AU LECTEUR. Et ouvrage n'eft pas tout d'une main. M. Qui que, à la referve de la Plainte Italienne. M. de Moliere a dreffé le plan de la Piece, & reglé la difpofition, où il s'eft plus attaché aux beautez & à la pompe du Spectacle, qu'à l'exacte regularité. Quant à la verfification, il n'a pas en loifir de la faire entiere. Le Carnaval approchoit, & les ordres preffans du Roy, qui fe vouloit donner ce magnifique divertiffement plufieurs fois avant le Carême, l'ont mis dans la neceffité de fouffrir un peu de fecours. Ainfi il n'y a que le Prologue, le premier Acte la premiere Scene du Second,& la premiere du troifiéme, dont les vers foient de luy M. Corneille l'aîné a employé une quinzaine au refte; & par ce moyen Sa Majesté s'eft trouvée fervie dans le temps qu'elle avoit ordonné. TRAGEDIE-BALLET. PROLOGUE. La Scene reprefente sur le devant un lieu champêtre, & dans l'enfoncement un rocher percé à jour, à travers duquel on voit la mer en éloignement. Flore paroit au milieu du Theatre, accompagnée de Vertumne Dieu des arbres & des fruits, & de PaLemon Dieu des eaux. Chacun de ces Dieux conduit une troupe de Divinitez; l'un mene à fa fuite des Dryades & des Sylvains; & l'autre des Dieux des fleuves & des Nayades. Flore chante ce recit pour inviter Venus à descendre en terre.) E n'eft plus le temps de la guerre; Pour donner la paix à la terre. Defcendez, mére des Amours, Venez nous donnet de beaux jours. Vertumne & Palemon, avec les Divinitez qui les accompagnent, joignent leurs voix à celle de Flore, & hantent ces paroles. CHOEUR DES DIVINITEZ de la terre & des eaux, Compofé de Flore, Nymphes, Palamon, Vertumne, *Sylvains, Faunes, Dryades, & Nayades. N Ous goûtons une paix profonde; Aaaa 2 Del Defcendez, mere des Amours, Venez nous donner de beaux jours. Il fe fait enfuite une Entrée de Ballet, compofée de deux Dryades, quatre Sylvains, deux Fleuves, & deux Nayades. Apres laquelle, Vertumne & Falamon chantent ce dialogne. VERTUM NE. RE PALE MON. Voicy la Reine des belles VERTUM NE.. Un bel objet toûjours fevere C'eft la beauté qui commence de plaire, Ils repetent enfemble ces derniers vers. Souffrons tous qu'Amour nous bleffe, Que fert un cœur fans tendreffe? VERTUM NE. Un bel objet toûjours fevere C'eft la beauté qui commence de plaire, Mais la douceur acheve de charmer. Flore répond au dialogue de Vertumne & de Palemon, par ce Menuet; & les autres Divinitez y mêlent leurs dances. St-on fage ES fabel âge, Eft-on fage Que fans ceffe L'on fe preffe De goûter les plaisirs ici bas: La La fageffe C'eft de fçavoir jouir de les appas. L'amour charme Ceux qu'il defarme; Seroit vaine De vouloir refifter à ses coups: Qu'un amant prenne, La liberté n'a rien qui foit fi doux. Venus defcend du Ciel dans une grande machine avec Amour fon fils, & deux petites Graces,nommées Ægiale & Phaene: &les Divinitez de la terre & des eaux recommencent de joindre toutes leurs voix, & continuent par leurs danses de luy témoigner la joye qu'elles reffentent à son abord. CHOEUR DE TOUTES LES CE Ous goûtons une paix profonde; Au plus grand Roy du monde. VENUS dans fa machine. Effez, ceffez pour moy tous vos chants d'alle- De fi rares honneurs ne m'appartiennent pas, Pfiché, Pfiché la belle, aujourd'huy tient ma place. Déja Déja tout l'univers s'empreffe à l'adorer, Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer. Prêtent leur folitude aux troubles de mon cœur 2 Cacher ma honte & ma douleur. Flore & les autres Deitez fe retirent, & Venus avec fa fuite fort de fa machine. EGIAL E. Nous ne fçavons, Déeffe, comment faire, Nôtre zele veut parler. Parlez, mais vos foins afpirent à me plaire, Laiflez tous vos confeils pour une autre faifon, Et ne parlez de ma colere, Que pour dire que j'ay raifon. C'étoit-là, c'étoit-là la plus fenfible offence Vous avez plus que nous de clartez, de fageffe, VENUS. Et c'eft là la raifon de ce courroux extrême. Moy, le plus doux fouhait du Ciel & de la Terre, Moy, |