exploitation d'une charge d'agent de change, Cass. 15 déc. 1851 (sup., p. 609), et la note détaillée; Lyon, 28 fév. 1853 (qui précède).

(3) On comprend que la solution de cette question dépend uniquement et nécessairement de celle de savoir si les courtiers sont ou ne sont pas commerçants. V. Bioche, Dict. de proc., vo Agent de change, no 16;-Rep. gen. Journ. Pal., yo Société, no 93. (4-5) Autant la dernière de ces deux propositions est incontestable, autant la première paraît susceptible de critique; et on peut d'autant plus regretter de la voir proclamée ici par la Cour de Lyon, que, son arrêt n'ayant nul besoin de cette idée pour motiver sa solution (qui est suffisamment et pleinement justifiée par la proposition postérieure), elle pou

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pelant était assigné devant le tribunal de commerce avait pour cause une société établie entre lui et l'intimé pour l'exploitation du brevet de courtier; Que cette société illicite a été avec raison annulée par le tribunal, mais qu'elle n'en a pas moins subsisté de fait pendant plusieurs années; - Que, les, relations qu'elle a établies entre les parties se rattachant toutes à des actes de commerce, le tribunal de commerce était compétent pour connaître de la demande, tant à raison de la qualité du défendeur qu'à raison de l'origine et de la nature de la créance qui faisait l'objet du procès; REJETTE l'exception d'incompétence proposée par gement rendu par le tribunal de commerce de l'appelant; MAINTIENT, en conséquence, le ju Bordeaux le 12 nov. 1852. »

LYON (9 avril 1851).

MEUBLES, POSSESSION SYMBOLIQUE, CLEFS,
REMISE PARTIELLE.

La présomption légale de propriété posée pour
les meubles par l'art. 2279 C. Nap. n'est
point attachée à la possession symbolique,
mais seulement à la possession effective et
réelle (4). C. Nap. 1141, 2279.

La possession symbolique ne pourrait d'ailleurs produire effet qu'autant qu'elle serait exempte d'équivoque et d'ambiguïté, et surtout exclusive de tout droit étranger; et ces caractères ne se trouvent pas dans la détention de partie seulement des clefs du meuble, clefs dont l'autre partie est restée aux mains de l'adversaire (5).

vait parfaitement s'abstenir d'émettre un principe dont la justesse est au moins douteuse. Que la possession, symbolique ou non, ne puisse donner lieu à l'application de l'art. 2279 que quand elle est exempte d'équivoque et surtout exclusive d'un droit étranger, cela est certain, puisque demander ces deux conditions, c'est tout simplement appliquer l'art. 2229, qui exige, d'accord avec la raison, que la possession nécessaire à la prescription soit non équivoque et à titre de propriétaire. Il est donc manifeste que la dame Blanc-Praslon, qui détenait, non pas le meuble litigieux, non pas même la clef du bâtiment qui renfermait ce meuble, mais seulement une clef du meuble lui-même, et avec cette circonstance encore qu'une autre clef semblable avait toujours été aux mains de son adversaire, le sieur Callinet, il est manifeste que cette dame n'avait nullement le meuble en sa possession, sous sa puissance et sa maîtrise. La clef qu'elle avait n'étant, d'une part, qu'une des clefs dont une autre était chez Callinet, cette clef n'établissait à son profit aucun indice d'un droit privatif; et, quand même, d'autre part, cette clef eût été unique, comme c'était celle du meuble lui-même, de l'orgue portatif, et non pas celle du bâtiment qui contenait ce meuble, bâtiment dont l'entrée même pouvait ainsi être interdite à la dame Blanc-Praslon, il est clair que cette dame ne pouvait nullement se dire en possession du meuble.

· L'arrêt est donc irréprochable, et dans sa solution, et dans le dernier des deux motifs sur lesquels il l'appuie et qui la justifie parfaitement.

Mais l'est-il de même dans le premier de ces deux motifs, et ne faut-il pas reconnaître au contraire que celui-ci, en même temps qu'il était inutile, est d'ailleurs peu exact? L'arrêt déclare que la

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BLANC-PRASLON C. CALLINET.

Le 2 juil. 1850, jugement du tribunal civil de Lyon ainsi conçu :

pôt, jusqu'à ce que l'administration du collége futautorisée à l'acheter, ou qu'il pût être vendu à un autre établissement; Attendu que, soit qu'on considère la vente comme résolue, soit qu'on la considère comme existante encore, il est, dans tous les cas, certain que la dame BlancPraslon ne pouvait avoir plus de droit que Faivre, dont elle était l'associée; qu'il est évident qu'en cette qualité Callinet peut lui opposer toutes les exceptions qu'il pouvait opposer à Faivre lui-même, et lui demander, aux termes de

« Attendu qu'il résulte des débats de l'audience et des explications contradictoires des parties que, dans un but de spéculation religieuse, le sieur Faivre, de concert avec la dame Blanc-Praslon, aurait verbalement acheté de Callinet l'orgue qui a été placé dans la chapelle du collége; Attendu que, si la dame veuve Blanc-Praslon ne figure pas dans les corres-l'art. 1184 C. civ., la résolution du contrat de pondances échangées entre Faivre et Callinet vente avec dommages-intérêts, ou le paiement à l'occasion de la vente de cet orgue, néan- du prix de l'orgue aux conditions convenues; moins il est constant, par les déclarations de mais qu'il serait contraire à tous les principes la dame Blanc-Praslon elle-même, qu'elle de- de droit qu'elle pût se prévaloir d'une préten vait fournir les deniers pour le prix de cet or- due cession verbale de l'orgue qui lui aurait été gue; Attendu que, soit parceque la spécu- consentie par Faivre; en qualité d'associée, lation aurait paru mauvaise, soit parceque les elle ne peut conserver la propriété de l'orgue fonds remis par la veuve Blanc-Praslon à Fai- qu'à la condition d'en payer le prix, qui est une vre avaient été employés à une autre destina- dette sociale; ou bien, au contraire, si elle tion, la vente verbale de l'orgue aurait été ré- n'est qu'un tiers créancier de Faivre, acquéreur solue du consentement réciproque de Faivre et de l'orgue, pour recouvrer sa créance, la préde Callinet, et l'orgue provisoirement placé par tendue vente dont elle se prévaut n'est, en réacelui-ci dans l'église du collége, assuré contre lité, qu'un contrat pignoratif; or, la garantie et l'incendie, et où il devait rester à titre de dé- le privilége qu'elle aurait voulu se créer ne pourprésomption de propriété établie pour les meubles « le tiers acquéreur d'un objet mobilier, lorsqu'il en a par l'art. 2279 n'est point attachée à la possession la possession, puise dans ce fait de possession un symbolique. Or, outre qu'on pourrait voir dans ces droit personnel indépendant de celui de son auteur, et mots de présomption de proprieté une idée fausse, suffisant pour écarter TOUTE revendication.» Cette phraémise déjà par quelques autres arrêts et critiquée se semble bien repousser l'idée d'une preuve contraiavec force par M. Troplong et M. Marcadé (idée tou- re, et on doit penser dès lors que c'est sans dessein tefois qui ne paraît pas être, au fond, dans la pensée que l'arrêt se sert plus loin des expressions inexacde la Cour de Lyon), est-il vrai, d'ailleurs, que l'art. tes de présomption de propriété.-Il n'en est plus de 2279 ne s'applique point au cas de possession sym-même, et le vice ne se réduit plus ainsi à un simbolique? Quant au premier point, qualifier seule-ple cas de rédaction incorrecte, pour ce qui est du ment de présomption de proprieté le bénéfice établi par l'art. 2279, ne serait-ce pas donner à entendre que cet article a simplement consacré cette idée, pré- | sentée autrefois par Denizart comme résultat de la jurisprudence constante du Châtelet de Paris, que celui qui est en possession d'un meuble en est répute propriétaire, sauf la preuve contraire, idée qui a été formellement admise par quelques arrêts, notamment par les arrêts de Montpellier, 5 janv. 1827; Bordeaux, 21 déc. 1832; Nîmes, 8 janv. 1833 et 22 20ût 1842 (t. 1 1844, p. 26)? Or cette idée. que Toullier lui-même, dans une longue et savante dissertation, s'était efforcé d'accréditer (Dr. civ., t. 14, nos 104 à 119, serait cependant une grave erreur, comme l'ont démontré M. Troplong, dans son savant commentaire de l'art. 2279 (Prescription, t. 2, nos 1043 et suiv.), et tout récemment M. Marcadé, dans le remarquable Commentaire-Traité de la prescription, qu'il vient de publier (sur l'art. 2279, no 4er). Ces deux jurisconsultes établissent clairement que, par cette phrase assez obscure, En fait de meubles possession vant litre, le Code a positivement entendu reproduire et consacrer cette ancienne règle, autrefois présentée (à tort ou à raison) par Bourjon (Droit commun de la France, t. 1er, p. 458 et 1094) comme étant le principe constant du susdit Châtelet de Paris, que la possession d'un meuble (quand elle est de bonne foi et fondée sur un juste titre d'acquisition) rend instantanément propriétaire par prescription. Ainsi ce n'est pas simplement une présomption de propriété, comme on le dit trop souvent, que le Code édicte ici, c'est bien positivement une attribution de la propriété au moyen de la prescription, qui est, on le sait, un des modes légaux d'acquisition. --Du reste, telle paraît être aussi, au fond, la pensée de l'arrêt que nous recueillons, puisqu'il reconnaît que, d'après l'art. 2279,

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second point que nous avons signalé. L'arrêt n'a pas deux sens possibles quand il déclare le bénéfice de l'art. 2279 inapplicable au cas de possession symbolique. Or, cette idée est-elle exacte ?..... Qu'est-ce que cette possession symbolique, et en quoi veut-on l'opposer à la possession effective et réelle, qui serait, dit-on, seule suffisante pour produire la prescription? Est-ce que les marchandises contenues dans un magasin ne me sont pas suffisamment livrées et très réellement mises à ma disposition, et, dès lors, sons ma possession, alors qu'on me remet les clefs de ce magasin? Est-ce qu'il ne faut pas reconnaître avec M. Marcadé (Explic. C. Nap., sur les art. 1604 et suiv., no1, in fine) que les idées de nos anciens doeteurs sur les différentes espèces de possessions ou traditions symboliques, allégoriques et fictives « ne sont plus de mise sous le Code, et qu'il faut se contenter de dire aujourd'hui que, dans une vente, la délivrance est accomplie quand, de quelque manière que ce soit, l'acheteur se trouve avoir la chose en sa possession, sous sa puissance»? Les possessions et traditions que l'on appelait autrefois symboliques, et auxquelles l'arrêt ici recueilli donne encore ce nom, ne sont nulle part distinguées des autres par la loi, et elles doivent dès lors produire les mêmes effets, du moment qu'en définitive la chose est vraiment sous la puissance de la personne. Telle est, en effet, la doctrine des auteurs. V. Troplong, Vente, t. 1er, nos 265 et suiv., 274 et suiv.; Duvergier, Vente, t. 1er, no 248; Duranton, Cours de dr. franç., t. 16, no 191; Marcadé, Explic. C. Nap., sur l'art. 1604, nos 1, 2 et 3; Zachariæ, Cours de dr. civ., § 354; Chas san, Essai sur la symbolique du droit, p. 247; Mourlon, Rép. écrites, sur l'art 1606, 3o examen, p. 169 et 470.-V. Rep. gên. Journ, Pal., vis Possession, nos104 et suiv.; Vente,,nos 717 et suiv.

raient également être opposés à Callinet qu'autant qu'il y aurait eu tradition réelle de la chose donnée en nantissement, ou que l'acte, en contenant cession, aurait une date certaine de nature à être opposée aux tiers; --Attendu qu'ainsi, sous aucun rapport, la demande de la veuve Blanc-Praslon ne saurait être accueillie; - Par ces motifs, le tribunal dit et prononce que Callinet est déclaré propriétaire de l'orgue par lui placé au collège, que mainlevée est faite, en tant que de besoin, des oppositions de veuve Blanc-Praslon, à la délivrance dudit orgue à Callinet, etc. »>

Appel par la dame Blanc-Praslon, qui prétend que sa détention des clefs de l'orgue constitue pour elle la possession de cet orgue, et lui en a, dès lors, conféré la propriété, aux termes de l'art. 2279 C. Nap.

Do 9 AVRIL 1851, arrêt C. Lyon, 4 ch., MM. Durieu prés., Falconnet av. gén., PineDesgranges et Gayet av.

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« LA COUR; Attendu que Faivre a fait à Callinet, facteur d'instruments de musique, la commande d'un orgue, moyennant des conditions déterminées; que cet orgue a été exécuté suivant la convention; qu'après sa confection, il n'a point été livré à Faivre, mais déposé, du consentement des parties, dans l'église du lycée; Attendu que le prix de cet orgue, da par Faivre, n'a point été payé; Qu'en cet état, Callinet, comme tout vendeur, avait incontestablement le droit ou d'obtenir le paiement de la chose vendue, ou d'exiger, par la résolution du contrat, la reprise même de cette chose; - Qu'il a, en effet, usé de ce droit en demandant la restitution de l'orgue non payé, lequel est encore en ce moment resté en dépôt dans l'église du lycée;- Que Faivre lui-même ne conteste pas cette demande; qu'il y a donc lieu de l'accueillir; Attendu que la veuve Blanc-Praslon essaie vainement de s'opposer à l'exercice du droit de Cailinet, en excipant d'une vente verbale du même orgue que Faivre lui aurait passée à elle-même; - Qu'il est évident que Faivre n'a pu céder d'autres droits que ceux qu'il avait lui-même, c'est-à-dire des droits résolubles à défaut de paiement; - Qu'à la vérité, le tiers acquéreur d'un objet mobilier, lorsqu'il en a la possession, puise dans ce fait de possession un droit personnel indépendant de celui de son vendeur, et suffisant pour écarter toute revendication; que c'est ce qui résulte de la maxime inscrite dans l'art. 2279 C. civ., portant qu'en fait de meubles la possession vaut titre;-Mais que le bénéfice de cette maxime est, comme on le voit, attaché à la possession, et que, dans l'espèce, la veuve Blanc-Praslon n'a jamais eu la possession de l'orgue en litige;

Qu'elle invoque, à la vérité, une prétendue possession symbolique résultant de la remise des clefs de l'orgue; - Mais que ce n'est point à ce genre de possession, toujours si équivoque et si favorable à la fraude, qu'est attachée la présomption légale de propriété, mais bien à la possession vraie, effective, à la possession réelle, suivant l'expression employée par l'art. 1141,

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dont la disposition, qui se rattache à celle de l'art. 2279, doit servir à en fixer l'interprétation;

» Attendu, d'ailleurs, que, pour que la possession symbolique pût produire quelque effet, il faudrait au moins qu'elle fût clairement significative, exempte d'équivoque et d'ambiguïté, et surtout exclusive de tout droit étranger; Que ce n'est pas là ce qui se rencontre dans l'espèce, où l'on voit une partie des clefs de Torgue se trouver dans les mains de la veuve BlancPraslon, et l'autre partie dans celles du facteur ou de son représentant à Lyon;...

>> Par ces motifs, DIT qu'il a été bien jugé au chef qui a autorisé Callinet à reprendre, à titre de propriété, l'orgue déposé dans l'église du lycée, nonobstant toute opposition de la veuve Blanc-Praslon, dont au besoin mainlevée est faite; ORDONNE que le jugement sur ce chef sortira son plein et entier effet, etc. »

PARIS (8 décembre 1853). PROPRIETE LITTÉRAIRE, AUTEUR ÉTRANGER,

CONTREFAÇON, ÉDITIONS ANCIENNES, CLICHÉS, ÉDITION NOUVELLE, DÉCRET DU 28 MARS 1852. La création d'une œuvre littéraire ou artistique constitue au profit de son auteur une propriété dont le fondement se trouve dans le droit naturel et des gens, mais dont l'exploitation est réglementée par le droit civil (1).

Le décret du 28 mars 1852 (2) a eu pour but de conférer aux auteurs étrangers le droit exclusif, qui leur était contesté sous la législation antérieure, de vendre et éditer en France leurs ouvrages publiés en pays étranger, dans les limites concédées et sous les conditions imposées aux auteurs français (3).

L'esprit et la généralité des termes de ce décret étendent, sans qu'on puisse voir là aucun effet rétroactif, le bénéfice de ces dispositions aux ouvrages publiés antérieurement à sa promulgation, alors même qu'ils auraient été réimprimés en France par des tiers avant cette époque. Le fait de réimpression en France de l'ouvrage d'un auteur étranger, en l'absence de tout droit pour celui-ci de s'y opposer, et le dépôt effectué par un tiers, n'impliquaient point de la part de l'auteur une renonciation à sa propriété.

La liberté de réimpression accordée à tous par la loi civile a seulement protégé les faits consommés sous son empire, et conservé aux tiers qui ont usé de cette liberté la faculté de vendre les exemplaires des éditions créées, ou en cours d'exécution, lors de l'accomplissement des conditions imposées aux auteurs étrangers, ou à leurs cessionnaires, par l'art. 4 du décret du 28 mars 1852.

(1) V. Rép. gén Journ. Pal., vis Propriété artist., nos 2 et suiv.; Propr. littéraire, nos 24 et suiv. (2) V. nos Lois, décrets, etc., de 1852, t. 5. p. 201. (3) V. Rép. gén. Journ. Pal., vo Propr. litt., nos 66 et suiv., 115 et suiv.-V. aussi, en ce qui concerne les droits de l'auteur étranger d'un ouvrage publié en France, Cass., 20 août 1852 (t. 2 1852, p. 132), et la note."

Un tirage nouveau au moyen de clichés établis antérieurement à la promulgation du décret précité équivaut à une édition nouvelle, surtout lorsque ce tirage n'a été obtenu qu'à l'aide du remaniment des clichés, avec changement de format et addition de gravures; et constitue, dans les circonstances susindiquées, un délit de contrefaçon dont la répression peut être provoquée par l'auteur étranger ou son cessionnaire, qui se sont soumis aux obligations imposées par l'art. 4 du décret.

BARBA C. LECOU.

et la généralité des termes de ce décret étendent le bénéfice de ces dispositions aux ouvrages publiés antérieurement à sa promulgation, alors même qu'ils auraient été réimprimés en France par des tiers avant cette dernière époque; que cette interprétation ne porte atteinte à aucun droit acquis et ne donne au décret aucun effet rétroactif; Que le fait de réimpression en France de l'ouvrage d'un auteur étranger, en l'absence de tout droit pour celui-ci de s'y opposer, n'impliquait point effectivement de de sa part une renonciation à sa propriété; que le dépôt nécessaire pour conserver le droit de poursuite, mais non le droit de propriété, n'a

En 1840, le sieur Topffer, de Genève, réunit en un seul volume ses œuvres, écrites en fran-pu, lorsqu'il a été effectué par un tiers, transçais, qu'il avait publiés à diverses époques dans sa patrie. Accueillies en France avec faveur, elles furent successivement reproduites sous le titre de Nouvelles genevoises, d'abord, en 1840, par les libraires Charpentier et Paulin; plus tard, en 1845, par les sieurs Garnier et Dubochet; en 1850, par le sieur Panard; enfin en 1851, par le sieur Barba. - Le livre de Topffer était ainsi répandu en France par de nombreuses éditions librement publiées, sans opposition de la part de l'auteur, lorsqu'au commencement de 1853, le sieur Lecou, libraire à Paris, annonça qu'il avait acquis de la veuve de Topffer, décédé, le droit exclusif de reproduire ses ouvrages, et qu'il poursuivrait comme contrefaçon leur reproduction.

Le 7 mars 1853, le sieur Lecou fit au ministère de la police générale le dépôt d'une édition dont il allait commencer la publication; puis, le 24, en sa qualité de cessionnaire de madame veuve Topffer, aux termes d'un acte du 24 déc. 1852, il fit pratiquer la saisie des exemplaires d'une édition publiée par Barba, ainsi que des clichés qui avaient servi à cette publication, et l'actionna comme coupable du délit de contrefaçon.

Jugement du tribunal correctionnel de la Seine qui reconnait le délit, condamne Barba en 100 fr. d'amende, 300 fr. de dommages-intérêts, et ordonne la confiscation des exemplaires saisis et des clichés.

Appel par Barba.

DU 8 DÉCEMBRE 1853, arrêt C. Paris, ch. corr., MM. d'Esparbès de Lussan prés., Sallé subst. proc. gén. (concl. conf.), Calmels et Taillandier av.

<< LA COUR; - Considérant que la création d'une œuvre littéraire ou artistique constitue au profit d'un auteur une propriété dont le fondement se trouve dans le droit naturel et des gens, mais dont l'exploitation est réglementée par le droit civil; - Considérant que, sous la législation antérieure au décret du 28 mars 1852, on contestait aux auteurs étrangers le droit exclusif de vendre et éditer en France leurs ouvrages publiés en pays étranger; - Que le décret du 28 mars 1852 a eu précisément pour but de leur conférer ce droit, dans les limites concédées et sous les conditions imposées aux auteurs français, et de donner ainsi aux nations étrangères l'exemple de la consécration la plus large de la propriété littéraire et artistique; - Que l'esprit

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mettre cette propriété ni au reproducteur, ni au domaine public; Que la liberté de réimpression accordée à tous par la loi civile a sculement protégé les faits consommés sous son empire, et conservé, comme conséquence nécessaire, aux tiers qui ont usé de cette liberté, la faculté de vendre des exemplaires des éditions créées ou en cours d'exécution lors de l'accomplissement, par les auteurs étrangers ou leurs cessionnaires, des conditions auxquelles est subordonnée l'application du décret précité ; — Considérant que, dans le sens de ce décret, un tirage nouveau, au moyen de clichés établis antérieurement à sa promulgation, équivaut à une édition nouvelle, surtout lorsque ce tirage n'a été obtenu, comme dans l'espèce, qu'à l'aide du remanîment des clichés, avec changement de format et addition de gravures: - Considerant que, si les Nouvelles genevoises de Topffer, étranger, ont été publiées en Suisse de 1832 à 1840, si elles ont été depuis réimprimées en France par plusieurs libraires, la veuve de Topffer, décédé en 1846, a cédé à Lecou, le 24 déc. 1852, le droit d'éditer les Nouvelles genevoises; Que cette cession a été connue de Barba dès le mois de février 1853; que Lecou a effectué le 7 mars 1853 le dépôt exigé par le décret, et que, postérieurement à ce dépôt, Barba, à l'aide de clichés par lui établis en 1851, mais remaniés en un format différent et avec addition de gravures, a réimprimé les Nouvelles genevoises, et s'est ainsi rendu coupable du délit de contrefaçon prévu et puni par l'art. 1 du décret du 28 mars 1852, et les art. 425 et 427 C. pén.; - MET l'appellation au néant; ORDONNE que le jugement dont est appel sortira son plein et entier effet. >>

PARIS (12 décembre 1853). RESPONSABILITÉ, VOITURE DE PLACE, BAGAGE,

PERTE, COCHER.

Bien que, par les ordonnances de police, les cochers de voitures de place, à Paris, soient obligés de recevoir les bagages des voyageurs soit dans l'intérieur soit sur l'impériale des voitures, les voyageurs, demeurant maîtres dis choix de l'un de ces modes de transport, ne sauraient rendre les cochers responsables de la perte des bagages placés de leur plein gré sur l'impériale, alors qu'ils n'ont point exigé les précautions nécessaires pour empêcher cette perte, et qu'ils n'allèguent point qu'elle

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