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SVR

LES MEVRS ET HVMEVR

DE

MONSIEVR SERVIN,

ADVOCAT GENERAL

AV PARLEMENT

DE

PARIS.

M. DC. XVII.

AVERTISSEMENT.

Louis Servin, avocat au Parlement de Paris, est un des plus célèbres personnages de la fin du 16 et du commencement du 17° siècle. Néanmoins sa vie est peu connue, et la seule circonstance qui occupe quelque place dans la biographie de ce personnage, est celle de sa mort tragique. On sait comment Servin expira, en 1626, aux pieds de Louis XIII, dans le moment même où il faisait d'énergiques remontrances à ce prince, au sujet d'édits bursaux qu'il avait apportés pour les faire enregistrer dans son lit de justice. La pièce suivante, bien que fortement entachée de partialité, contient sur ce magistrat et sur un certain nombre d'autres personnages importants, des détails ignorés, dont l'histoire ne saurait manquer de faire son profit. Servin s'était toujours montré ennemi des Jésuites, autant que partisan déclaré et défenseur ardent des libertés de l'Eglise gallicane. Il soutint aussi avec courage les prérogatives du Parlement contre les empiétemens du pouvoir royal.

DISCOURS

SUR LES

MEURS ET HUMEUR DE M. SERVIN,

ADVOCAT GÉNÉRAL AU PARLEMENT DE PARIS.

1617.

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Monsieur, puisqu'il n'y a rien de nouveau en cette cour, me ressouvenant du discours que vous me feites pendant vostre dernier voyage sur la bijarre et malfaisante humeur de monsieur l'advocat du Roy Servin, tant contraire au naturel de ceux de nostre pays de Dunoys et de ceux qui font estat de vivre entre les gens d'honneur, je veux vous raconter ce qui m'est arrivé sur ce sujet, afin que vous entendiez que nous ne sommes pas seuls qui trouvons ces humeurs estranges.

Il y a environ deux mois que je me trouvay fortuitement en la compagnie de deux advocats de ce parlement, tous deux Parisiens, lesquels (pour ce que ma

lettre peut tomber en autres mains) je vous discerneray, appelant l'un le Véritable, car il tient encore de ceste ancienne preud'homie qui recommandoit les advocats du temps de nos pères; l'autre je le nommeray le Sçavant, car il est du nombre de ceux qui se disent de la troupe sçavante pour avoir mieux estudié la grammaire que la jurisprudence, et les lettres humaines que la doctrine du palais; lesquels, encore qu'ils s'assemblent quelquefois près la boutique de la veufve Langelier, n'entrent pas souvent aux chambres des consultations.

Après plusieurs discours sur les affaires publiques, ils parlèrent du plaidoié dudit sieur Servin en cet appel interjecté par les quatre ministres de Charenton (qui se disent effrontément, et qui pis est impunément, les pasteurs de l'église réformée de Paris), du décret d'adjournement personnel contre eux décerné par le prévost de Paris, à cause de l'insolente et injurieuse épistre adressée à Sa Majesté, mise devant cette foible deffence de leur confession ou plustost confusion de foy, qu'ils ont naguères fait imprimer. L'un d'iceux, que je vous ai appellé le Véritable, parla comme un bon François et vray serviteur du Roy de ces prétendus réformés, qui, ayant depuis la naissance de leur hérésie fait gloire de leur rébellion, se vantent à présent de leur fidélité; qui, ayant un article de foy du mespris de la royauté, déclament à présent pour la monarchie; qui, ayant attendu nos Roys en pleine campagne pour les avoir à leur discrétion, disent qu'ils les ont tousjours respectés; qui, leur ayant livré des batailles, disent qu'ils ont tousjours esté leurs serviteurs et fidelles sujets ; qui, n'ayant jamais respiré que par la vaillance des armes du feu Roy, et depuis subsisté par sa bonté, disent qu'ils ont esté son refuge;" qui, ayans avec impiété renouvellé es vieilles et mo

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