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Oh, que voilà d'allarme & du bruit pour des
fonges!

Là, tranquilifez-vous, tous songes font men-
fonges.

Vous faites, je ne fçais, quel galimatias.

Si le Diable venoit ....

LA PRINCESS E.

Paix.... il ne viendra pas.

MERDINE.

A raconter ses maux souvent on les soulage ;
Faites-moi cette hiftoire; allons, prenez cou

rage.

LA PRINCESSE.

Merdine, tu connois ce Préfent fi charmant,
Qu'en partant me laiffa le Prince mon
Amanti

Ce don fi précieux, gage de fa tendreffe,
Ce tréfor qui depuis fait toute ma richeffe ;
Ce Bijou, fouvent témoin de mes foupirs,
Le Confident fecret de mes plus doux plaifirs,
Que j'ai toujours chéri comme un autre lui-
méme ;

Ce Pot de Chambre enfin qu'il m'a donné,
que j'aime;

Tu le connois, Merdine ....

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MERDINE.

Eh, vraiment, je le dois,

Fuifque par jour au moins je le vuide dix

fois.

LA PRINCESS E. Je commençois à peine à cligner la prunelle; A peine je venois d'éteindre ma chandelle, (Car avant de dormir je la fouffle toujours) La nuit étoit à peine au milieu de fon cours 3 Un bruit affreux foudain chez moi fe fait entendre ;

Tout tremble, tout paroît se briser & se fendre;

J'entends des cris, des pleurs & des gémissemens; Des ferpens de l'effroi j'entends les fifflemens; Bref, après tous ces cris d'horreur & d'épouvante,

A la pâle lueur d'une lampe mourante, Je vois un Spectre affreux s'élever d'un tombeau ;

Tenant entre fes mains un lugubro flambeau: Dieux, c'étoit mon époux mort depuis une an

née!

D'un panache flétri fa tête étoit ornée ;
Il fembloit que de fang tout fon teint le couvrit ;
Et fa bouche étoit morte encor qu'elle s'ouvrit.
Le dépit, le courroux fur fon front étincelle;
Il vifite partout, rifqnes dans ma ruelle;

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Il tourne autour du Pot, la rage dans les
yeux;

Il pâlit à fa vue, &, d'un ton furieux,
Perfide, me dit-il, au mépris de ta gloirė,
Ta trahis donc ainfi mon nom & ma me-
moire?

Ton époux eft outré de tes feux infolens;
Plus les nœuds font facrés, plus les crimes font
grands

Je connois tes erreurs, je les rappelle toutes.
Le Prince Mordaucul t'adore, & tu l'écou-

tes i

Son Pot eft à tes yeux le plus grand de tes biens:

Tu chéris fes préfens, tu méprifes les miens. Où donc eft la Seringue & la Chaise-percée,

Que dans mon Testament ma flamme t'a laissée ?

Contre un vil Pot de Chambre as-tu på les changer?

Tremble, perfide femme. Oui, je viens une
vanger.

Encor fije voyois ton repentir fincere,
Je pourrois m'écrier, étouffant ma colére,
Du devoir il est beau de ne jamais fortir,
Mais plus beau d'y rentrer avec le repentir.
Tun'as rien à répondre.... Ah c'est trop....
Il s'approche;

Et tirant auffitôt un marteau de fa poche,

D'une

D'une main vigoureuse il veut fraper mon

Pot:
Immobile, glacée, & n'ofant dire mot,
J'avois jufques alors écouté fes menaces;
Mais voyant le danger, je vole fur les traces,
Je penfois l'arrêter.... Le Phantôme odieux
Me renverse à fes pieds & le brife à mes

yeux.

Je vois briller l'éclair; je fens trembler la
Terre;

Et le Jonge finit par un coup de tonnerre.
Je m'éveille à ce coup, & tremblante, je

cours

A mon cher Pot de Chambre objet de mes

amours:

Il m'a fervi d'autel; jamais nul facrifice Ne fut offert aux Dieux avec plus de dếlice;

Et combattant ainfi ce pronoftic mortel,
J'ai forcé le tombeau de céder à Pausel.
Voilà quel est mon fonge.... Eh bien, dis, que
ten femble?

Parle-moi fans détour....

MERDINE, qui a écouté le récis du fonge toujours dans la même posture d'effroi, ouvrant de grands yeux & la bouche béante.

Moi, je dis que je tremble

LA PRINCESSE.

Conçois-tu quels fujets de trouble & de ter

reur?

MER

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MERDINE.

Ma fois je n'en fçai rien; vous m'avež tant
fait peur

Que je n'ai rien compris à tout ce verbiage;
Vous me parlież d'éclairs....

LA PRINCESSE.

Epouvantable image, Eloignez vous, fuyez .... Mon Amant en ces

lieux

Ne fera pas longtems fans paroître à mes yeux;

Je l'attends aujourd'hui: quelle fera ina joye!

Va me chercher mon Pot, il faut que je le
voye;

Je veux me diffiper un moment avec lui;
Je ne l'ai point encor étrénné d'aujourd'hui [*].

MERDINE.

Eh, comment contenter le defir qui vous preffe ?

Ne m'avez vous pas dit qu'on l'avoit mis en piéce?

Qu'un Mort l'avoit caffé?

LA

[*]La force de la paffion lui fait oublier fans doute le facrifice qu'elle venoit d'offrir,

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