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DES PROCHAINES ÉLECTIONS EN BELGIQUE.

Notre éducation politique est loin d'être faite, au moins celle de nous autres catholiques. Nous ne comprenons jusqu'à présent notre constitution qu'à moitié. Cette constitution peut se trouver plus ou moins bien dans notre esprit, elle n'est point encore dans nos mœurs. Nous avons voulu un état populaire, et nous vivons à peu près comme si nous étions gouvernés monarchiquement, comme si nous n'avions point à nous occuper des affaires publiques et que nous pussions nous renfermer tranquillement dans l'intérieur de nos familles.

Entre beaucoup de preuves à l'appui, en voici une que fournit la circonstance.

Qu'arrive-t-il à l'approché d'une élection? Messieurs les libéraux se mettent en campagne, parcourent les villes et les villages, vont par monts et par vaux, se donnent la peine d'aller serrer la main à chaque électeur, à peu près comme les candidats romains le faisoient dans le lieu des comices. Ils ont des réunions préparatoires dans des lieux publics, ils haranguent leur auditoire, ils proposent et font adopter des résolutions. On a même vu qu'à Liége ils se sont constitués en association (voir plus loin les nouvelles). A peine y ont-ils établi un comité, que quatre membres se rendent à Huy, réunissent une vingtaine d'électeurs dans un hôtel et y créent un sous-comité.

Et faut-il que nous le disions? Ces libéraux n'ont point tort. Ce n'est pas en effet cette activité qu'on peut blâmer. Si leurs principes, leurs vues, leurs desseins pouvoient être supposés bons, qu'aurions-nous à leur reprocher?

Mais du côté des catholiques, du côté des honnêtes gens qui n'ont pas d'ambition et qui seroient heureux s'ils pouvoient croire leurs intérêts moraux aussi bien que leurs intérêts politiques et matériels en sûreté, il s'en faut helas! de beaucoup qu'on remarque cette vie et ces soins. Ils ont quelques journaux qui représentent leurs opinions, qui défendent leur cause, qui expriment leurs voeux; cela leur suffit. Sortir de chez eux, consacrer régulièrement quelques

heures par mois aux affaires publiques, cela leur est extrèmement difficile; très-peu d'entre eux voudroient le faire. Donner signe de vic, encourager par leur exemple ceux qui se sacrifient pour eux, se montrer publiquement, convoquer et présider des réunions, signer des circulaires et des adresses, ils ne l'oseroient. A quoi bon exciter l'attention et l'animosité des libéraux? A quoi bon s'exposer à être calomnié ou tourné en ridicule dans leurs journaux ?

Quant à leurs candidats, s'ils en ont qu'ils puissent avouer, c'est souvent le même sentiment de crainte ou d'apathie. D'abord ils refusent de se remuer, ils ne veulent pas avoir l'air d'être ambitieux ; il faut leur promettre de travailler pour eux, de leur chercher les voix dont ils ont besoin; c'est leur première condition. Se mettre à cheval, courir les champs, voir les électeurs, ce n'est pas leur affaire. Que disons-nous? il faut même les servir avec précaution, il faut leur procurer les suffrages nécessaires sans se montrer trop

ouvertement.

Qu'on nous en croie, ce n'est point ainsi qu'il faut entendre la vie constitutionnelle. La loi que nous nous sommes donnée, suppose des habitudes toutes différentes. Le droit électoral, voilà le point capital. Si vous ne savez pas l'exercer, il faut que vous succombiez. Ne dites pas que vous n'avez pas le temps, que cela vous ennuie ou vous répugne, que vous n'osez affronter la publicité, que vous ne pouvez vous servir des armes de vos adversaires, qu'il vous est impossible de courir après les électeurs, de les chercher chez eux ou ailleurs. Vous vous êtes implicitement engagés à tout cela, le jour où vous avez adopté notre loi fondamentale. Vouloir le régime constitutionnel et refuser d'y conformer sa conduite, c'est une contradiction qui pourra vous coûter cher. Car si vous n'entendez pas la constitution, d'autres l'entendent pour vous et ils sauront profiter de cet avantage.

Cent et un de nos cantons sont appelés le 23 mai à renou~ veler leurs députations aux conseils provinciaux. Ils ont 229 conseillers à nommer. Quelle tâche, et quel événement dans l'année ! Cependant le public n'y fait pas attention; à peine le sait-il. Nous en exceptons ce petit nombre de libéraux, ce petit nombre d'hommes avides d'honneurs et de places, d'hommes entraînés par l'esprit de domination et l'ardeur du

prosélytisme. Car pour ceux-ci, ils le savent parfaitement et leurs préparatifs sont déjà faits.

Nous voudrions que les catholiques et les libéraux modérés qui s'entendent avec eux en politique, comprissent donc bien qu'ils ont un progrès à faire; qu'en présence du mouvement qui a incessamment lieu dans le camp de ceux qui les combattent et dont ils ne peuvent attendre qu'intolérance et qu'oppression, c'est une impardonnable folie de demeurer tranquille et d'attendre la victoire de son bon droit et de la pureté de ses intentions. Il faut vouloir être constitutionnel en pratique comme en théorie.

NOUVELLES

ECCLÉSIASTIQUES ET POLITIQUES.

BELGIQUE. Nous commençons aujourd'hui, d'après notre promesse, à mêler les faits politiques à ceux qui concernent l'Eglise. Nous avons cru ce développement utile pour un grand nombre de lecteurs. On remarquera que la modification s'opère sans que nous ayons eu besoin d'agrandir notre cadre, et que, loin de nuire aux articles historiques et littéraires, nous avons même pu, en nous renfermant partout dans les bornes nécessaires, étendre ces parties également. Notre succès dépendra de l'exactitude avec laquelle nous nous attacherons à ne rien dire de trop, surtout en fait de nouvelles. Ecrire tout de notre main, retrancher soigneusement toutes les choses inutiles, résumer en donnant à chaque objet le nombre de lignes que son plus ou moins d'importance demande, tels sont les moyens que nous employerons. Du reste, cette livraison-ci servira d'essai, nos lecteurs pourront juger.

et

Nous appelons l'attention de nos abonnés sur les deux pièces par lesquelles nous ouvrons ce volume. Quoique la lettre pastorale de Mgr. de Geissel soit longue, nous avons cru devoir la donner tout entière, comme la circulaire du vénérable archevêque. Elle nous a paru importante sous tous les rapports. Le coadjuteur de Cologne non seulement a bien compris sa haute mission, mais il a su adresser à son nouveau troupeau un langage parfaitement adapté aux circonstances, un langage de paix et d'union, un langage vraiment pastoral et apostolique. Toutes les classes de ses diocésains y reçoivent une utile instruction, et l'on comprend que l'extrême charité de l'évêque ne nuira point à son orthodoxie, à son inébranlable attachement à la foi. Cette lettre admirable se compose presqu'entièrement de textes de l'Ecriture, qui viennent s'unir naturellement

à la pensée de l'écrivain. Nous avons senti que cela augmentoit beaucoup la difficulté de la traduction. Pour ne pas nous tromper, nous avons jugé prudent de vérifier tous les passages sans exception sur les Livres saints, de les comparer avec les endroits cités et de nous bien pénétrer du sens des uns et des autres.

-Le sacre de Mgr Fornari, internonce apostolique en Belgique, a eu lieu le dimanche 3 avril, dans l'église métropolitaine de Malines. Son Em. le Cardinal-Archevêque a entouré cette auguste cérémonie de toute la splendeur dont elle étoit susceptible: il vouloit donner une preuve éclatante de son estime pour les vertus du nouvel archevêque de Nicée et un nouveau témoignage d'amour et de vénération pour le Saint-Siége, qu'il honoroit dans la personne de son représentant. Tous les évêques belges partageoient ces généreux sentiments; aussi tous se sont-ils empressés de répondre à l'invitation de leur métropolitain et d'ajouter par leur présence à l'éclat d'une fête qui a été pour la Belgique catholique un gage nouveau de la bienveillance dont notre Saint-Père Grégoire XVI nous a déjà donné tant de preuves. La cérémonie a commencé à la chapelle de l'archevêché par la profession de foi que Mgr. Fornari à faite entre les mains du Cardinal-Archevêque, en présence des évêques et du chapitre métropolitain. Ensuite les prélats ont été conduits processionnellement à la métropole. La marche étoit ouverte par un détachement de lanciers; le séminaire, les ecclésiastiques étrangers et le clergé de la ville en surplis, formoient la première partie du cortège; à la suite venoient les chanoines de la métropole en camails noirs, les vicaires-généraux en mantelets et camails, et les évêques en camails violets, dans l'ordre suivant: MMgrs. Delebecque et Dehesselle, Labis et d'Argenteau, Mgr. Fornari entre ses deux assistants MMgrs. Van Bommel et Boussen, enfin l'archevêque consécrateur Mgr. Sterckx; Son Em. portoit l'imposant costume de cérémonie des cardinaux et étoit précédée de la croix archiepiscopale. Le son des cloches et du carillon s'est fait entendre pendant le trajet et à différentes reprises dans la journée.

A l'entrée de la métropole, l'eau bénite a été présentée au cardinal par le doyen du chapitre. La vaste nef de l'église étoit remplie d'un bout à l'autre; les places réservées etoient occupées par les personnes invitées; on y remarquoit M. le ministre des affaires étrangères et le secrétaire-général, plusieurs membres du corps. diplomatique, les autorités civiles et militaires de Malines, les bourgmestres d'Anvers et de Louvain, enfin plusieurs familles nobles de Bruxelles et d'Anvers. Tout le chœur étoit orué d'étendards et d'emblêmes relatifs à la circonstance. Les écussons aux armoiries du Saint-Père et de tous les prélats présents étoient rehaussés de draperies rouges, de fleurs et des insignes du cardinalat. On lisoit au-dessus du maître-autel l'inscription suivante en forme de chronogramme:

ApostoLICUS beLgII InternUnCIUS Fornari ut nIcæensIs arChIepIsCopUs saCratYs McchLInIæ III aprILIS. Après avoir fait sa

prière devant l'autel, le cardinal a été conduit à son trône, où on l'a revêtu des ornements pontificaux. Il a fait ensuite donner lecture des lettres apostoliques d'institution, a reçu le serment et a procédé à l'examen solennel du nouvel élu. En ce moment le choeur de S. Rombaut offroit un noble et imposant spectacle. Sur la marche la plus élevée et sous la croix de l'autel étoit assis le cardinal consécrateur, la face tournée vers l'assemblée; il étoit revêtu d'ornements étincelants d'or et portoit une mitre ornée de brillants; ses deux archidiacres étoient assis à ses côtés; le nouvel archevêque étoit placé sur un siége au bas des marches, le visage tourné vers l'autel; les deux évêques assistants en chape et en mitre étoient assis à droite et à gauche; les quatre autres évêques occupoient des siéges placés un peu en arrière des deux côtés du sanctuaire; les vicaires-généraux et les chanoines se tenoient dans les stalles du haut du chœur; le reste du clergé remplissoit les autres stalles.

Les différentes cérémonies de la consécration se sont faites ensuite successivement selon les prescriptions du pontifical romain, pendant la messe que les deux prélats ont dite simultanément. Le consécrateur a remis ensuite les insignes de l'épiscopat à l'évêque consacré et l'a intronisé en le fesant asseoir sur son propre siége au milieu de l'autel; celui-ci ayant la crosse en main et la mitre en tête et tourné vers l'assemblée y est resté pendant le chant du Te Deum, tandis que les autres évêques se tenoient debout et découverts; il a parcouru ensuite la nef en bénissant le peuple et est revenu à l'autel où il a donné sa première bénédiction solennelle. Enfin le cardinal et les deux évêques assistants ont donné l'accolade à leur nouveau collègue.

La cérémonie étant terminée, le clergé, le chapitre et les évêques sont retournés processionnellement à l'archevêché au milieu d'une population nombreuse, qui alors comme à leur arrivée se montroit avide de considérer ce vénérable cortége.

A leur rentrée, les prélats ont trouvé l'intérieur du palais archiépiscopal orné d'arbustes et d'inscriptions. Le sacre de Mgr. Fornari étant avant tout une fête religieuse, le Cardiral-Archevêque a voulu en faire aussi une fête de famille, pour témoigner d'autant mieux l'union cordiale de tous les évêques belges, et leur attachement au représentant du Saint-Siége. Mgr. l'archevêque de Nicée a reçu successivement avant midi, le chapitre et le clergé de Malines qui l'ont complimenté par l'organe du doyen et de l'archiprêtre; Son Exc. a répondu de la manière la plus affable. Après les réceptions Mgr. le Cardinal a donné un grand banquet auquel ont assisté tous les prélats, ainsi que M. le ministre des affaires étrangères, le secrétaire-général, plusieurs familles nobles plus particulièrement liées avec Mgr. Fornari ou avec le cardinal, les vicaires-généraux de Malines et plusieurs chanoines. On y a porté des toast à l'Archevêque de Nicée, an Cardinal, au Souverain-Pontife et au Roi. La cordialité qui a regné parmi les convives manifestoit les sentiments Tome IX.

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