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chait avec 3 bataillons (2 du 62o et 1 du 73°) sur le mamelon à droite de la gorge de Traktir, et venait renforcer la droite du général Faucheux, que soutenaient deux petits bataillons du 2° zouaves et quelques compagnies du 19 bataillon de chasseurs défendant les pentes pied à pied. Déjà les commandants Darbois et Alpy étaient tombés mortellement blessés, et plus de 400 hommes jonchaient le sol autour d'eux.

Alors, des deux côtés à la fois, change tout à coup le combat; le général de Failly, qui a reçu le restant de sa brigade, reprend vigoureusement l'offensive. A la vue de leur général qui marche au premier rang, à la voix de leurs chefs qui les entraînent, les soldats, électrisés, se précipitent sur l'ennemi; de toutes les poitrines sortent des cris d'enthousiasme, et les échos portent au loin ces cris à leurs frères d'armes, qui, des hauts plateaux d'Inkermann, écoutent avec anxiété le bruit de ce combat, dont le brouillard ne leur permet pas de suivre les péripéties. Rien ne peut résister à leur choc intré pide; les Russes, arrêtés, se maintiennent un instant, la lutte s'engage; mais les baïonnettes de nos soldats trouent et culbutent les premiers rangs; l'ennemi, repoussé, rétrograde à son tour et est forcé de repasser le pont, abandonnant ainsi le terrain qu'il venait d'envahir.

A droite, le général Cler s'était, nous l'avons dit, rapidement porté au secours de la première ligne du général Faucheux. La disposition du terrain, ondulé dans cette partie du plateau, lui permet de cacher son

mouvement offensif. Les Russes gravissent, sans l'apercevoir, les pentes qui regardent la Tchernaïa et se trouvent tout à coup en face de ses trois bataillons déployés. Les compagnies du 2° zouaves se mêlent aux nouvelles troupes qui arrivent et se jettent sur l'ennemi; celui-ci débordé de ce côté, et déjà désuni par la première décharge des trois nouveaux bataillons qui l'ont attendu à courte distance, est bientôt rejeté sur la rivière.

LXXXIV. Cependant la 17 division russe est descendue, en toute hâte, des hauteurs de Schouliou pour soutenir les 12 et 5 divisions, qui se reforment aussitôt; cette masse imposante, divisée en trois colonnes, se dispose alors à attaquer de nouveau les gorges en arrière du pont de Traktir.

Le brouillard s'est dissipé, et l'on peut suivre du regard sur les pentes opposées les mouvements de l'ennemi.

Le colonel Forgeot a disposé sur le front de notre ligne un ensemble de 7 batteries, qui tonnent à la fois contre les masses assaillantes.

De l'autre côté arrivaient, avec le général en chef, la division Levaillant, du 1er corps, la division Dulac, du 2o, et la garde impériale. Ces solides réserves devaient parer aux événements contraires et soutenir nos troupes, dans le cas où, refoulées par un ennemi supérieur, elles eussent dû abandonner leurs lignes. Mais les divisions Herbillon et Faucheux, que les renforts ont

complétées, barrent le passage à l'armée ennemie et sont prêtes à supporter son choc. Celle-ci, en effet, revient plus audacieuse, plus résolue, plus entreprenante. Le prince Gortschakoff avait pris en personne le commandement de l'aile droite, remplaçant le général Read, mortellement frappé dès le début de l'action.

L'attaque du pont est de nouveau tentée.

Les Russes se sont rendus maîtres du petit ouvrage en terre, qui, de leur côté, en couvrait la tête. - Le colonel Danner se lance en avant avec le 95°. Ce mouvement, sous l'intrépide impulsion du colonel, s'exécute avec vigueur. Au centre de la ligne, le général de Failly fait des prodiges de valeur; il est partout où le danger l'appelle et se multiplie sur tous les points menacés. Il commande à la fois comme un général, et combat comme un soldat. A droite, c'est le 2o zouaves et les bataillons du général Cler, qui repousent l'ennemi au delà de la Tchernaïa.

Mais les Russes n'abandonnent pas encore cette partie qu'ils ont si sérieusement engagée; la 17a division, renforcée à son tour par le régiment d'Odessa, se porte sur l'extrême droite des lignes françaises pour forcer le passage qui donne accès dans la petite plaine de Balaclava, point extrême auquel s'appuyait l'armée piémontaise. Aussitôt le général de La Marmora envoie la 2° division, que commande le général Trotti, prendre position sur le canal, en descendant rapidement les pentes qui l'en séparent, au delà du bivouac de la cavalerie française.

Les troupes sardes étaient avides de combattre, car c'était la première fois qu'elles se trouvaient en face des Russes, et pouvaient, sur le champ de bataille de Crimée, donner de nouvelles preuves de cette valeur intrépide qui les a classées parini les nations guerrières de l'Europe.

LXXXV. - Pendant que les 2 batteries de la division sarde ouvrent le feu sur les colonnes ennemies, le général Trotti s'est déployé jusqu'à l'extrême droite du mamelon occupé par les troupes françaises. Alors le combat s'étend sur toute la ligne. Pendant que les Sardes s'engagent vigoureusement et que le général Montevecchio est renversé sur le champ de bataille par une grave blessure, le général Faucheux a renforcé son aile droite. La colonne ennemie, prise ainsi à la fois de front et par les flancs, accueillie par une vive fusillade, ainsi que par le feu nourri des batteries de positions françaises et piémontaises, ne peut opérer son mouvement tournant. Une partie de la colonne descend le canal et se rallie au pied des pentes. Pendant quelque temps, elle dirige tous ses feux sur nous; puis, précédée du régiment d'Odessa, en colonne serrée, elle gravit le contre-fort, afin d'occuper le plateau, à l'extrémité duquel nous avons placé une batterie d'artillerie. Le général Cler est là; il voit s'avancer cette lourde colonne, il la laisse monter sans l'inquiéter et place, en arrière des pièces, deux bataillons. Les hommes, qu'abrite un pli de terrain, ont reçu l'ordre de ne faire feu sur l'ennemi, que

lorsqu'ils entendront battre la charge; alors ils se précipiteront à la baïonnette sur la tête de colonne. Bientôt les Russes atteignent le plateau; les pièces les reçoivent par une dernière salve, le général fait battre la charge et lance ses deux bataillons sur les Russes, qui vainement cherchent à résister, et sont rejetés sur le canal. Le régiment d'Odessa perdit son colonel et la plus grande partie de ses officiers.

Sur tous les autres points, l'attaque n'avait point eu plus de succès; et, comme à l'Alma, comme à Inkermann, les Russes s'éloignaient, laissant le terrain de la bataille jonché de morts.

Il était neuf heures, lorsque l'armée ennemie prononça définitivement son mouvement de retraite, s'arrêtant souvent pour se rallier, et se retirant en bon ordre sous la protection de masses considérables de cavalerie, et sous l'appui d'une artillerie nombreuse. Bientôt on la vit se déployer dans la plaine sur la rive droite de la Tchernaïa, ayant son aile gauche sur la montagne du Télégraphe, et son aile droite au pied des derniers versants des montagnes de Mackensie.

LXXXVI.-Un instant le général en chef avait eu l'intention de faire charger sur les derrières de l'ennemi quelques escadrons de chasseurs d'Afrique, auxquels s'étaient joints les escadrons sardes et un régiment anglais. «Mais, écrit-il, le but que l'on aurait atteint eût été sans grande importance, et cette belle cavalerie eût pu être ravagée par les batteries ennemies encore en

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