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L'Art de la Theffalie entre dans cette affaire,
Et quelque main a fceu fans doute luy former
Uncharme pour fe faire aimer.
AGLAURE.

Sur un plus fort appui ma croyance fe fonde,
Et le charme qu'elle a pour attirer les cœurs,
C'eft un air en tout temps defarmé de rigueurs,
Des regards careffans que la bouche seconde,
Un fouris chargé de douceurs,

Qui tend les bras à tout le monde,
Et ne vous promer que faveur.

Notre gloire n'eft plus aujourd'hui confervée,
Et l'on n'est plus au temps de ces nobles fiertez,
Qui par un digne effai d'illuftres cruautez,
Vouloient voir d'un amant la constance éprouvée.
De tout ce noble orgueuil qui nous feyoit fi bier,
On eft bien defcendu dans le fiecle où nous fom-
mes,

Et l'on en eft reduite à n'efperer plus rien,
A moins que l'on fe jette à la tête des hommes.
CIDIPPE

Oui, voilà le fecret de l'affaire, & je voi
Que vous le prenez mieux que moi.

C'est pour nous attacher à trop de bienfeance,
Qu'aucun amant, ma fœur, à nous ne veut venir,
Et nous voulons trop foûtenir

L'honneur de nôtre fexe, & de nôtre naiffance. Les hommes maintenant aiment ce qui leur rit, L'efpoir, plus que l'amour, eft ce qui les attire, Et c'eft par là que Pfiché nous ravit

Tous les amans qu'on voit fous fon empire.
Suivons,fuivons l'exemple,ajuftons-nous au temps,
Abaiffons-nous, ma fœur, à faire des avances,
Et ne menageons plus de triftes bienfeances
Qui nous ôtent les fruits du plus beau de nos ans.
A GLAURE.

J'approuve la penfée, & nous avons matiere
D'en faire l'épreuve premiere

Aux deux Princes qui font les derniers arrivez! Ils font charmans, mafœur, & leur perfonne en tiere

Me... Les avez-vous obfervez ?

CIDIPPE.

Ah, ma fœur, ils font faits tous deux d'une ma

niere,

Que mon ame.... Ce font deux Princes achevez,
AGLAURE.

Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendreffe,
Sans fe faire deshonneur.

CIDIPPE

Je trouve que fans honte une belle Princeffe
Leur pourroit donner fon cœur.

SCENE II.
CLEOMENE, AGENOR,
CIDIPPE, AGLAURE.

AGLAURE

LEs deux, &

Es voicy tous deux, & j'admire

CIDIPPE.

Ils ne démentent nullement

Tout ce que nous venons de dire.
AGLAURE.

D'où vient, Princes, d'où vient que vous fuyez ainû?
Prenez-vous l'épouvante en nous voiant paroître?
CLEOMENE.

On nous faifoit croire qu'ici

La Princeffe Pfiché, Madame, pourroit être.
AGLAURE.

Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agreable pour vous,
Si vous ne les voyez ornez de fa prefence?

AGENOR.

Ces lieux peuvent avoir des charmes affez doux ; Mais nous cherchons Pfiché dans nôtre impatience.

CIDIPPE

Quelque chofe de bien preffant

Vous doit à la chercher pouffer tous deux fans doute: CLEOMENE

Le motif eft affez puiffant,

Puifque nôtre fortune enfin en dépend toutes

AGLAURE.

Ce feroit trop à nous, que de nous informer
Du fecret que ces mots nous peuvent enfermer.
CLEO

CLEOMENE.

Nous ne pretendons point en faire de myftere
Auffi bien malgré nous paroitra-t-il au jour,
Et le fecret ne dure guere,

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Madame, quand c'eft de l'amour."
CIDIPPE.

Sans aller plus avant, Princes, cela veut dire,
Que vous aimez Pfiché tous deux.
AGENOR.

Tous deux foumis à fon empire

Nous allons de concert lui découvrir nos feux.
AGLAURE

C'eft une nouveauté fans doute affez bizarre,
Que deux rivaux fi bien unis.

CLEOMENE.

Il eft vray que la chofe eft rare,

Mais non pas impoffible à deux parfaits amis.
CIDIPPE.

Eft-ce que dans ces lieux il n'eft qu'elle de belle,
Et n'y trouvez-vous point à feparer vos vœux ?
AGLAURE..

(

Parmi l'éclat du fang vos yeux n'ont-ils veu qu'elle A pouvoir meriter vos feux ? CLEOMENE.

Eft-ce que l'on confulte au moment qu'on s'en-flâme?

Choifit-on qui l'on veut aimer?

Et pour donner toute foname
Regarde-t-on quel droitona de nous charmer?
AGENO R.

Sans qu'on ait le pouvoir d'élire,
On fuit dans une telle ardeur
Quelque chofe qui nous attire,
Et lorfque l'amour touche un cœur,«
On n'a point de raifons à dire.
A GLAURE.
En verité je plains les fâcheux embarras
Où je voi que vos cœurs fe mettent;
Vous aimez un objet dont les rians appas

Mêleront des chagrins à l'efpoir qu'ils vous jettent,
Et fon cœur ne vous tiendra pas

Tout ce que fes yeux vous promettent.

CIDIPPE.

L'efpoir qui vous appelle au rang de fes amans
Trouvera du méconte aux douceurs qu'elle étale; .
Et c'est pour efsuyer de trés-fàcheux momens,
Que les foudains retours de fon ame inégale.
AGLAURE.

Un clair difcernement de ce que vous vajez
Nous fait plaindre le fort où cet amour vous guide,
Et vous pouvez trouver tous deux, fi vous voulez,
Avec autant d'attraits, une ame plus folide.
CIDIPPE..

Par un choix plus doux de moitié
Vous pouvez de l'amour fauver votre amitié,
Et l'on voit en vous deux un merite fi rare,
Qu'un tendre avis veut bien prevenir par pitié
Ce que votre cœur fe prepare.
CLEOMENE.

Cet avis genereux fait pour nous éclater
Des bontez qui nous touchent l'ame;
Mais le Ciel nous reduit à ce malheur, Madame,
De ne pouvoit en profiter.
AGENOR

Vôtre illuftre pitié veut en vain nous diftraire
D'un amour dont tous deux nous redoutons l'effet;
Ce que nôtre amitié, Madame, n'a pas fait,
Il n'eft rien qui le puiffe faire.
CIDIPPE.

Il faut que le pouvoir de Pfiché.... La voici.

SCENE III.

PSICHE, CIDIPPE, AGLAURE, CLEOMENE, AGENOR.

Venez joiir,mafœeur,de ce qu'on vous apprête.

AGLAURE. Preparez vos attraits à recevoir ici

Le triomphe nouveau d'une illuftre conquête.

CIDIPPE.

Ces Princes ont tous deux fi bien fenti vos coups; Qu'à vous le découvrir leur bouche le dispose.

4

PSICHE.

Du fujet qui les tient fi rêveurs parmi nous
Je ne me croyois pas la caufe.
Et j'aurois crû toute autre chofe
En les voyant parler à vous.
AGLA URE.

N'aiant ni beauté, ni maiffance

A pouvoir meriter leur amour & leurs foins,
Ils nous favorifent au moins

De l'honneur de la confidence-
CLE OMENE.

L'aveu qu'il nous faut faire à vos divins appas,
Eft fans doute, Madame, un aveu temeraire;
Mais tant de cœurs prés du trépas,
Sont par de tels aveus forcez à vous déplaire,
Que vous étes reduite à ne les punir pas
Des foudres de vôtre colere.

Vous voyez en nous deux amis,

Qu'an doux rapport d'humeurs fceut joindre des Penfance;

Et ces tendres liens fe font vûs affermis

Par cent combats d'eftime & de reconnoiffance.
Du deftin ennemi les affauts rigoureux,
Le mépris de la mort, & l'afpect des fupplices,
Par d'illuftres éclats de mutuels offices

Ont de nôtre amitié fignalé les beaux nouds:
Mais à quelques effais qu'elle fe foit trouvée,
Son grand triompheeft en ce jour,
Et rien ne fait rant voir fa conftance éprouvée,
Que de fe conferver au milieu de l'amour.
Qui, malgré tant d'appas, fon illuftre conftance
Aux loix qu'elle nous fait a foumis tous nos veux;
Elle vient d'une douce & pleine deference
Remettre à vôtre choix le fuccés de nos feux,
Et pour donner an poids à nôtre concurrence,
Qui des raifons d'Etat entraine la balance
Sur le choix de l'un de nous deux,
Cette même amitié s'offre fans repugnance
D'unir nos deux Etats au fort du plus heureux.
AGENO R.

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Oui, de ces deux Etats, Madame, Que fous vôtre heureux choix nous nous offrons

d'unir,

Nous

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