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UNI OF TEXA

NOUVELLE REVUE

NEUVIÈME ANNÉE

TOME QUARANTE-SEPTIÈME

Juillet-Août.

PARIS

23, BOULEVARD POISSONNIÈRE, 23

4887

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LE PRINCE DES SOTS

UNIV OF TEXAS

PRÉFACE

En 1866, j'achetai un manuscrit, parfaitement authentique, de Gérard de Nerval, le manuscrit d'un roman, le Prince des sots.

On sait qu'un drame portant ce titre avait été présenté à l'Odéon par Gérard, du temps d'Harel. Théophile Gautier, qui en avait écrit le prologue, croit que la pièce fut reçue. Mais une légende plus sûre raconte que la pièce fut ajournée, c'est-à-dire courtoisement refusée. Gérard de Nerval, et Théophile Gautierluimême, étaient alors de bien petits personnages littéraires.

Le roman que je possède est-il fait d'après la pièce? ou bien l'a-t-il précédée? Je crois à la dernière hypothèse. L'ampleur des détails, les recherches historiques, les documents archéologiques mis en œuvre, tout prouve que le roman, écrit sous l'influence de Notre-Dame de Paris, a été l'œuvre première dont Gérard de Nerval avait tiré ensuite un épisode, pour en faire un drame.

Cet épisode dont Théophile Gautier donne l'analyse, dans l'Histoire du romantisme, se trouve tout au long, avec tous ses détails, dans le roman. Il en forme un des chapitres les plus amusants, les plus singuliers.

Voici ce qu'en dit Théophile Gautier :

« Le prince des sots dont l'argument était une troupe de jongleurs, s'introduisant, sous prétexte de représentation dans un château féodal, pour enlever une beauté retenue par un père ou un mari tyrannique (1), contenait une autre pièce dans la grande, comme ces boules d'ivoire que la patience des Chinois sculpte les unes dans les autres. C'était un mystère à la façon gothique

(1) La mémoire de Théophile Gautier la trahi Il s'agit d'une femme enlevée le jour de ses noces, par le due Louis d'Orléans, et que son mari vient délivrer.

qui avait pour décoration une gueule d'enfer, toute rouge, surmontée d'un paradis bleu, tout constellé d'or. Un ange, descendu des voutes bleue,y: jouait avec le diable des âmes aux dés. Nous ne nous appelsiis plequel était l'enjeu de l'ange. Par excès de zèle, et pour ramener plus, d'âmes au ciel, l'ange trichait. Le liable se fachait et appel Lange « grand dadais, céleste volaille et le menaçait, s'il récidivait, de lui plumer les ailes, ce qui l'empêcherait de remonter chez son patron. La querelle s'envenimait, et il en naissait un tumulte, dont l'amoureux profitait pour enlever sa maîtresse. >>

>>

Après avoir ainsi analysé le mystère qui n'est plus qu'un chapitre vers la première moitié du roman, Théophile Gautier déplorait la perte du manuscrit de la pièce, orné par lui d'un dessin colorié, et conseillait à Asselineau, pour les Annales romantiques, de rechercher cette insaisissable copie.

Je crois que le manuscrit du drame aura été déchiré, brûlé. Peut-être a-t-il échoué, comme celui que j'ai acheté, ou plus misérablement encore, sur un tas de vieux papiers! Peut-être a-t-il été vendu dans un lot, pour retourner à la papeterie ! Peutêtre Gérard l'a-t-il détruit lui-même, le jugeant inutile, puisqu'il avait le manuscrit du roman.

Celui-ci est complet, sans omission. C'est une copie faite grossièrement, par un copiste inhabile, qui ne sait pas imperturbablement l'orthographe. Elle est surchargée de corrections de l'écriture de Gérard de Nerval, qui creuse, fouille, évide, comme un bois à sculpter, le texte épaissi de ce copiste.

J'ai gardé vingt ans ce manuscrit, parmi des autographes, peu tenté de le lire, tant il avait un aspect impénétrable, à cause des broussailles plantées par les ratures. Il n'était pas non plus encourageant à manier, laid, sale, maculé, comme les papiers qu'on a recueillis dans la rue de la Vieille-Lanterne. Mais un jour, le chapitre de Théophile Gautier me donna à réfléchir et arma mon courage. J'évoquai le souvenir de ce pauvre Gérard, dont j'avais reçu une des dernières étreintes, dont je revoyais les épreuves à la Revue de Paris, et à qui j'écrivais, pendant son agonie; je pénétrai dans ce fouillis. Le travail fut difficile, mais attrayant après tout. Quelquefois les corrections sont interrompues; l'auteur se réservait d'y revenir; quelquefois les confusions de dates. et de noms, dues au copiste, irritent la patience. Pourtant ma curiosité hien vite éveillée e donna la force d'aller

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