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Des larmes de vôtre tendreffe.

Sculs ils font affez forts,& c'est trop pour mon cœur
De mon deftin & de vôtre douleur.
LE ROI.

Oui, je dois t'épargner mon deuil inconfolable.
Voici l'inftant fatal de m'arracher de toi :
Mais comment prononcer ce mot épouvantable?
Il le faut toutefois, le Ciel m'en fait la loi,
Une rigueur inévitable
M'oblige à te laifler en ce funeftelieu.
Adieu, je vais... Adieu.

Ce qui fuit jufqu'à la fin de la piece, eft de M. de C. l'ainé à la referve de la premiere Scene du troisième Acte, qui eft de la même main que ce qui a precedé.

SCENE II.

PSICHE, AGLAURE, CIDIPPE.

PSICHE'.

Uivez le Roi, mes fœurs, vous effuirez feslar

Suivez

mes,

Vous adoucirez fes douleurs,

Et vous l'accableriez d'alarmes,

Si vous vous expofiez encore à mes malheurs.
Confervez lui ce qui lui refte,

Le ferpent que j'attens peut vous être funefte,
Vous envelopper dans mon fort,

Et me porter en vous une feconde mort.
Le Ciel m'a feule condamnée
A fon haleine empoisonnée,
Rien ne fçauroit me fecourir,

Et je n'ai pas besoin d'exemple pour mourir.
AGLAURE.
Ne nous enviez pas ce cruelavantage
De confondre nos pleurs avec vos déplaifirs,
De mêler nos foupirs à vos derniers foûpirs;
D'une tendre amitié fouffrez ce dernier gage.
PSICHE.

C'est vous perdre inutilement.

CIDIPPE.

C'est en vôtre faveur efperer un miracle,
Ou vous accompagner jufques au monument.

Bbbb 2

PSI

PSICHE'.

Que peut-on fe promettre aprés un tel Oracle?

CIDIPPE.

Un Oracle jamais n'eft fans obscurité,

On l'entend d'autant moins que mieux on croit l'entendre,

Et peut-être aprés tout n'en devez-vous attendre
Que gloire, & que felicité.

Laiffez-nous voir, ma fœur, par une digne iffuë,
Cette frayeur mortelle heureufement déceuë,
Ou mourir du moins avec vous,

Si le Ciel à nos voeux ne fe montre plus doux.
PSICHE'.

Ma fœur, écoutez mieux la voix de la nature,
Qui vous appelle auprés du Roi.

Vous m'aimez trop, le devoir en murmure,
Vous en fçavez l'indispensable loi,

Un pere vous doit être encor plus cher que moi.
Rendez-vous toutes deux l'appui de fa vicilleffe,
Vous lui devez chacune un gendre, & des ne-

veux,

Mille Rois à l'envi vous gardent leur tendrefle,
Mille Rois à l'envi vous offriront leurs vœux :
L'Oracle me veut feule, & feule auffi je veux
Mourir, fi je puis, fans foibleffe,
Ou ne vous avoir pas pour témoins toutes deux
De ce que malgré moi la nature m'en laifle.
AGLAURE.

Partager vos malheurs, c'eft vous importuner.

CIDIPPE.

J'ofe dire un peu plus, ma fœur, c'eft vous déplaire. PSICHE'.

Non, mais enfin c'eft me gêner,

Et peut-être du Ciel redoubler la colere.

AGLAURE.

Vous le voulez, & nous partons.

Daigne ce même Ciel plus jufte & moins fevere,
Vous envoyer le fort que nous vous fouhaitons,
Et que nôtre amitié fincere

En dépit de l'Oracle & malgré vous espere.
PSICH E

Adieu, c'eft un espoir, ma fœur, & des fouhaits,
Qu'aucun des Dieux ne remplira jamais.

SCE

SCENE. III.

PSICHE' feule.

EE

Enfin feule, & toute à moi-même,
Je puis envifager cet affreux changement,
Qui du haut d'une gloire extrême
Me precipite au monument.
Cette gloire étoit fans feconde,

L'éclat s'en répandoit jufqu'aux deux bouts du moude,

Tout ce qu'il a de Rois sembloient faits pour m'ai

mer:

Tous leurs fujets me prenant pour Déefle
Commençoient à m'accoûtumer

Aux encens qu'ils m'offroient fans ceffe ; Leurs foûpirs me fuivoient fans qu'il m'en coûtât

rien,

Mon ame reftoit libre en captivant tant d'ames,
Et j'étois parmy tant de flammes

Reine de tous les cœurs, & maîtreffe du mien.
O Ciel! m'auriez-vous fait un crime
De cette infenfibilité?
Déployez-vous fur moi tant de severité,
Pour n'avoir à leurs vœux rendu que de l'eftime?
Si vous m'impofiez cette loi,

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Qu'il fallût faire un choix pour ne pas vous déplaire,

Puis que je ne pouvois le faire,

Que ne le faifiez-vous pour moi ?

Que ne m'infpiriez-vous ce qu'infpire à tant d'au

tres

Le merite, l'amour, &.... Mais que vois-je ici ?

SCENE

IV.

CLEOMENE, AGENOR,PSICHE,

CLEOMENE.

Eux amis, deux rivaux, dont l'unique fouci

vôtres.

PSI

PSICHE'.

Puis-je vous écouter quand j'ai chaflé deux fœurs?
Princes, contre le Ciel penfez-vous me deffendre?
Vous livrer au Serpent qu'ici je dois attendre,
Ce n'eft qu'un defefpoir qui fied mal aux grands

cœurs,

Et mourir alors que je meurs, ?
C'eftaccabler une ame tendre
Qui n'a que trop de fes douleurs.
AGENO R.

Unferpent n'eft pas invincible;

Cadmus qui n'aimoit rien defit celui de Mars,
Nous aimons, & l'Amour fçait rendre tout poffible
Au cœur qui fuit fes étendars,
A la main dont lui-même il conduit tous les dards.
PSICHE'.

Voulez-vous qu'il vous ferve en faveur d'une ingrate
Que tous les traits n'ont pû toucher ?
Qu'il dompte fa vangeance au moment qu'elle é-
clate,

Et vous aide à m'en arracher?

Quand même vous m'auriez fervic,
Quand vous m'auriez rendu la vie,

Quel fruit efperez-vous de qui ne peutaimer ?
CLEOMENE.
Ce n'est point par l'efpoir d'un fi charmant salaire
Que nous nous fentons animer,
Nous ne cherchons qu'à fatisfaire
Aux devoirs d'un amour qui n'ofe préfumer
Que jamais, quoi qu'il puifle faire,
Il foit capable de vous plaire,

Etdigne de vous enflammer.

Vivez, belle Princeffe, & vivez pour un autre :

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Nous le verrons d'un œil jaloux,

Nous en mourrons, mais d'un trépas plus doux Que s'il nous falloit voir le vôtre.

Et fi nous ne mourons en vous fauvant le jour, Quelque amour qu'à nos yeux vous preferiez au nôtre,

Nous voulons bien mourir de douleur & d'amour.
PSICHE'.

Vivez, Princes, vivez, & de ma destinée
Ne fongez plus à rompre, ou partager la loi :

Je

Jecroi vous l'avoir dit, le Ciel ne veut que moi;
Le Ciel m'a feule condamnée.

Je penfe ouïr déja les mortels fifflemens
De fon miniftre qui s'approche,

Ma frayeur me le peint, me l'offre à tous momens,
Et maîtrefle qu'elle eft de tous mes fentimens,
Elle me le figure au haut de cette roche.

J'en tombe de foibleffe, & mon cœur abatu
Ne foûtient plus qu'à peine un refte de vertu.
Adicu, Princes, fuyez, qu'il ne vous einpoifonne.
AGENOR.

Rien ne s'offre à nos yeux encor qui les étonne,
Et quand vous vous peignez un fi proche trépas,
Si la force vous abandonne,

Nous avons des cœurs & des bras
Que l'efpoir n'abandonne pas.
Peut-être qu'un rival a dicté cet Oracle,
Que l'or a fait parler celui qui l'a rendu :
Ce ne feroit pas un miracle,

Que pour un Dieu muetun homme eût répondu,
Et dans tous les climats on n'a que trop d'exem-

ples

Qu'il eft ainf qu'ailleurs des méchans dans les tem

ples.

CLEOMEN E.
Laiffez-nous opposer au lâche raviffeur,
A qui le facrilege indignement vous livre,
Un amour qu'a le Ciel choifi pour defenfeur
De la feule beauté pour qui nous voulons vivre.
Si nous n'ofons pretendre à fa poffeffion,
Du moins en fon péril permettez-nous de fuivre
L'ardeur & les devoirs de nôtre paffion.
PSICHE'.

Portez-les à d'autres moi-mêmes,
Princes, portez-les à mes fœurs
Ces devoirs, ces ardeurs extrêmes
Dont pour moi font remplis vos cœurs.
Vivez pour elles quand je meurs,

Plaignez de mon deftin les funeftes rigueurs,
Sans leur donner en vous de nouvelles matieres
Ce font mes volontez dernieres,

Et l'on a receu de tout temps

Pour fouveraines loix les ordres des mourans.

Bbbb 4

CLEO

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